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ÉMINENCE (METHODE D’2428

que nous puissions trouver dans les concepls et formules dogmatiques de quoi « orienter au moins notre pensée dans le sens de cet inlini du mystère, » sans pour cela méconnaître que la réalité divine dépasse infiniment les formules dans lesquelles elle se révèle.

II. Histoire.

Elle se confond avec celle de l’idée de Dieu. Voir Dieu [Sa nature d’après la Bible et d’après les Pères). Mettons en relief seulement quelques points de celle histoire.

Connaissance confuse de l’éminënce divine.


C’est une idée primitive en religion, semble-t-il, que celle de la supériorité du divin par rapport à nous. On la conçoit évidemment d’une layon relative : Dieu est plus puissant, plus juste que nous ; c’est un homme grandi, idéalisé.

A un stade plus avancé, on peut le concevoir comme le tout-puissant, le juste par excellence, le sage, la cause de l’univers et pourtant n’avoir encore qu’une connaissance confuse de son éminence, parce que les idées qu’on se fait de cette toute-puissance, de cette justice, sont encore bien imparfaites, mêlées d’anthropomorphisme, et qu’on est tenté de les réaliser en Dieu sans correction aucune. On conçoit Dieu surtout alors par aflirmation. Ce semble avoir été le cas de la plus ancienne théologie biblique : on la trouve surtout consignée dans les livres des Juges, de Samuel, des Rois, dans ces passages du Pentaleuque que l’on appelle jéhovistes et élohistes. Depuis longtemps, on a signalé les anthropomorphismes de ces passages. Voir Anthropomorphismes, et Dieu (Sa nature d’après la BibTe), col. 964-979.

Connaissance explicite.

1. Dans la Bible. — à] Chez les prophètes et les écrivains plus récents, on trouve une connaissance plus nette de l’éininence divine, et partout, le procédé négatif est plus en honneur. C’est un de leur rôle providentiel de placer la justice, la sainteté, la pureté divine au-dessus de l’idéal que s’en faisaient les Israélites de leur temps, .lahvé dit par la bouche d’Isaïe, lv, 8, 9 : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, mes voies ne sont pas vos voies. Comme le ciel est au-dessus de la terre, ainsi mes pensées et mes voies sont au-dessus de vos pensées et de vos voies. »

b) Chez Job, même sentiment du mystère impénétrable de Dieu et de l’insuffisance de nos pensées à le scruter. « Sa justice, sa sagesse, sa force, l’homme ne peut pas plus les mettre en doute que s’en faire une idée adéquate : telle est la pensée maîtresse que le livre de Job développe dans une gradation savante et d’un puissant effet. » Ruch, Dieu éminent et accessible ù la raison, p~. 6. Le discours de Sophar, xi, 6, 10, celui d’Élihu, xxv, 22-28, la réponse de Dieu l’illustrent tour à tour et Job lui donne un dernier relief, en confessant l’impuissance de l’homme à sonder la grandeur des infinies perfections, xlii, 3 : « Oui, j’ai parlé sans intelligence de merveilles qui me dépassent et que j’ignore. »

c) Avec l’Ecclésiastique, xliii, 27-33, et la Sagesse, xiii, 1-9, nous avons dans l’Ancien Testament l’affirmation explicite de la doctrine de l’éminënce divine, par rapport à la créature el à nos pensées, et l’indication de la méthode : « Nous pourrions dire beaucoup, et nous ne l’atteindrions pas… Il est le Tout-puissant, supérieur à toutes ses œuvres… En louant le Seigneur, exaltez-le tant que vous pourrez, car il sera toujours plus haut encore…, qui l’a iiv et pourrait en discourir ? qui est capable de le louer tel qu’il est ? » Eccli., loc. cit. La Sagesse traite d’insensés « ceux quj n’ont pas su par les biens visibles s’élever à la connaissance de celui qui est… Si, charmés de la beauté des créatures, ils les ont prises pour des dieux, qu’ils sachent combien le Seigneur l’emporte sur elles…, qu’ils comprennent combien est plus puissant celui qui les

a faites, car la grandeur et la beauté des créatures font connaître par analogie celui qui en est le créateur. »

d) Le Nouveau Testament répète la même doctrine : « Personne n’a vu Dieu. » Joa., i, 18. « Personne ne connaît le Père, si ce n’est le Eils et celui auquel le Fils le révèle. » Mattb., xi, 27. Cf. aussi Rom., XI, 13 ; Col., i, 15 ; I Thés., i, 17 ; I Cor., ii ii, etc.

2. Chez les Pères.

Voir les références données à l’article Dieu, col. 1027 sq.

a) Au Dieu anthropomorphe du paganisme et à l’abîme impénétrable du gnoslicisme, les apologistes opposent le Dieu chrétien, invisible, incompréhensible, ineffable sans doute, à raison de l’éminënce de son être, mais cependant connaissable et connu dans les œuvres de son amour.

b) Plus encore sous l’influence de la philosophie platonicienne du moment que sous l’influence chrétienne, Clément et Origène, préoccupés surtoutd’éviter tout anthropomorphisme, exaltent l’éminënce de l’Etre divin, la fondent sur la notion de cause première, en déduisent une méthode d’analyse, d’abstraction ou de négation pour arriver à Dieu : ils écartent les anthropomorphismes de l’Ancien Testament par la méthode allégorique.

c) Saint Alhanase définit Dieu par son caractère éminent, et juge à la lumière de cette éminence les conceptions rationalistes des ariens sur la génération divine.

d) A la doctrine d’Eunomius, suivant laquelle la nolion et le terme d’ày^vv/itoç représentent seuls proprement l’essence divine, les Pères cappadociens répondent par une doctrine tout opposée sur les noms divins. En raison de l’incomprékensibilité divine, fondée sur la plénitude de la cause première et sur le mode de notre connaissance, nous ne pouvons concevoir Dieu par une seule nolion : nous ne pouvons l’atteindre et le désigner qu’à l’aide des multiples conceptions et des noms variés tirés des choses créées. Chez eux, apparaissent déjà tous les éléments de la triple voie que l’on retrouvera bientôt dans Denys.

e) Marius Victorin et saint Augustin, sous l’influence du néo platonisme aussi bien que sous l’inspiration chrétienne, affirment contre l’hérésie anoméenne la transcendance divine, en déduisent l’excellence de la méthode négative qu’ils appliquent même aux conceptions les plus spirituelles.justice, science, etc.

f) Fidèle aux idées traditionnelles des Alexandrins et de saint Augustin, peut-être aussi sous l’influence de Proclus, le pseudo-Denys fait la synthèse des conceptions reçues dans l’Eglise sur la transcendance divine : c’est le théologien de l’éminënce. — a. Il fonde sa doclrine sur la théorie platonicienne de la participation. Dieu, cause de tout ce qui est, n’est rien de ce qui est, tant son être l’emporte sur tous les êtres. Mais, en vertu même de leur participation à la cause première, toutes choses en sont un rayonnement, un reflet, une copie, et pour cette raison Dieu est tout ce qui est. Cf. Des noms divins, i, n. 5, 6. — b. De là, des conclusions au point de vue de la connaissance de Dieu : l’éminënce de l’Etre premier par rapport à nos coneepts. « Si toutes connaissances ont l’être pour objet et finissent là où l’être finit, celui qui l’emporte sur tout être échappe aussi à toute connaissance. » Des noms divins, I, 4. a. L’incompréhensibilité divine. L’Infini ne peut livrer aux choses finies toute son incompréhensible immensité : « Car, comme ce qui est intelligible ne peut être vu et saisi par les choses sensibles., ., ainsi, l’Infini dans son excellence, reste supérieur à tous les êtres. » Des noms divins, i, 1. ê. La possibilité de deux théologies : l’une affirmative, l’autre négative ; l’une fondée sur l’axiome : Dieu est tout ce qui est, l’autre sur ce principe : Dieu n’est rien de ce qui est.

Il peut y avoir hiérarchie dans les affirmations et négations : certaines manières de dire, les noms de