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ÉMANCIPATION — 5402

°). Si l’émancipation émane du conseil de famille, elle résulte de la délibération qui l’autorise et de la déclaration, faite par le juge de paix, en qualité de président du conseil, que le mineur est émancipé (art. 478). Dans tous les cas, l’émancipation doit être constatée sur les registres de la justice de paix.

Aux termes de l’art.’180, « le compte de tutelle sera rendu au mineur émancipé, assisté d’un curateur qui lui sera nommé par ! e conseil de famille. » Le curateur dont parle la loi n’est pas un curateur spécialement nommé pour la réception du compte de tutelle, et dont les pouvoirs cesseraient de plein droit, cette mission particulière une fois remplie. Il est investi d’une mission permanente qui durera normalement jusqu’à la mort ou la majorité de l’émancipé. C’est ce que l’on peut induire avec certitude de plusieurs textes et notamment de l’art. 482, qui nous représente le mineur émancipé comme agisssant avec l’assistance, non d’un curateur, mais bien de sou curateur : ce qui suppose qu’il en a un et qu’on ne le lui nomme pas à chaque fois

L’art. 480 conférant au conseil de famille le droit exclusif de nommer le curateur à l’émancipation, il s’ensuit que le père ou la mère qui émancipe son enfant n’aurait pas le droit de le pourvoir d’un curateur. En aucun cas, non plus, nous ne voyons le Code civil déférer de plein droit par une disposition expresse la curatelle du mineur émancipé. Il y a bien, d’après le Code civil, une tutelle légitime, mais il n’y a pas de curatelle légitime.

Le curateur assiste le mineur émancipé dans les cas déterminés par la loi— Son rôle diffère donc complètement de celui du tuteur qui représente le mineur non émancipé dans tous les actes civils (art. 450). Ainsi le mineur émancipé figure dans les actes civils, il agit en personne, mais sous l’égide de son curateur. Au contraire, le mineur non émancipé ne figure pas dans les actes civils, son tuteur agit pour lui, il le représente.

Il y a une autre différence entre le tuteur et le curateur. Le tuteur administre ; à ce titre, la loi l’oblige à rendre compte, elle grève ses biens d’une hypothèque légale et place auprès de lui un surveillant, le subrogétuteur. Au contraire, le curateur n’administre pas ; ce soin appartient au mineur émancipé lui-même. Par suite, le curateur n’a pas de compte à rendre quand ses fonctions prennent fin, ses biens ne sont pas grevés d’une hypothèque légale au profit du mineur et on ne lui adjoint pas un subrogé-curateur.

Effets de l’émancipation.

L’émancipation produit un double effet : d’une part, elle affranchit le mineur de la puissance paternelle et de l’autorité tutélaire, d’autre part, elle rend le mineur capable d’accomplir certains actes de la vie civile.

Premier effet. — L’émancipation affranchit le mineur de la puissance paternelle ; de là résultent plusieurs conséquences : a) L’émancipation met fin au droit de jouissance qui est un attribut de la puissance paternelle (art. 384). b) Le mineur émancipé n’est plus soumis au droit de correction, c) Il échappe aussi au droit de garde ; il pourra donc désormais disposer de sa personne, et par suite se choisir une résidence et même un domicile, louer ses services, se vouera l’exercice de telle ou telle profession, contracter un engagement dans les armées de terre ou de mer. Le mineur émancipé reste d’ailleurs soumis à la nécessité d’obtenir le consentement de ses père et mère, de ses ascendants ou du conseil de famille pour contracter mariage.

Deuxième effet. — L’émancipation confère au mineur une certaine capacité relativement aux actes civils ; une capacité intermédiaire entre celle du mineur non émancipé qui est à peu près nulle et celle du majeur qui est complète. Pour déterminer les limites de cette

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

capacité, il y a lieu de distinguer : a) les actes que le mineur émancipé peut valablement accomplir seul ; b) ceux pour lesquels l’assi*lance de son curateur lui est nécessaire et suffisante ; c) ceux enfin pour lesquels il est assimilé au mineur non émancipé.

a) Actes que le mineur émancipé peut faire seul. — Cette catégorie comprend tous les actes de pure administration. Ce sont ceux qui, ayant pour but de faire fructifier et de conserver le capital, sont de telle nature qu’ils ne peuvent compromettre ce capital luimême. C’est par ce dernier caractère qu’ils se distinguent de ce qu’on peut appeler les actes de large ou libre administration. Ceux-ci tendent au même but ; mais ils sont plus dangereux en eux-mêmes, ainsi loucher les revenus est un acle de pureadministration ; loucher le capital et en opérer le placement est un acle de large administration. Le mineur émancipé, qui a accompli des actes de pure administration, n’est pas, dit l’art. 481, « restituable contre ces actes dans tous les cas où le majeur ne le serait pas lui-même, » c’est-àdire qu’il ne peut pas demander la nullité de ces actes en se fondant sur ce qu’ils lui ont causé un préjudice.

b) Actes pour lesquels l’assistance du curateur est. nécessaire et suffisante. — Le mineur émancipé peut avec la seule assistance de son curatenr : a. recevoir son compte de tutelle ; b. intenter une action mobilière ou y défendre ; c. recevoir un capital mobilier et en donner décharge ; d. intenter une action enpartage ; e. aliéner, mais dans certains cas seulement, ses meubles incorporels, quelle qu’en soit la valeur.

c) Actes pour lesquels le mineur émancipé est assimile au mineur en tutelle. — a. Actes interdits au mineur émancipé : la donation entre vifs (art. 90.’}, 904) ; le testament, si le mineur a moins de seize ans (art. 90’t) ; l’acceptation pure et simple d’une succession (art. 461) ; le compromis (art. 1004 et 83).

b. Actes pour lesquels le mineur émancipé est soumis aux mêmes conditions et formalités que le mineur en tutelle. — On peut dire d’une manière générale que cette catégorie comprend tous les actes qui ne figurent pas dans les précédentes. Voici rémunération des actes auxquels s’applique le principe : l’acceptation ou la répudiation d’une succession (art. 461) ; l’actjuiescement à une demande immobilière (art. 464). Pour ces deux premiers actes, l’autorisation du conseil de famille est nécessaire et suffisante. Pour ceux dont l’énuméralion va suivre, il faut, en outre, l’homologation du tribunal, et quelquefois certaines formalités particulières, comme l’avis de trois jurisconsultes pour les cas de transaction. Ce sont : l’emprunt (art. 483) ; l’aliénation des immeubles (art. 457) ; l’hypothèque (art. 457, 558) ; la transaction (art. 467). Enfin le mineur émancipé, du moins lorsque l’émancipation est survenueau cours de la tutelle, est assimilé au mineur non émancipé en ce qui concerne l’aliénation de ses meubles incorporels.

3° Comment l’émancipation prend fin. — L’émancipation prend fin par la mort du mineur, par sa majorité et par la révocation de l’émancipation. Les deux premières causes se comprennent d’elles-mêmes ; un mot d’explication sur la troisième.

Le mineur émancipé, on s’en souvient, a capacité pleine et entière pour tout ce qui regarde les actes de pure administration, mais la loi autorise dans certains cas et sous certaines conditions la réduction des obligations qu’il a contractées, en se renfermant dans les limites de son droit d’administration (art. 484, 2°). Par exemple, le mineur aura acheté à crédit un mobilier somptueux, des chevaux de luxe, une automobile splendide, alors que sa situation de fortune ne comportait pas ces acquisitions. Or, le mineur émancipé qui contracte ces obligations excessives abuse de l’émancipation, il mérite donc d’être privé d’une faveur dont il se

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