Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/572

Cette page n’a pas encore été corrigée

2411

EMBRYOTOMIE

2412

capable de vivre en dehors du sein maternel. Pourraient-ils le tuer aussi, non seulement pour arraclier la mère à un danger de mort pressant et certain, mais simplement pour la soustraire à une opération, telle que l’opération césarienne dont les suites, pour être parfois couronnées de succès, sont bien plus chanceuses que celle de l’extraction d’un enfant mutilé, par les voies naturelles, à travers un bassin trop étroit ? Cf. Nœgele, De jure vitæ et necis quod competit medico in parla, in-8°, lleidelberg, 1826.

Pendant le xviii c siècle, et au commencement du XIXe, si on excepte la plupart des médecins anglais et quelques allemands, ceux des autres nations étaient généralement d’accord pour afllrmer qu’il n’est pas permis de tuer sciemment un enfant viable, dans le but d'épargner à sa mère une opération dangereuse.

1. En Angleterre, on pensait et on agissait différemment, parce que les opérations césariennes qu’on y avail pratiquées, avaient presque toujours été fatales à la femme. De la ponction, qui, jusqu'à une certaine limite, peut être considérée comme licite, on allait, trop souvent, et sans scrupule, jusqu'à la perforation du crâne, ou encore jusqu'à la mutilation de l’enfant pour diminuer le volume de la partie qui ne pouvait s’engager dans le canal pelvien, ou y restait arrêtée, après y avoir pénétré. C'était une véritable boucherie. Un ne discutait même pas pour savoir si le fœtus, renfermé dans le sein de sa mère, < ' tait un être méritant le respect, comme elle ; ni s’il avait, lui aussi, des droits à l’existence. Sans plus d’examen, on jugeait que la vie de la mère était incomparablement plus précieuse pour la famille et pour la société que celle d’un fœtus, dont la prolongation de l’existence, après tout, était loin d'être certaine, et dont l’importance sociale était presque nulle. Rares furent les voix généreuses qui s'élevèrent alors en Angleterre, contre une pratique si abominable. Cette méthode continua à y prévaloir. Cf. Saxtorf, De usu forcipis ad extrahendum caput incarceralum, in-8°, Copenhague, 1775 ; Rawlins, On the structure of the obstetrix forceps, its defecls, in-8 lJ, Londres, 1793 ; Mulder, Ilisloria literaria et critica forci/mm et veclium obstetriciarum, in-8°, Leyde, 1794 ; Bakker, Descriptio et icônes pelvis feminæ et schematum capitis infanlilis, -'t l >, Groningue, 1816 ; Denman, Aphorisms on the application and use of the forceps, and Vects in prseternaiural Labours, or Labours wilh Hemorrhage and convulsions, in-8°, Londres, 1824 ; Lunsingh Kymmel, Hisloria lilceraria et critica forcipum obstetriciarum, ab anno 1794 ad noslra usque tempora, in-8°, Groningue, 1838.

2. En Allemagne, cependant, on était moins afiirmatif. Les avis à ce sujet étaient partagés. Cf. Œhler, Ueber Embryototnie, in-8°, 1832 ; Janouli, Ueber Kaiserschnitt, und Perforation in gcrichll. medic. Beziehung, in-8°, lleidelberg, 1834 ; Wilde, Das weibliche Gebâr-Unvermôgen, in-8°, Berlin, 1838 ; Muter, Die Embryothlasis oder Zusammendrùekung und Ausziehung der todten Leibesfrucht, in-8°, Leipzig, 1814 ; llennig, Perforation und Kepltalothrypsis gegeneinander gehalten, in-8°, Leipzig, 1855 ; Hraun, Ueber die neueren Mellioden der Craniotomie des Fôlus, in-8°, Vienne, 1859 ; Spondli, Ueber Perforation und Cephalotripsie, in-8°, Berlin, 1860.

3. En France surtout, on répugnait à cette pensée de tuer froidement un innocent, même dans le but, louable en soi, de sauver une agonisante. On n’envisageait pas, sans frémir, cette terrible responsabilité pesant sur un accoucheur se décidant à pratiquer l’embryoIciiuie sur un enfant qu’il sait vivant, bien conformé, et, par suite, apte à continuer à vivre de longues années et à devenir un homme. On y enseignait alors communément que l’accoucheur n’a pas plus le droit de tuer l’enfant dans le sein de sa mère, qu’il n’a le

droit d’attenter aux jours de celle-ci. Son devoir est de chercher et d’employer les moyens de sauver l’un et l’autre. C’est seulement dans le cas où l’un des deux est venu à mourir durant le travail de l’accouchement, que celui qui subsiste a seul tous les droits à la sollicitude exclusive de l’homme de l’art. On ne pratiquait donc alors en France, l’embryotomie que lorsqu’on était persuadé que le fœtus avait cessé de vivre. Cf. Jaccoud, Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, v° Uystocie essentielle, t. XII, p. 125. 4. Peu à peu cependant, la pratique anglaise de l’embryotomie s’introduisit en France, à la faculté de médecine de Paris, et, de là, dans celles de province. Le 10 février 1852, dans une assemblée générale de l’Académie de médecine de Paris, l’un des conférenciers soutenait les trois propositions suivantes : a) Placée dans la cruelle alternative de choisir entre la vie de son enfant et sa propre conservation, la femme a, de par la loi naturelle, le droit d’opter pour la mutilation du fœtus. — b) Dans ce cas, le médecin peut et doit sacrifier l’enfant au salut de la mère. — c) Les lois punissent le crime ; mais elles ne sauraient atteindre sans injustice un acte accompli avec les intentions les plus pures.

C'était exactement le sentiment professé, vingt-cinq ans auparavant, par Nasgele, à la fin de son ouvrage, De jure vitæ et necis quod competit medico in partu. Après avoir rapporté les diverses opinions, même celle qui réservait au mari, ou aux parents, ou au pouvoir public, le droit de permettre ou de défendre l’embryotomie, il avait conclu, en disant que la solution dépendait, en dernière analyse, de la femme elle-même, comme étant la plus intéressée dans l’affaire : In alius ac malris sententiam discedere injustum est. Ejus vita agitur : pênes ipsani arbilrium est, utrum vitam suani in sectionis cœsareise periculum commitlere velit, neene. Mater sola decernendijus habet ; uec ulla in terris potestas jure eam cogère potest, ut de vita dimiect. Ab ejus arlnlrio pendet, utrum, ad infantis sui vitam servandam, de sua vita discrimen subire, an infantis vitam pro suse vilie periculo profundere velit. Quod si vero, rébus sic se habentibus, mater infantis sui necandi, aut ut hoc fiât postutandi jus habet, et ipse medicus occisionis perficiendæ jus habet.

Dans la seconde moitié du xixe siècle, cette opinion eut des adeptes de plus en plus nombreux dans le corps médical, en France. Ils inclinaient de plus en plus à penser que la mère seule, si elle a sa connaissance, a le droit d’opter entre l’opération césarienne et l’embryotomie ; qu’il convenait, par conséquent, de lui faire un exposé impartial des avantages et des dangers des deux opérations. D’autres, cependant, tout en étant théoriquement de cet avis, pensaient que si, par une indiscrétion regrettable, la mère avait appris la véritable situation, il fallait évidemment s’en tenir à son sentiment, et qu’elle avait le droit de prononcer en dernier ressort, dans un débat où elle avait un intérêt aussi immédiat. Mais ils jugeaient que, pratiquement, ces questions devaient être agitées à l’insu de la mère, entre le médecin opérateur et le mari, ou les parents. C'était, selon eux, infliger inutilement une torture trop cruelle à une mère, que de la prévenir de la nécessité de l’embryotomie, pour la mettre ainsi en demeure de se prononcer entre son existence et celle de son enfant. L’accoucheur devait trouver dans sa conscience et dans le consentement de la famille un appui suffisant pour diriger sa conduite. Cf. Génod, Des droits ù Ut vie île la mère et de l’enfant, in-8°, Strasbourg, 1857 ; Jaccoud, Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, « Embryotonne. t. xii, p. 645 sq. 5. Durant ces dernières années, des voix généreuses-