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ELVIRE (CONCILE D' ;

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et pénitence canonique, n'était pas complètement rigide et comportait quelque tempérament ; car, dans six cas, can. 5, 13, 47, 61, 69, 70, il est spécifié qu’en danger de mort l’excommunié ou même le pénitent devaient être admis à la communion bien qu’ils n’eussent pasachevé leur temps d'épreuve ; et ceci est la part accordée à l’indulgence. Ce que l’on ne voit pas, en revanche, du moins pour certains cas, c’est la raison justificative du système de classement ou de graduation des peines ; cette raison devait exister évidemment, mais parfois elle échappe ou est difficile à saisir.

D’autre part, les Pères d’Elvire sont fidèles à la jurisprudence pénitentielle en vigueur de leur temps ; ils condamnent à une privation absolue et définitive de communion, même in fine, le pénitent pardonné, qui vient à retomber dans le péché, can. 3, 7, 47 ; car il est encore entendu que la pénitence canonique ne s’accorde qu’une seule fois. Le sort du relaps est alors le pire de tous. Est-ce à dire que le relaps fut alors quasi voué à la damnation éternelle et que l'Église s’en désintéressât absolument ? Nullement. Mais, pour rendre les rechutes moins nombreuses, pour en bien marquer l'énormité et à titre d’exemple salutaire, l’Eglise refusait alors d’user à son égard de ses pouvoirs de pardon. Il n’avait plus désormais qu'à mener une vie de mortification et de repentir telle qu’elle pût lui servir utilement devant Dieu et obtenir de lui seul le pardon de ses fautes ; il ne pouvait plus compter que sur ses œuvres satisfactoires et l’intensité de sa contrition d’une part et, d’aulre part, sur' l’infinie miséricorde de Dieu. Et il faut bien que cette disposition si rigoureuse produisit son effet à celle époque de grande foi et d'énergie morale, pour qu’elle ait été appliquée et maintenue si longtemps ; mais on comprend mieux qu’avec l’extension progressive du christianisme, quand le nombre des convertis augmenta au détriment de la qualité, elle ait complètement disparu. Quoi qu’il en soit, elle existait au temps des Pères d’Elvire, qui ne l’ont pas inventée, mais maintenue.

Par surcroît de sévérité, dans dix-sept cas, can. 1, 2, 6, 8, 12, 13, 17, 18, 63-66, 70-73, 75, ils ont prononcé la privation de communion même in fine sans parler le moins du monde d’une pénitence canonique correspondante. Cet excès de rigueur peut s’expliquer jusqu'à un certain point par la relation étroite qu’avaient les fautes visées avec les trois péchés punis si sévèrement jusqu’alors, l’idolâtrie, la fornication ou l’adultère et le meurtre ; toutefois quelques-unes de ces fautes auraient pu, semble-t-il, être simplement punies d’une pénitence canonique ; mais non, le pédéraste, can. 71, la femme qui pratique le lenocinium, can. 12, ou qui vit en concubinage, can. 61, la vierge consacrée à Dieu qui tombe dans le péché charnel, can. "13, 1a veuve qui, après avoir péché charnellement, épouse un autre que son complice, can. 72. et même les parents qui ont donné leur fille en mariage à un prêtre des idoles, can. 17, et surtout celui qui épouse la fille de sa femme, can. 66, ou accuse faussement un évêque, un prêtre ou un diacre, can. 75, le clerc qui, connaissant l’inconduite de sa femme, ne la met pas aussitôt à la porte, can. 65, sont condamnés également à l’exclusion de la communion qui leur est refusée même in fuie. Ceux-ci cependant ne sont pas dans le cas des relaps, ils n’ont pas été préalablement soumis à une première épreuve de la pénitence canonique. Aussi une telle rigueur a-t-elle été l’objet des plus vives critiques.

Intérêt apologétique.

1. Accusation de rigorisme. — Gams, entre autres, Die Kirchengescliichte von Spanien, Ratisbonne, 1862, t. ii p. 28-30, a qualifié ce système pénal de nouveauté barbare, accusant les Pères d’Elvire d’avoir gravement manqué à ce précepte : Pardonnez et il vous sera pardonné. Il a prétendu qu’il était inapplicable et qu’il fut inappliqué.

Il s’est abusé complètement, car ce système de pénalité n'était pas nouveau et il a été appliqué. Le reproche qu’on peut lui faire, c’est la grande extension donnée aux cas frappés d’une excommunication définitive et irrévocable, mais ce genre d’excommunication existait déjà et devait encore se prolonger avant de disparaître définitivement. Dans le même pays, en effet, et trois quarts de siècle après Elvire, au synode de Saragosse, en 380, on trouva encore un canon qui contient, sous une autre forme, une pénalité aussi rigoureuse pour un cas différent : Eucharisliæ gratiam si guis probatur acceptant in ecclesia non sumpsisse, anathema sil in perpetuuni, can. 3. Lauchert, Die Kanones der wicht. altchristlichen Concilien, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 175. Plus tard encore, dans sa réponse à saint Exupère de Toulouse, Innocent I (r, à propos des incontinents qui, à leur heure dernière, demandaient à la fois la pénitence et la communion, remarque que la conduite ecclésiastique à leur égard avait été fort dure jadis à cause des persécutions. On leur refusait alors justement la communion, dit-il, ne communionis concessa facilitai homines de rcconcilialione securos non revocarel a la/isu ; et il ajoute que, les circonstances ayant changé, il ne fallait plus priver les mourants de la communion, quasi viaticum profecturis, pour n’avoir pas l’air d’imiter la dureté des novatiens. Epist., vi, 2, 6, P. L., t. xx, col. 498. Une évolution dans le sens de la mitigationet de l’indulgence s'était donc déjà prononcée sur ce point ; mais on n’en était pas encore là au commencement du iv c siècle. Et Osius de Cordoue, qui avait assisté au concile d’Elvire, aurait pu changer d’avis sur un point d’une telle gravité pendant l'évolution disciplinaire qui se produisit sous ses yeux durant son long épiscopat ; il n’en lit rien pourtant puisque, au concile de Sardique, vers 343, il proposa encore une pénalité semblable pour un tout autre cas que ceux qui avaient été visés a Elvire, à savoir contre tout évêque qui, par fraude ou avarice, aurait changé de siège : Omnino lias fraudes damnandas arbitror, disait-il aux Pères de Sardique, ila ut neclaicam in fine communionem talis accipiat. Si vobis omnibus placet, statuite. Et le synode de répondre : Placet. Concile de Sardique, can. 2, dans Lauchert, op. vil., p. 52. Il est donc impossible de voir dans l.i législation d’Elvire, soit une nouveauté, soit une pure théorie sans application réelle. Sa rigueur seule étonne ou scandalise, mais parce qu’on apporte à juger la sévérité d’alors les sentiments d’aujourd’hui. Ce qui paraîtrait actuellement un excès de rigorisme, n'était pas apprécié de même pendant les trois premiers siècles. Dans ces temps de ferveur héroïque et de persécutions souvent renouvelées, une discipline aussi sévère comportait sans doute des inconvénients, mais elle offrait des avantages, le maintien de l’idéal et de l’unité de la vie chrétienne, l’estime des sacrements et de la pénitence, l’horreur du péché et de ses conséquences, et ces avantages compensant de beaucoup les inconvénients, l'Église crut pouvoir sagement en user tant que le permettraient les circonstances ; les circonstances changeant, la discipline pénitentielle changea aussi, s’adaptant sans cesse, dans l’intérêt bien entendu des âmes, aux besoins nouveaux et aux nécessités des temps et des lieux. En somme, sans être complètement fermés à toute idée d’indulgence, comme le prouvent certains de leurs canons, les Pères d’Elvire se conduisirent en observateurs rigides des usages ecclésiastiques alors en vigueur ; ils ne trahirent pas leur mandat et sont loin de mériter tous les reproches qu’on leur a faits.

2. Accusation d’hétérodoxie.

Leur œuvre a été également attaquée au nom de l’orthodoxie : on l’a soupçonnée et même accusée de novatianisme. Et c’est pour écarter une telle imputation que Morin, Depsenit., ix, 19, en dépit de l'évidence contraire, avait cru devoir