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KMANCIPATION


litain, un monastère détaché de la juridiction de l’Ordinaire pour être placé directement sous la juridiction du pape. On appelait émancipation, plus rarement cependant, l’acte effectuant et établissant ce changement de juridiction. Il est à remarquer, en effet, que, pour exprimer cet affranchissement de la dépendance à un supérieur immédiat, on a employé’de bonne heure l’expression exemption, qui peu à peu est devenue courante dans la langue canonique.

III. Émancipation en droit romain.

En droit romain, on appelait émancipation l’acte juridique par lequel l’esclave était soustrait à la puissance de son maître, le fils détaché de l’autorité paternelle. L’émancipation était soumise à des formalités nombreuses, compliquées et difficiles ; elle ne pouvait jamais s’appliquer à l’épouse qui restait légalement, sans issue possible, l’esclave de son mari.

Nous n’exposerons pas les formalités juridiques de l’émancipation dans le droit romain ; mais il nous parait important de montrer comment le christianisme adoucit cette législation barbare et lui infusa en quelque sorte une âme nouvelle.

Ce fut l’honneur du christianisme de faciliter grandement l’émancipation des esclaves, de faire de l’épouse la compagne de l’homme et d’apprendre au père de famille à respecter la personne de son fils. Cependant l’Église se garde bien de procéder brusquement et violemment à la réforme du droit civil existant, ce qui eût provoqué une révolution économique et sociale ; mais peu à peu’elle fit pénétrer dans la société les principes chrétiens, qui étaient en contradiction formelle avec les pratiques révoltantes de la civilisation païenne.

D’abord, le christianisme améliora notablement la condition des esclaves. D’après le droit païen et romain, l’esclave était une chose, privée de tous les droits de la personne humaine. Il se trouvait soumis à la puissance de son maître d’une façon tellement absolue que celui-ci pouvait se servir de lui suivant sa fantaisie et ses caprices et même le livrer aux supplices, le mettre à mort sans avoir de compte à rendre à personne. Mais l’Église proclama la dignité humaine, revendiqua les droits de la personne même pour les esclaves, et les reçut dans son sein comme les hommes libres. Sous l’influence du christianisme, l’empereur Constantin défendit la mise à mort des esclaves. Peu à peu l’Église parvint à changer l’esclavage proprement dit en une condition plus douce, plus humaine et plus morale de domesticité.

Aux anciennes formalités difficiles et compliquées d’émancipation elle substitua l’émancipation sans forme solennelle, incomparablement plus facile, appelée manuniissio in ecclesia Cod., 1. 1, lit. xiii, De his qui in eccles.mawnnitt., . 1, 2). Cette procédure consistait en la simple déclaration du maître en présence de l’évêque et de témoins.

Enfin l’Église effaça complètement la dernière tache qui marquait encore les affranchis, d’une part, en les admettant aux ordres sacrés (dist. LIV, c. 21), d’autre part, en reconnaissant la validité du mariage des affranchis (Décret., 1. IV, lit. ix, de conjug. serr.), c. 1, Voir Esclavage.

Pareillement, l’Église mit un frein à la puissance illimitée de l’époux et du père, consacrée par le droit romain et païen. L’épouse, qui autrefois était considérée comme mineure pendant la vie et après la mort de son mari, fut dés lors reconnue comme la compagne et l’aide de l’homme. Le mariage dépourvu de formes légales (qui n’était qu’un concubinage à vie) fut simplement toléré, les causes de divorce furent limitées (Cod., I. V, lit. xvii, Derepud., 1.8, 10, 11), la tutela feminaruni lui supprimée. Même au point de vue du droit de propriété, une condition plus équitable fut faite à la femme,

à côté de la dot apportée par l’épouse, le mari lui aussi apportera une donatio propter nuptias (Cod., I. V, tit. 3, De donat. ante nupt., 1. 9, 20).

D’autre part, l’influence bienfaisante du christianisme s’exerça aussi pour tempérer l’autorité excessive du père de famille sur ses enfants. Non seulement on supprima le droit de vie et de mort que le père possédait sur ses enfants (Cod., 1. IX, tit. XVII, De /lis qui parent., 1. un), mais encore on enleva au père de famille la faculté qu’il possédait de donner son lilsen propriété, comme compensation à celui qui avait subi des dommages de la part de ce fils (Institut., 1. IV, tit. iivi De noxal. act., § 7).

En outre, le (ils de famille put avoir le libre usage de sa fortune et des gains provenant de son industrie personnelle (Cod., 1. III, tit. xxviii, De inoff. testam., I. 37 pr.). Le droit absolu que possédait le père de déshériter ses enfants fut restreint, au cas de motifs graves et sérieux.

Telle fut l’action du christianisme sur le droit romain, au sujet de l’émancipation de l’esclave, de la femme et du fils de famille.

IV. EMANCIPATION EN DROIT CIVIL.

1° Notions

générales. — On définit l’émancipation : un acte juridique, en vertu duquel un mineur est alï’ranchi, soit de la puissance paternelle ou de l’autorité tutélaire, soit de l’une et l’autre à la fois, lorsqu’il s’y trouvait simultanément soumis.

Le Code civil distingue deux sortes d’émancipation : l’émancipation tacite et l’émancipation expresse.

1. L’émancipation tacite ou légale est celle qui résulte du mariage, « le mineur est émancipé de plein droit par le mariage, » dit l’art. 476. L’émancipation est une conséquence implicite et forcée du mariage. Elle se produit en vertu des seules dispositions de la loi, sans qu’aucune manifestation de volonté soit nécessaire de la part de l’épouse ou des époux mineurs.

Bien plus, les parties ne pourraient pas, en manifestant une volonté contraire, empêcher l’émancipation de se produire, car la loi règle souverainement les effets du mariage et la volonté des époux ne peut les modifier.

2. L’émancipation expresse résulte d’une volonté exprimée par certaines personnes auxquelles la loi donne le pouvoir d’émanciper le mineur. Ces personnes sont : le père, à son défaut la mère, à défaut de l’un et de l’autre le conseil de famille. C’est ce qui résulte des art. 417 et 418.

Ainsi le droit d’émanciper un enfant mineur appartient en premier lieu à son père, et à lui seul en principe tant qu’il vit. Après la mort du père, le droit d’émanciper l’enfant passe à la mère qui en est investie à l’exclusion du conseil de famille. Enfin, à défaut du père et de la mère, le droit d’émancipation revient au conseil de famille.

A quel âge le mineur peut-il être émancipé ? Il y a lieu de distinguer à cet égard si l’émancipation est conférée par l’un des auteurs de l’enfant ou par le conseil de famille ; dans le premier cas, le mineur peut être émancipé à quinze ans révolus, dans le deuxième, à dix-huit ans seulement (art. 477 et 478). Cette différence vient probablement de ce que l’enfant a, dans le premier cas, un protecteur naturel, qui lui manque dans le second, pour guider ses premiers pas dans la nouvelle étape de la vie, que l’émancipation va lui ouvrir.

L’émancipation est un acte purement privé, mais un acte solennel, qui ne peut valablement être accompli que dans les formes prescrites par la loi. Ces formes sont d’ailleurs d’une extrême simplicité. Si l’émancipation émane du père ou de la mère, elle résulte de leur simple déclaration reçue par le juge de paix du domicile de l’enfant, assisté de son greffier (art. 477,