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EMMANUEL

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l’échec des ennemis. » Conclamin, loc. cit., p. 60. La condition de la délivrance fortement rappelée dans une menace, c’est la foi : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas, » 9 ; un signe pourra, sur la demande d’Achaz, corroborer les dires du prophète ; mais la crainte d’être obligé de se rendre à l’évidence, suggère au roi un refus hypocrite qui lui attire une réponse indignée et l’annonce d’un signe quand même : « Ecoutez donc, maison de David, c’est peu pour vous de fatiguer les hommes, vous fatiguez encore mon Dieu ! C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : (Jue la Vierge conçoive et enfante un lils ; qu’elle l’appelle Emmanuel ; il se nourrira de lait et de miel au temps où il saura rejeter le mal et choisir le bien. Car avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, la terre pour laquelle tu redoutes les deux rois sera dévastée. » Is., iiv 13-16 (trad. Condamin).

111. Nature du SIGNE. — Sur la nature de ce signe, différentes interprétations. Tout d’abord, quel est le sens du mot lui-même :’ôlh, <rr)[j.£Ïov, signant ? C’est un symbole indiquant tantôt la relation de Dieu et des hommes, ainsi l’arc-en-ciel, Gen., ix, 12, la circoncision, Gen., xvii, 11 ; tantôt la manifestation de la puissance i divine en faveur du peuple hébreu : saint Paul et les Évangiles nous montrent les.luifs demandant de ces signes. I Cor., 1,’22 ; Matlh., xii, 38 ; Luc, xi, 16-19. Souvent les prophètes allèguent leurs prévisions de l’avenir comme des signes (des preuves) du caractère divin de leur message. C’est une preuve aussi qu’Isaïe veut donner à Achaz lorsqu’il lui dit : « Demande un signe à Jahvé, ton Dieu, dans les profondeurs du schéol ou dans les sommets là-haut ! » Mais le signe que le Seigneur donnera lui-même, après le refus du roi, est-il de même nature ? II ne le semble pas. La promesse est devenue menace ; on ne saurait exiger, en effet (Duhm, Marti), du prophète, l’assurance du salut à ce roi obstiné dans ses projets impies ; le contexte y contredit : la particule, lâkên, « c’est pourquoi », reliant les versets 13 et 14, annonce dans le signe le châtiment d’une attitude qui lasse la patience de Dieu et des hommes, et au y. OIsaïe n’a-t-il pas dit : « Si vous ne croyez, vous ne subsisterez » ?Knabenbauer, Commentarius in Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. i, p. 166.

Le châtiment, sans doute, ne viendra pas de « ces deux bouts de tisons fumants », 4, mais au delà de l’invasion syrienne le prophète entrevoit l’invasion assyrienne, et celle-ci, laissée de côté dans le premier message d’Isaïe, apparaît maintenant en pleine lumière : Jahvé fera venir sur.Iuda l’allié imprudemment appelé, et le pays, après son passage, ne sera plus que ronces et épines. Is., iiv 17-25. Cependant sous la menace brille, comme une lueur d’espoir, le nom d’Emmanuel qui, malgré tout, malgré l’infidélité du peuple et de ses rois, sera le gage d’une délivrance finale.

Le signe de ce châtiment sera la dévastation prochaine des royaumes de Damas et d’Israël : « Avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, le pays dont les deux rois l’épouvantent, sera dévasté ; » ou bien, selon la correction indiquée plus haut, la proximité de la ruine du royaume de Juda lui-même. Le signe n’est plus, dans ce cas, une manifestation de la ! puissance divine, mais un moyen de vérifier après l’événement la vérité des paroles du prophèle et par là de son caractère d’envoyé de Dieu. « De deux événements prédits, remarque justement Skinner, le plus proche peut (servir de signe au plus éloigné, I Reg., ii 34 ; .1er., xr.iv, 29 sq. ; ou bien dans un sens plus généra] encore, le signe peut être simplement un incident de la prédiction réalisée, en face duquel l’esprit se reportera au temps où la prophétie a eu lieu et où le signe a été donné. Exod., iii, 12 ; Is., xxxvii, 30. » The Book of the Prophet Isaia/i, dans Cambridge Bible for Schools

and Collèges, Cambridge, 1900, t. i. Ce ne sera peutêtre plus ainsi un signe pour Achaz, mais pour la maison de David et pour le peuple, qui seront témoins des événements annoncés, et reconnaîtront la vérité de l’oracle prophétique. C’est d’ailleurs à la maison de David que la parole est adressée, 13, I i.

D’après une autre interprétation, celle de nombreux exégètes anciens et modernes, surtout catholiques, cf. Knabenbauer, op. cit., t. i, p. 174, le signe donné par Isaïe à Achaz consisterait précisément dans la naissance de l’enfant d’une vierge, dans la parthénogenèse. Tertullien, Adversus.Indiens, P. L., t. ii col. 618 ; Théodoret, In Isaiam, P. G., t. i.xxxi, col. 275, disent qu’il n’y aurait plus de signe s’il n’y avait pasconception virginale.

De nombreuses difficultés s’opposent à cette exégèse. D’abord, le contexte : la remarque a déjà été faite plus haut : la promesse d’un libérateur ne saurait répondre à l’infidélité du roi, alors que le passage tout entier est aux menaces. Mais la principale objection est celle-ci : comment la vierge-mère aurait-elle pu servir de spreà Achaz ou à ses contemporains, car c’est bien à eux qu’Isaïe entend donner un signe. Cf. Durand, la Viergemère et l’Emmanuel, dans l’Université catholique, juin 1899, p. 270-272. Cette objection, si souvent faite à l’interprétation messianique du passage, ne porte plus, si l’on place le signe dans l’imminence du châtiment, et non dans la parthénogenèse. Notons encore que cette exégèse laisse intacte la substance du sens traditionnel ; le fait qu’une vierge concevra et enfanlera reste aflirmé dans le passage, mais il n’est plus le si^ne donné par Dieu à Achaz.

IV. La personne d’Emmanuel. — Différentes hypothèses ont été proposées : 1° Les Juifs, nous dit saint brome, reconnaissaient dans Emmanuel, le fils d’Achaz, Ezéchias. In Isaiam, P. L., t. xxiv, col. 109 C’est encore avec plus ou moins de réserve l’opinion d’un certain nombre de critiques modernes : Lagarde, Seniilica, Gœttingue, 1878, i, p. 1-32 ; Mac Curdy, History, Prophecy and the Monuments or Israël and ll<e Nations, New-York, 1894-1901, t. i, p. 117 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895-1899, t. iii, p. 181. A première vue, en effet, tout semble justifier cette identification : Ezéchias est fils de roi, de la race de David ; sa naissance se place dans les premières années du règne d’Achaz, son amour de la justice et du culte du vrai Dieu lui mérite la protection spéciale d’en haut ; n’est-ce pas lui le libérateur promis ? La leçon des Septante, enfin, y.a’/i<7£t ; , toi, Achaz, tu appelleras, semble favoriser cette hypothèse.

Déjà saint Jérôme objectait l’âge de l’enfant au début même du règne d’Achaz. Cette réponse a perdu de sa valeur depuis la découverte des documents assyriens, dont les données chronologiques ne concordent pas avec les dates de la Bible, elles-mêmes en conflit pour la date de l’avènement d’Ezéchias. IV Reg., XVI, 1 ; xvni. 9-10 ; xviii, 13. Il va surtout que la mère d’Ezéchias ne saurait être appelée almàh, alors que tant d’autres désignations pouvaient naturellement se présenter à l’esprit d’Isaïe parlant à Achaz, cf. Rosenmûller, Scholia in Velus Testament)/ » ! , lesajie vaticinia, Leipzig, 1829-1834, t. I, p. 303, à moins qu’on ne prétende qu’elle ne soit restée vierge, ce que personne ne suppose. On ne voit pas non plus que la naissance d’Ezéchias « ait été un sujet de joie pour les tribus de la Galilée, Zabulon et Nephtali. Enlin tout son personnage pâlit quand on le compare au magnifique tableau tracé par le prophète ; même dans sa période héroïque, pendant le siège de Jérusalem, Ezéchias n’est pas le roi qui sauve…, ce n’est guère le monarque admirable, le conseiller, encore moins celui qui pénètre le secret des pensées, 9 Lagrange, La Vierge et l’Emmanuel, dans l, Revue biblique, 1892, p. 491-195.