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EMMANUEL


du rejeton de Jessé, n’est rattachée à aucune circonstance précise. Isaïe a liàte que Dieu opère le salut, clans son zèle pour la justice et par amour pour son peuple, ix, 6 ; peut-être espère-t-il en être témoin, mais, en somme, c’est l’avenir. L’avenir est représenté pour lui par le danger de la puissance assyrienne, il y place le nouveau David. » Revue biblique, 1905, p. 280281. Il n’en reste pas moins que les auditeurs, les contemporains du prophète, d’après ses paroles mêmes, étaient exposés à croire à une naissance prochaine du Messie.

Une explication qui se rapproche de celle de M. Vigouroux, mais s’appuie sur d’autres preuves, est celle des PP. J.-A. Delattre, Huyghe, A. hurand et Condamin (ce dernier avec quelque réserve). « Le mot hébreu hinnêh (îSo-J, ecce), n’indique pas toujours qu’un événement va se passer à brève échéance, cette particule prend encore parfois un sens purement conditionnel. Elle introduit l’énoncé d’une proposition, qui, pour être conditionnelle et secondaire dans l’ensemble de loute la phrase, n’en garde pas moins en elle-même un sens certiin et catégorique, a A. Durand, loc. cit., p. 274-275. A l’appui, plusieurs passages : Exod., III, 13 ; I Reg., ix, 7 ; Lev., xiii, 25. On pourrait ainsi comprendre la menace d’Isaïe : Jahvé punira bientôt l’incrédulité d’Achaz ; cela est tellement sur que « si la Vierge promise venait maintenant à concevoir et à enfanter, l’Emmanuel, son Mis, en qui la famille de David place son espoir, n’aurait pas encore atteint lï’ge de discrétion qu’on se verrait déjà en face des faits accomplis. Comme tous les autres il en serait réduit à se nourrir de lait et de miel sauvage, les seuls mets qu’on trouvera dans le pays, après que les ennemis auront passé. » Durand. L’objection que soulève cette interprétation, c’est l’incertitude du sens hypothétique donné à la particule hinnêh à cause de son extrême rareté dans la langue des prophètes. Ce sens plus fréquent avec la particule hên, forme abrégée de la précédente, pourrait plus aisément être admis s’il était démontré que le hé final de hinnêh dans le texte actuel d’Isaïe provient, par dittographie, de la consonne initiale du mot suivant ; mais ce n’est là qu’une simple hypothèse.

Les difficultés nombreuses, auxquelles se heurte l’exégèse de la prophétie de l’Emmanuel, tiennent, en partie du moins, à ce que le texte ne nous est pas parvenu dans sa pureté primitive. Ce texte, à cause de son obscurité même, a dû subir des remaniements, les quelques gloses assez évidentes que l’on peut constater dans le contexte les rendent vraisemblables ; comment les discerner, comment suppléer aux lacunes ? Les critiques à ce sujet ne s’entendent guère, leurs raisons ne paraissent pas jusqu’alors assez convaincantes pour motiver le rejet de l’un ou l’autre des versets les plus discutés 15 et 16. N’oublions pas non plus que si la prophétie n’est pas une « énigme dont l’événement doit donner la clef » (de Broglie), elle n’est pas davantage l’équivalent absolu de ce que le Christ et les apôtres ont accompli. « La réalité a toujours et de beaucoup dépassé les prédictions, et, de ce chef, la vision prophétique n’a jamais été, semble-t-il, adéquate à son objet. » Isaïe, en parlant de l’Emmanuel, a-t-il entrevu la splendeur du mystère divin ? on n’oserait le prétendre..1. Touzard, L’argument prophétique, dans la Revue pratique d’apologétique, t. iiv p. 85. Ici, comme bien souvent ailleurs, l’événement a jeté une lumière nécessaire sur le sens profond et dernier de la prophétie. C’est ce que disait, avec quelque exagéra, tion (car il n’admet pas le sens littéral messianique) Calmet dans son jugement sur l’oracle d’Isaïe : « On peut envisager ces paroles : Une vierge concevra et enfantera un fils dont le nom sera Emmanuel, ou dans un sens absolu et détaché du reste du discours ; et

alors il marquera évidemment la naissance du Messie d’une mère vierge ; ou dans un sens respectif, comme lié et enclavé avec la prophétie qui regarde le fils d’Isaïe ; et alors, il n’y aura que l’autorité de JésusChrist, des apôtres, des Pères et de l’Eglise’qui nous déterminera à détacher cette proposition etjes autres des chapitres suivants, lesquelles regardent le Messie, du reste de la prophétie qui regarde l’enfant de la prophétesse, épouse d’Isaïe. » Commentaire littéral, dissertation spéciale, 2e édit., Paris, 1726, t. v, p. 587. V. Aperçu de l’interprétation. — 1° Chez les Juifs. — Après Isaïe, on ne trouve plus dans l’Ancien Testament le nom d’Emmanuel ; l’allusion de Michée, v, 2% est la seule que nous puissions relever avec certitude. La traduction des Septante : èSoù r, uapôé’/o ; …, nous est une précieuse indication de l’interprétation messianique alors reçue en milieu juif. On a prétendu que cette traduction n’était qu’un écho de la croyance populaire des Juifs d’Alexandrie et de Palestine en la naissance du Messie d’une vierge, croyance qui n’avait pu manquer d’inlluencer l’exégèse de l’oracle d’Isaïe et son interprétation chrétienne. Cf. E. P. Badham, qui cite plusieurs passages des écrits rabbiniques et quelques allusions de Philon qui se rapporteraient à une naissance miraculeuse du Messie attendu par les Juifs. The academy, 8 juin 1895, p. 185-187. Cependant une étude particulière des doctrines de l’antique synagogue n’a pas retrouvé trace de l’idée de la Vierge-mère dans les conceptions messianiques au moins au siècle qui précède l’ère chrétienne. Cf. Durand, L’enfance de Jésus-Christ, Paris, 1908, p. 180, et les auteurs cités. Voir aussi E. Mangenot, Les Evangiles sgnup/iques. Paris, 1911, p. 127-129. Le juif Tryphon, dans sa conférence avec saint Justin, déclare que le Messie attendu par Israël sera un homme né comme les autres : 7îocvt ;  ; r, tj.sïç tÔv XptiTÔv av8ptpltov i avOçxoTTiov 7 ; po<78o.’.< « iu.ev yevYjffeoOai. Dial. cum Tryphone, n. 49, P. G., t. vi, col. 581.

Les versions grecques d’Aquila et de l’héodotion rendent ahudh par vefivtç. Cf. S. [renée, maintenant contre elles la traduction des Septante, Coût, hmr., 1. III, c. xxi, P. G., t. iiv col. 946. Les rabbins, qui se sont ingéniés à découvrir des noms au Messie, n’ont pas trouvé celui d’Emmanuel, c’est qu’ils appliquaient la prophétie d’Isaïe à Ézéchias ; « cette restriction est sûrement née de l’opposition au christianisme. Si R. José le Galiléen avait trouvé le nom de Clialôm dans Isaïe, IX, 5, il eût pu relever tout à côté beaucoup d’autres explications : Pelé (admirable), lo’és (conseiller),’Êlgibbor (Dieu héros), etc. Mais on n’aimait pas beaucoup tout cet endroit à cause des chrétiens qui reconnaissaient dans l’Emmanuel le fils de la Vierge. » Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris ; 1909, p. 217-218. L’Apocalypse grecque de Baruch, iv, dans Kautzsch, Die Apocrypken und P.seudepigraphen des A. T., Eribourg-en-Brisgau, 1900, t. ii, p. 45, dit bien que Jésus est appelé Emmanuel, mais c’est très vraisemblablement une interpolation chrétienne.

Les Juifs modernes pas plus que les contemporains, de saint Justin n’admettent l’interprétation messianique qui, disent-ils, semble avoir toujours été inconnue en milieu juif. Cf. Jewish encgclopsedia, au mol Immannel.

Chez les chrétiens.

Après saint Matthieu, I, 1825, l’exégèse chrétienne a été unanime, aux premiers siècles, à voir dans Isaïe, iiv 14, une prophétie messianique. Les témoignages, et Ses plus anciens, abondent ; il suffira d’en indiquer quelques-uns. C’est saint Justin discutantavec le juif Tryphon, Dial. cum Trgph., n.i-3, 66, P. C, t. vi, col. 568, 627, et établissant, parle texte d’Isaïe, la naissance virginale de Jésus, .4/)oL, i, n. 33, ibid., col. 379 ; saint Irénée, le défenseur de la traduction des Septante.(uapÛEvo : ) contre celle des Juifs