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EMMANUEL

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2° Hitzig, Riehm, H. Schultz identifient Emmanuel à un fils d’Isaïe. Saint Jérôme connaissait déjà cette interprétation, il la rapporte dans son commentaire sans la condamner. P. L., t. xxiv, col. 109-110. Quelques exégètes catholiques l’ont soutenue, mais en joignant le sens typique au sens littéral. On s’appuie « sur l’analogie avec 1s., vil, 3 ; vin, 3, où deux autres enfants d’Isaïe reçoivent un nom symbolique, et sont donnés comme signes. Le prophète dit expressément : « Nous voici, moi et mes (ils…, signes et présages en Israël, » vin, 18. En second lieu, la grande difficulté, que le sens messianique littéral ou unique trouve dans le contexte de vu, 16, disparait ici. » Condamin, loc. cit., p. 65-66. Le parallélisme enfin entre le c. vu et le commencement du c. vin a fait conclure à l’identité d’Emmanuel et de Maher-salal-has-baz (Prompt-but in— Proche-pillage).

Remarquons que le nom d"almâh ne convient pas plus à la femme d’Isaïe, appelée un peu plus loin la prophétesse, qu’à la femme d’Achaz ; le fils de l"a/mrî/i est le maître suprême de Juda, vm, 8 ; il appartient à la maison de David, son père, il sauvera son peuple, etc., autant de titres qui ne conviennent guère à un fils d’Isaïe, surtout à Maher-salal-has-baz, dont le nom dit précisément le contraire de celui d’Emmanuel, car il présage, non le secours qui sera accordé par Dieu aux Juifs opprimés, mais le pillage et la dévastation qui désoleront bientôt la contrée. Cf. Huyghe, La ViergeMère dans Isaïe, dans La science catholique, 1895, p. 235. Comment enfin se vérifierait le sens typique, surtout pour la citation de saint Matthieu ?

3° Weir, Hofman, Orelli ont recours à l’interprétation allégorique ; ils voient dans V almdh une personnification de la maison de David, ou de la portion fidèle du peuple d’Israël, et dans l’enfant le Messie ou une image de la génération nouvelle ; plus simplement encore la naissance serait le symbole de la délivrance. Les preuves font défaut, on cite bien Is., liv, 5 ; Ezech., xvi, où Israël est appelé l’épouse de Jahvé, et la leçon, de saint Matthieu xaXIo-ouo-iv au lieu de xa).£<raiç des Septante, d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion ; l’hypothèse n’en reste pas moins une « pure imagination ». Skinner.

4° Pour Duhm, Y’almah est une jeune mère quelconque, qui enfantera au moment où Juda sera délivré de l’invasion syro-éphraïmite ; « Dieu est avec nous, » pourra-t-elle s’écrier, lorsque les armées coalisées se retireront, et cette exclamation, sorte d’oracle, restera comme le nom de l’enfant sur le point de naître ; et ainsi les enfants appelés Emmanuel rappelleront, non seulement la parole du prophète et sa vérité, mais encore l’incrédulité d’Achaz. Cheyne, art. Emmanuel, dans Encyclopœdia biblica, juge cette interprétation la meilleure tant au point de vue historique que grammatical ; la seule difficulté réside dans le f. 15, où il est question de désolation et non de délivrance ; il n’est donc pas authentique, on le supprime. Cf. Marti, W. R. Smith, Kuenen.

Notons d’abord le rejet arbitraire du passade qui a le seul tort de contredire une théorie sans doute ingénieuse mais insuffisamment fondée, et l’emploi inexpliqué du mot’almdh pour désigner une jeune mère quelconque. On ne comprend pas non plus le ton emphatique du prophète annonçant pareille naissance ; enfin « est-il probable, ou même possible, remarque A. D. Davidson, qu’Isaïe se soit représenté les mères judéennes exprimant par le nom d’Emmanuel leur •reconnaissance d’être délivrées des rois d’Éphraïm et de Syrie ? Il a le plus profond mépris pour l’alliance des deux royaumes du nord, vu, 4. Le danger ne lui parait passe trouver là, vm, 12. De plus, ce qui ruinera l’alliance du nord, c’est l’invasion assyrienne, mais partout dans ces chapitres Isaïe admet que les Assyriens -dévasteront aussi Juda, vu, 18, 20 ; vm, 7, 8. Emma DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

nuel ne peut pas être signe qu’on sera délivré d’E phraïm et de la Syrie, car la délivrance ne se réalisera que par un désastre beaucoup plus grand. > llastinijs, Dictionary of the Bible, t. u, p. 154-455. Valent également contre l’hypothèse de Duhm les raisons données plus haut en faveur de l’interprétation du deuxième signe dans le sens d’une menace plutôt que d’une promesse. De même la correction proposée au i’. 16 enlève toute base à la théorie, puisque dans le passage ainsi rétabli il ne s’agit plus que de la ruine de Juda.

5° Citons pour mémoire l’explication de Porter, Journal of biblical literature, 1895, p. 26. Emmanuel symbolise, non la foi du prophète, mais la fausse confiance du roi et de son peuple. « Jahvé est avec nous » était une expression populaire de foi religieuse. Amos, v, 14. Les épreuves par lesquelles l’enfant devait passer symbolisent le cours des événements contraire à l’optimisme général.

6° Enfin l’interprétation messianique, au sens littéral, qui, à quelques exceptions près, est celle de tous les exégètes catholiques et d’un bon nombre de protestants. Voici les raisons sur lesquelles elle s’appuie. m La signification du nom Emmanuel (Dieu avec nous) n’implique en aucune façon son attribution au Messie. Comme tant d’autres noms propres bibliques, il peut, pris en lui-même, avoir un sens purement commémoratif, ou exprimer la confiance dans le secours de Dieu. Tous les exégètes sont d’accord là-dessus. Aussi invoque-t-on d’autres arguments en faveur du sens messianique. » Condamin, loc. cit., p. 62.

Le parallélisme facile à constater entre la prophétie du c. vu et celle du c. ix:« Un enfant nous est né, un lils nous a été donné, » rend très vraisemblable l’identification de l’Emmanuel avec cet enfant, qui, de l’aveu de tous, est le Messie, membre de la famille de David; la façon dont il est présenté au c. IX, sans préambule aucun, n’implique-t-elle pas que mention en a déjà été faite précédemment par le prophète, mention qu’on ne saurait chercher ailleurs que dans le y. 14 du c. vu. Cf. Davidson, OUI Testament Prophecy, Edimbourg, 1905, p. 356-357. Le nom d’Emmanuel, d’ailleurs, résume fort bien les dons merveilleux de l’enfant du c. ix. De même, le rameau sorti de la tige de Jessé, sur qui repose l’esprit de Jahvé, esprit de conseil et de force, xi, n’est autre que l’Emmanuel. Au c. vm, l’annonce de l’invasion assyrienne renferme ces mots : « Le roi d’Assyrie et toute sa puissance… pénétrera en Juda… de ses bras étendus, il couvrira toute l’étendue de ton pays, ô Emmanuel. » Si l’on rapproche ce passage de ceux où la terre de Juda est appelée terre de Dieu, on pourra légitimement conclure au caractère messianique d’Emmanuel. Cf. Knabenbauer, op. cit., p. 205. Pour échapper à la force de l’argument, on a recours à une correction du texte, nullement justifiée, qui supprime l’apostrophe à Emmanuel (Duhm, Cheyne, Marti).

Le prophète Michée, v, 1-5, s’exprime au sujet de l’invasion assyrienne en des termes qui sont une allusion à Isaïe, vu, 14, à moins que tous deux ne fassent allusion à une même prophétie plus ancienne et suffisamment connue de leurs auditeurs. Dans le passage de Michée, il s’agit évidemment du Messie : « Quant à, toi, Rethléhem Éphrata… C’est de toi que me viendra celui qui doit dominer en Israël, o cf. Is., ix, 6, « dans la gloire du nom de Jahvé. » Cf. Is., ix, 5. Celle qui doit enfanter, Mien., v, 2, n’est-elle pas 1 "almdh qui enfante Emmanuel ? La conclusion qui s’impose n’est pas celle de l’origine récente de ce dernier verset, mais bien de la vérité du sens messianique d’Isaïe, VII, 14. Cf. van Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 390.

On a rapproché aussi le passage de Jérémie, xxxi, 22, femina circamdabit virum, mais l’obscurité de ce

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