Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/581

Cette page n’a pas encore été corrigée

24-29

EMINENCE (METHODE D’) EMMANUEL

2430

verbe, intelligence, essence, peuvent mieux aller à la réalité divine que les symboles matériels, De hier, cœl., m, certaines négations s’imposent tout d’abord, parce qu’il faut éliminer en premier lieu ce qui a moins de conformité avec Dieu ; les affirmations peuvent être moins justes, les négations plus vraies ; quoi qu’il en soit, lorsqu’il s’agit de Dieu, toute affirmation veut être corrigée, toute négation dépassée. « On ne doit faire de lui ni affirmation ni négation absolue, et en affirmant ou en niant les choses qui lui sont inférieures, nous ne pourrions l’affirmer ou le nier lui-même, parce que cette parfaite et unique cause des êtres suppose toutes les affirmations, et que celui qui est pleinement indépendant et supérieur au reste des êtres, surpasse toutes nos négations. » De la théologie mystique, passim, et surtout c. V.

g) Saint Thomas, en disciple conscient du pseudo- Denys, développe cette doctrine dans son commentaire des Noms divins ; il l’incorpore à sa synthèse théolo- gique dans la Somme, le Contra génies, le De polen- tia, le commentaire sur les Sentences : elle inspire et domine toute sa théorie de la connaissance naturelle et révélée de Dieu ; elle en fait l’unité ; d’elle il fait dé- pendre toute la valeur de sa théodicée et des notions révélées. Cf. In IV Sent., 1. I, dist. 11, q. i, a. 3.

11 lui donne la même base psychologique : l’incapa- cité de notre intelligence à concevoir les réalités spiri- tuelles autrement qu’à travers les réalités matérielles : le pseudo-Denys avait signalé ce fait de bon sens ; saint Thomas en fait la théorie d’après la thèse aristotéli- cienne de l’origine empirique de toute connaissance.

A la lumière de la théorie de l’analogie, il précise la doctrine traditionnelle en la défendant contre les deux écueils du moment : le panthéisme et le nominalisme agnostique. En niant toute similitude d’espèce ou de genre entre Dieu et le monde, il se met en dehors du premier ; en affirmant une proportion, une analogie entre l’effet créé et la cause première, il évite le second et établit fermement la possibilité de remonter à Dieu par la triple voie traditionnelle. Il semble que les théologiens postérieurs n’ont rien ajouté à la précision de sa doctrine sur ce point.

Conclusion. — Si nous recherchons la valeur dogma- tique des spéculations traditionnelles sur l’éminence divine, nous constaterons ceci : 1° Le concile du Vati- can, De fide calholica, Denzinger-rSannwart, n. 1782, nomme parmi les attributs fondamentaux de Dieu : l’infinité en toute perfection et l’incompréhensibilité divine. On sait que ces deux perfections sont en étroite relation avec celle de l’éminence divine : la première en est le fondement, la seconde, la conséquence.

2° Il déclare aussi que « Dieu est élevé d’une manière indicible au-dessus de toutes les choses qui ne sont pas lui et que nous pouvons concevoir ; » c’est affirmer l’éminence absolue de sa nature. On peut en conclure que Dieu est aussi au-dessus de nos idées, puisque les idées que nous nous formons de lui sont une des choses qu’il a faites.

3° Il est explicite au sujet de l’éminence des mys- tères, par rapport à notre intelligence créée : Divina mysleria suapte natura inlelleclnm creatum sic cxce- dunt, nt etiam revelalione tradilu cl l’aie suscepla, ipsius tamen fidei velaminc contecla et quadani quasi caligiue absolula maneant. Ibid., c. IV, n. 1 706.

i" Rien de formel dans ce document sur le triple pro- cédé d’affirmation, de négation, d’éminence. On peut penser cependant que le concile en fait usage dans ï’énumération des attributs divins, cf. Dictionnaire apologétique, art. Agnosticisme, t. i, col. 63 ; Vacant, Etudes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, t. i, p. 199, sans en consacrer explicitement la légitimité. On peut enfin ajouter que cette légitimité découle naturellement de deux vérités définies : la co-

gnoscibilité de Dieu par le moyen des créatures, Den- zinger-Bannwart, n. 1785 : Invisibilia enim ipsius, a crealura mundi, per ea quse facta sunt inlellecta conspiciuntur, et l’infinité divine. La première fonde le procédé d’attribution ; la seconde appelle les deux autres : l’infinité ne peut être atteinte humainementque par la négation du fini et la méthode d’éminence.

Outre les auteurs cités au cours de l’article, voir la bibliogra- phie des articles Agnosticisme, Anthropomorphisme, Ana- LOGIE, de ce dictionnaire ; Dogme ei Agnosticisme, du Diction- mur,’ apologétique de d’Alès.

Pour un exposé d’ensemble de la question, voir la thèse re- marquable de M. Ruch : Dieu éminent ci accessible à la rai- son, Paris, 1899 ; l’étude de M. Sertillanges : Agnosticisme et anthropomorphisme, Paris, 1908 ; Gardeil, Le donné révélé et la théologie (surtout le 1. II, La relativité métaphysique du dogme), Paris, 1910 ; Le Roy, Dogme et critique, Paris, 1907, surtout ]i. 142-154.

A. Gauoel. EMMANUEL. Ce mot se rencontre deux fois dans le livre d’isaïe employé comme nom propre. Is., vu, li ; vin, 8. C’est un nom symbolique : hébreu : Immânû’êl ; Septante : ’Ivj.uavour,),, Dieu avec nous, Matth., i, ’23, donné à l’enfant dont la naissance est annoncée par Isaïe à Achaz menacé de l’invasion des armées coalisées d’Israël et de la Syrie. Is., vu, 14. Ouel est cet enfant ? C’est Jésus, le Messie, lisons-nous dans saint Matthieu après le récit delà naissance mira- culeuse du Sauveur : « Or, tout cela arriva afin que fût accompli ce qu’avait dit le Seigneur par le prophète : la Vierge concevra et enfantera un fils, et on le nom- mera Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. «Matth., i, 22,23. La tradition catholique n’a pas entendu autre- ment le célèbre passage dont il importe d’établir le sens historique. — 1. Authenticité du passage. II. Situation historique. III. Nature du si^ne. IV La personne d’Emmanuel. V. Aperçu de l’interprétation.

I. Authenticité du PASSAGE. — Le verset 14 et son contexte appartiennent à celte partie du recueil d’isaïe dont l’authenticité ne saurait être sérieusement con- testée, du moins dans l’ensemble. Quelques réserves, en effet, sont à faire au sujet du y. 1 : introduction his- torique et généalogie d’Achaz ; des versets 4 et 8. Cf. Condamin, Le livre d’isaïe, Paris, 1905, p. 48-49. Cer- tains critiques y ajoutent le f. 15, Duhm, Das Bue h lesaia, 2« édit., Gœttingue, 1902, et d’autres le y. Mi. Budde ; Lagrange, Revue biblique, 1905, p. 279-280. Quelques corrections du texte sont à faire, en particu- lier au y. 16, où il s’agit plutôt de Juda que d’Israël ; le contexte, en effet, demande la dévastation de Juda, et le mot « terre >> ne saurait désigner Israël et la Syrie.

II. Situation historique. — Voici dans quelles cir- omsiances fut prononcé l’oracle. Au début du règne d’Achaz (735), les rois d’Israël et de Syrie ont fait alliance contre Juda, dans le but sans doute de l’obli- ger à se joindre à eux pour combattre l’invasion assy- rienne ; l’Egypte, a-t-on supposé non sansvraisemblance, ne devait pas être étrangère à ce dessein. Cf. Is., vu, 18. Menacé de perdre son trône, VII, 6, Achaz prit peur, et peu confiant dans ses propres forces, il songeait à faire appel au roi d’Assyrie, Téglathphalasar. IV Reg., xvi, 7, 8. C’est alors que le prophète survient pour mettre en garde son roi contre une telle politique, à la fois funeste et impie ; cet appel, en ell’et, au conquérant assyrien « est un manque de foi en Jahvé ; cette alliance est une sorte de profanation de l’alliance divine ; elle menace de porter une grave atteinte au caractère reli- g eux du peuple élu ; et au point de vue purement humain, elle paraît fatale. Juda, en devenant vassal, se soumet à un lourd tribut ; et son territoire risque fort d’être bientôt le champ de bataille, où les deux grandes puissances, l’Assyrie et l’Egypte, se disputeront la suprématie. Aussi le ton du prophète est très solennel et, par moment, très animé ; il prédit avec assurance