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placer la date et n concile d’Elvire antérieurement à la persécution de Dèce. Or, comme on le verra plus bas, ce concile s’est tenu un demi-siècle plus tard ; il est postérieur à l’apparition du novatianisme ; est-il par là même entaché de cette erreur ? llerbst, Tïibing. 7 /ici » L Quart., 1821, p. 25, a noté qu’en fait de rigorisme, les novatiens n’avaient pas dépassé les l'ères d’Elvire ; et Herzog, Realencyclopàdie, t. iii, p. 775, 776, a voulu voir dans l'œuvre de ce concile au moins une tendance au novatianisme, sinon l’application de ses principes. D’autres critiques et commentateurs ont opiné dans le même sens. Cf. IToël Alexandre, Hist. eccl., Paris, 1742, I. vi, p. 353 ; Bin’erim, À'a<Wi&, 1821, t. ii, p. 417-444 ; Wetzer et Welle, Kirchenlexikon, t. iii, p. 51ô. Quelle différent pourtant dans l’idée même qui inspira, de part et d’autre, une pénalité comme celle de l’excommunication définitive. La distinction est radicale et caractéristique. Les novatiens, en effet, sous prétexte de réaliser sur la terre l’existence d’une Église idéale et sans tache, devaient nécessairement en exclure tout pécheur capable d’en ternir la pureté, non qu’ils missent en doute la possibilité du pardon auprès de Dieu, mais parce qu’ils estimaient la présence d’un pécheur incompatible dans une société qui ne devait comprendre que des saints ; et en conséquence ils refusaient à l'Église le pouvoir de pardonner et de réintégrer dans la communauté chrétienne les coupables. Or, tel n’est pas le cas des Pères d’Elvire : ils croyaient, eux, à ce pouvoir, et la preuve, c’est qu’ils en ont usé ; mais ils croyaient aussi à la nécessité u t : ne discipline pénitentielle, répressive et préventive, et si, dans certains cas, ils l’ont voulue rigoureuse au point de refuser la communion même à l’article de la mort, ce ne fut pas desperalione gralise, mais bien parce qu’ils l’estimèrent capable d’assurer pratiquement un résultat meilleur que toute autre solution plus indulgente. Rien du novatianisme en cela, mais simplement une conduite conforme aux principes directeurs de la discipline ecclésiastique de leur temps. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 217-218. Iiu reste, certains de leurs canons, tels que ceux qui frappent avec une modération relative l’adultère, accordent la communion à la mort ou admettent comme circonstance atténuante d’une faute charnelle le mariage qui la suit, quand il a lieu entre les complices, sont en opposition direcle avec les procédés des novatiens, car ceux-ci n’auraient jamais admis de pareils ménagements ; et partout où ils s'étaient unis aux montanistes, ils répudiaient les secondes noces, tandis que le concile d’Elvire ne les interdit pas, can. 72. Il faut donc renoncer à cette fausse accusation de novatianisme.

3. Accusation au sujet îles images.

Keste la question soulevée par le canon 36, ainsi couru : Placuit incluras in ecclesia esse non debere, ne (nec) quod Cûlitur et adoratur in parielibus depingatur. Il a (Hé exploité, depuis la Réforme surtout, comme la condamnation anticipée de la doctrine du IIe concile œcuménique de Nicée et du décret du concile de Trente, sess. XXV, Deinvoc, vener. et reliquiis sanctorum et sari-, imaginibus. Denzinger-Bannwart, n. 984-988 (860-861). Ce canon inlerdil, a-t-on prétendu, ce qu’on a permis plus tard, à savoir le culte des images. C’est beaucoup dire ; car, entendu littéralement, il défend la présence, dans les édifices du culte, de tout tableau, de toute peinture murale, relatifs à ce qui est un objet de culte et d’adoration. Canon purement disciplinaire et nullement dogmatique, il règle, non ce qu’il faut croire, mais ce qu’il faut faire dans les circonstances présentes en Espagne ; il ne dit pas qu’on ne doii pas vénérer ces images. mais qu’on ne doit pas les tolérer sous quelque forme que ce soil, sur toile, sur bois ou sur les murs. Il est vrai qu’on les tolérera et approuvera plus tard, en en

donnant des raisons justificatives, car c’est là un point de discipline sur lequel l'Église est libre de statuer, conformément à son enseignement dogmatique ; etdans ce cas le canon du concile d’Elvire se trouve simplement abrogé ; la foi est sauve, la discipline seule, qui la manifeste, a changé ; c’est justement ce qu’il ne faudrait pas oublier. On a cru qu’une question dogmatique se trouvait engagée dans ce canon, alors que rien ne le dit et que le contexte implique au contraire la parfaite légitimité du culte des images, et on a recouru alors àdes expédients, soit pour en nier l’authenticité, soit pour en fournir une explication qui put satisfaire.

Raronius a prétendu, Annales, an. 57, que ce canon était apocryphe, parce que, dit-il, s’il avait été authentique, le disciple de Félix d’Urgel, l’Espagnol Claude, évêque de Turin, n’aurait pas manqué d’en faire état pour justifier sa conduite, quand il fit effacer les peintures, briser les statues et enlever les croix de ses églises. Cet argumenta silentio ne prouve rien, car il se peut fort bien ou que Claude n’ait pas connu ce canon ou n’ait pas voulu s’en servir, bien que dans le même siècle où il vivait, Agobard de Lyon l’eût cité, De imaginibus sanctorum, 33, P. L., t. civ, col. 226 r comme condamnant la superstition du culte des images. Les anciennes collections canoniques du diacre Ferrand r de Uenys le Petit et de Cresconius ne pouvaient pas posséder un tel canon, par la bonne raison qu’elles ne contiennent rien du concile d’Elvire ; mais il se trouve dans tous les anciens manuscrits, et son authenticité ne saurait être révoquée en doute.

Faut-il alors y voir avec Rellarmin, Dr imaginibus, ii, 9, ad 2um, une défense relative, non aux tableaux sur toile ou sur bois, mais uniquement aux peintures murales, parce que la détérioration des parois pourrait porter quelque atteinte au respect du aux images et que, en temps de persécution, l’impossibilité de les faire disparaître les exposerait aux railleries sacrilèges des païens ? Ou bien peut-on accepter cette autre explication, d’après laquelle, seule, l’image de la divinité invisible ne doit pas être peinte sur les murs, et non celle du Christ ou des saints ? Ni l’une ni l’autre, car elles se heurtent au texte lui-même, qui n’autorise pas de pareilles distinctions. Cf. Noël Alexandre, Hist. eccl., loc. cit., p. 348.

Sans s’embarrasser de l’existence d’un tel canon, qu’il faut bien admettre, Petau, De incarnalione, I. XV, C. iixi avait raison de trouver vraisemblable la conjecture de ceux qui justifient les Pères d’Elvire, en disant qu’ils ne jugèrent pas expédient, à une époque où le paganisme était encore llorissant, qu’on vit des images dans les temples chrétiens. Leur présence, en effet, , pouvait offrir plus d’inconvénients que d’avantages. Peutêtre que déjà leur culte donnait lieu à quelques pratiques superstitieuses ; en tout cas. les païens auraient pu s’y méprendre et croire que les chrétiens eux-mêmes n’avaient fait que changer d’idoles. Du resle, c’est un fait que, durant les trois premiers siècles, il n’y eut ni images ni statues dans les édifices chrétiens consacrés ouvertement au culte. Parmi tant d’aulres reproches adressés au christianisme, les païens n’ont jamais formulé celui qu’il vénérât des images ou des statues ; et l’on peut croire, s’ils avaient été les témoins d’un tel culle, qu’ils ne se seraient pas fait faute de rétorquer avec à propos les arguments que les Pères apologistes dirigeaient contre le culle des idoles païennes. Les Juifs eux-mêmes, plus chatouilleux encore à cause du texte du Décalogue, auraient relevé 0(416 pratique comme un attentat sacrilège. Plus tard, des qu’il sera autorisé par l’Eglise, Juifs et païens s’insurgeront contre le culte des images ; mais jusqu’au concile d’Elvire, la controverse n’a jamais roulé sur ce point. Les Pères d’Elvire sont donc les témoins d’un premier essai d’introduction des images dans les églises sous