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ELVIRE (CONCILE D"


forme de peintures ; ils le jugent prématuré ou dangereux, et ils l’interdisent disciplinairement pro ratione locortnn et li’m/iorum. Quand les circonstances seront plus favorables et que la question dogmatique touchant le culte des images sera tranchée, la discipline pourra changer et changera en effet, sans que l’on puisse voir dans le canon du concile d’Elvire une sorte de décret ne varietur d’une portée dogmatique en contradiction formelle avec les conciles de Nicée et de Trente.

II. Tenue.

1° Lieu. — Au rapport de Pline, Hist-, iii, 1, 4, il y avait deux villes du nom d’Elvire, l’une Cauco-lllibois, Collihre, aujourd’hui Collioure, dans la province Narbonnaise, le Roussillon actuel, mais bien déchue de son temps, magux quondani uibis tenue vesligium, et qui ne fut relevée qu’au Xe siècle ; l’autre, dans la province de la Bétique, actuellement l’Andalousie. La première ne possédait pas de siège épiscopal ; elle était du reste trop excentrique, trop difficile d’accès pour permettre aux évêques du sud de l’Espagne de s’y rendre et d’y tenir un concile en toute sécurité. La seconde, Illiberris, était située non loin de l’endroit où s’élève aujourd’hui Grenade ; c’était le siège d’un évêché, un lieu fort retiré au pied de la Sierra Nevada, et choisi sans doute de préférence à d’autres cités plus importantes pour la tenue d’un concile, le premier en date en Espagne, à une époque d’insécurité où il convenait de ne pas trop attirer sur soi l’attention des pouvoirs publics et de ne pas donner lieu à quelque occasion de troubles de la part des païens. C’est là qu’on est convenu de placer le siège du concile, d’où son nom de concile d’Elvire.

Date.

Les actes, tels qu’on les possède, ou ne fixent pas de date, ou indiquent l’an 364 de l’ère espagnole, qui correspond à l’an 324 ou 325 de l’ère chrétienne. Mais il ne faut pas oublier que l’ère espagnole n’a été en usage qu’à partir du Ve siècle et que dès lors une telle précision n’est due qu’à un transcripteur ou à un copiste. D’autre part, l’absence de date n’auraitelle pas été intentionnelle, ou par esprit d’opposition avec les usages impériaux, ou dans le but d’échapper au contrôle de la police ? N’est-elle pas due plutôt, soit à un simple oubli, soit à la disparition ou à la mutilation des actes pendant la persécution de Dioclétien, soit à la négligence des copistes et des compilateurs, soit à la malice des donatistes ou d’autres hérétiques ? Autant d’hypothèses qu’on a fait valoir. Toutefois, à défaut d’une date précise, on peut arriver à une date approximative, en écarlant d’abord, comme insoutenables, deux dates extrêmes, celle de la première moitié du iiie siècle, antérieurement à la persécution de Dèce, proposée par Morin, De pænit., ix, 19, et beaucoup trop ancienne, car Osius, qui assista au concile d’Elvire, n’était pas encore né en 250, et celle des centuriateurs de Magdebourg, postérieure de plusieurs siècles à Constantin, car « il faut pour cela, dit Tillemont, Mémoires pour servir à l’hist. ceci., Paris, 1700, t. iiv p. 715, n’avoir jamais lu ce concile ou n’avoir aucune connaissance de l’histoire ecclésiastique. »

En général, les historiens et les critiques ne varient, pour fixer cette date, que d’un quart de siècle, les uns la plaçant après la persécution de Dioclétien, les autres avant. Avec Noël Alexandre, Tillemont, Ceillier, Hefele et M’J 1 Duchesne, il convient de la placer dans les années 300-303, car rien n’indique qu’on soit sous le coup ou au lendemain d’une persécution ; tout montre, au contraire, dans la plupart des détails visés par le concile, qu’on prévoit des dangers plutôt qu’on ne panse des plaies. La plupart des dispositions prises, remarque Ma 1 Duchesne, Le concile d’Elvire et 1rs /lamines chrétiens, dans Mélanges Renier, Paris, 188C, p. 160, 161, ne sont pas une liquidation de situation après une persécution violente. Nulle part l’apostasie n’est indiquée comme ayant été commise pour obéir à

l’autorité. Ces maîtres qui vivent en paix avec des esclaves idolâtres, ces dames chrétiennes à qui leurs voisines empruntent leurs habits de fête pour se parer les jours des processions païennes, ces duumvirs chrétiens, ces ilamines à qui il est apparemment facile d’esquiver les sacrifices et même l’obligation de donner des jeux publics, tout nous transporte en un temps de paix, où le paganisme était encore dominant et officiel sans doute, mais nullement persécuteur. Nous ne sommes pas encore au temps où Constantin interdira tout sacrifice au nom de l’Etat, où il réorganisera le culte de Rome et d’Auguste, en l’épurant de tout élément païen. Mais déjà le gouvernement se montre assez tolérant et ferme les yeux sur les infidélités des flamines et des duumvirs aux obligations religieuses inhérentes à leur charge. C’est bien la situation décrite par Eusèbe r H. E., iivi 1, P. G., t. xx, col. 741, celle qui a précédé immédiatement la persécution de Dioclétien. En ce temps-là on nommait des chrétiens gouverneurs de provinces, en les dispensant d’offrir des sacrifices ; les palais impériaux, l’administration centrale, les ministères, comme nous dirions, étaient remplis de chrétiens ; la famille impériale elle-même comptait, parmi les femmes, plusieurs fidèles.

Membres présents.

Ce qui reste du concile d’Elvire débute en ces termes : Residentibus etiam viginli sex presbyteris, adstantibus diaconibus et omni plèbe, episcopi diteerunt. Il y avait donc des évêques, des prêtres et des diacres. Les évêques étaient au nombre de 19. Voici leurs noms et le titre de leur siège : Félix Accitanus (d’Acci, Guadix), Osius Cordubensis (de Cordoue), Sabinus Spalensis (de Séville), Camerinnus Tuccitanus (de Tucci, Martos), Synagius Evagrensis (d’Egabra, Cabra), Secundinus Castalonensis (de Castalo, Cazlona), Pardus Mentesanus (de Mentesa, Guardia), Flavianus Eliberitanus (d’Elvire, Grenade), Cantonius Corsicantis ou Urcilanus (d’Urci, Vera), Liberius Emeritanus (d’Emérita, .Mi rida), Valerius C ; esaraugustanus (de Saragosse), Decentius Legionensis (de Legio, Léon), Melantius Toletanus (de Tolède), Januarius de Salaria, Fibularia (Calagurris de Fibularia, Loarre de Santa Engrancia), Vincentius Ossonobensis (d’Ossonoba, Villanova ou Faro), Quintianus Flborensis (d’Elbora, Evora), Successus de Fliocrota ^Lorca), Euhchianus Baslitanus (de Basti, Beza), Patricius Malacitanus (de Malaca, Malaga). Des 26 prêtres présents, la liste des signatures ne porte que le nom de 24, avec l’indication de la ville d’oii ils viennent ; il y en a de Carthagena (Carthagène), d’Epora (Montoro), d’Ursona (Ossuna), d’Illiturgis (Andujar), etc. D’après la liste des évêques, on voit que les provinces éloignées n’ont chacune qn’un seul représentant, celle de Galice l’évêque de Léon, celle de Tarraconaise l’évêque de Saragosse ; niais les plus rapprochées en ont davantage, la Lusitanie trois, la Carthaginoise huit et la Bétique six. Quelques-uns des évêques présents sont restés célèbres. On retrouve le nom de Sabin de Séville et de Mélanthe de Tolède dans le martyre de sainte Ruline et de sainte Léocadie, en 304. Valère de Saragosse, arrêté, puis jeté en exil tandis que son diacre Vincent subissait glorieusement la mort, a été inscrit au catalogue des saints. Osius de Cordoue surtout brille au premier rang : il fut le plus grand homme de son temps, devint l’ami et le conseiller de Constantin, assista aux conciles de Nicée et de Sardique, mais vécut trop longtemps puisque, après un épiscopat de plus de 60 ans, pendant lequel « il avait paru la gloire et l’ornement de son siècle, l’étonnement et l’admiration de tous les hommes, la joie et l’amour de tous ceux qui aimaient la vérité, » et « après avoir été considéré comme le fléau des hérétiques, comme le défenseur de la vérité, comme l’honneur des orthodoxes, comme le père des évêques et des con