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des enfanls meurent avant l'âge de raison : c'est donc déjà, au moins actuellement, plus d'un dixième du genre humain assuré de son salut éternel.

Enfin, parmi les adultes, les plus favorisés sont cer- tainement les catholiques : beaucoup meurent encore avant l'âge des passions et risquent moins de voir leur salut compromis; les aulres, il faut l'avouer, vivent en grande majorité assez, mal; mais quand, suspendus sur le bord exlrème de la vie, ils voient venir à eux le mystère de l'au-delà, la plupart se préparent à la mort d'une façon suffisante. Laxenaire, Les élus dans l'Eglise et hors de l'Église, Paris, 1903, p. 54. Tel n'est point, évidemment, l'avis des théologiens partisans du petit nombre : « Le fond de la question revient à ceci : il y a un rapport nécessaire entre la vie présente et la vie future : celle-là est la préparation de celle-ci. Par suite, il y a un rapport entre le nombre de ceux qui servent Dieu ici-bas, et le nombre de ceux qui seront sauvés. Petit est relativement le nombre des premiers, petit sera le nombre des seconds. » Maréchaux, op. cit., p. 52. On objecte les sacrements, les grâces de la dernière heure. Mais que de pécheurs n'ont pas le temps de recevoir les sacrements ou les reçoivent mal ! On meurt généralement comme on a vécu; et s'il en est ainsi de ceux qui meurent munis des sacrements, que faut-il penser de ceux qui meurent privés des secours de la religion? « Voilà pourquoi, conclut dotn Maréchaux, tout en nous gardant bien de nier les grâces et les conversions de la dernière heure, nous croyons que ce suprême elfort de la miséricorde divine n'empêche pas que les élus ne soient le petit nombre, et qu'il confirme, même par les exceptions qu'il y apporte, cette règle générale que, pour bien mourir, il faut commencer par bien vivre, » p. 6i-65. Celte appré- ciation pessimiste ne semble être justifiée que dans les cas où vraiment on attend trop tard pour conférer au malade les sacrements : le malade n'a plus alors les dispositions suffisantes; mais dans la plupart des cas où les pécheurs reçoivent en pleine connaissance les secours de la religion, on peut dire qu'ils se préparent à la mort d'une façon convenable. En somme, on ne peut porter de jugement bien précis : dans les pays très chrétiens, la presque totalité se sauvera, dans les pays indifférents ou hostiles, la minorité seule présen- tera extérieurement des chances de salut. Mais il reste toujours le secret des cœurs que Dieu seul peutsonder, et les dispositions du dernier moment qu'il lui est si facile de changer, surtout s'il reste encore au fond de l'âme du moribond des germes de foi.

Considérons maintenant les adultes qui vivent hors de l'Eglise. Certains rigoristes, jansénistes pour la plu- part, condamnent au feu éternel, sans merci, quiconque n'est pas membre visible de l'Église : « Tous les héré- tiques, tous les juifs, tous les musulmans, tous les infidèles. » Cerveau, prêtre janséniste, L'esprit île Nicole, c. xvi, S 7, dans les Démonstrations évangéli- ques de Migne, t. ni, col. 1233. D'autres, sans aller aussi loin, n'admettent que de rares exceptions, et damnent en triasse tous les étrangers à la communion extérieure de l'Eglise. Une telle doctrine est exagérée. Cf. Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi catho- lique, 2 e édit., col. 1425; Laxenaire, op. cit. Sans appartenir au corps de l'Église in re, on peut appar- tenir à l'àtne de l'Eglise, et par là, au corps lui-même in voto. Tous ceux qui sont dans cette situation par rapport à l'i'.glise seront sauvés : sera-ce le grand noni- breou lepetit nombre? Est-il facile ou difficile d'appar- tenir à l'àme de l'Église? Ainsi se présente à nous l'argument du fait, en ce qui concerne les hommes •adultes séparés de la communion extérieure catho- lique.

Ici encore les réponses sont sévères ou larges, selon que nous avons affaire à un partisan du petit nombre

ou à un partisan du grand nombre. La critique exige qu'on fasse des distinctions.

Tout d'abord, envisageons les non-catholiques bapti- sés : ce sont les sebismatiques et les hérétiques. Il ne s'agit, évidemment, que de ceux qui sont de bonne foi et qui ne refusent pas de propos délibéré d'entrer dans la religion catholique. Sont-ils nombreux? La bonne foi ne fait pas de doute dans la masse du peuple, peu in- struite, et qui, sans s'en rendre compte, a suivi ses pas- teurs dans l'hérésie ou dans le schisme. Dans les classes éclairées, il peut se faire que le doute existe, et cepen- dant l'aveu de Newman affirmant avoir vécu de longues années dans l'anglicanisme, sans avoir le moindre doute sur la légitimité de cette religion, est bien fait pour nous faire pencher vers l'indulgence. S'il n'est pas téméraire d'affirmer avec l'abbé Jaugey, op. cit., préface, p. IX, que « la grande majorité des adversaires du christia- nisme vit dans la bonne foi, » nous pouvons dire que la bonne foi est la part de la presque totalité des chré- tiens hérétiques ou sebismatiques qui ne s'occupent pas de l'Eglise catholique.

Cela posé, il est facile de tirer quelques conclu- sions.

Les sebismatiques possèdent la véritable foi, au moins dans les articles essentiels de la religion catho- lique; ils ont les sacrements, les uns toujours valides, baptême, confirmation, eucharistie, extrême-onction, ordre, mariage; l'autre, le sacrement de pénitence, valide au moins à l'article de la mort. On peut donc conclure qu'en fait, les schismatiques sont à peu près dans les mêmes conditions que les catholiques au point de vue de leur salut éternel.

Les hérétiques sont moins favorisés : un seul sacre- ment leur reste, le baptême ; c'est beaucoup sans doute, et c'est peu si l'on songe à toutes les fautes graves qui se commettent ordinairement dans tout le cours d'une vie, que ne soutiennent pas la doctrine et les sacrements de l'Église. Ils ont la possibilité de la contrition par- faite, qui suppose la foi, l'espérance du pardon et un acte d'amour de Dieu par-dessus toutes choses; et comme ils conservent encore de la foi catholique les articles fondamentaux, il est à croire qu'avec le secours de la grâce divine, cette possibilité devient assez fré- quemment réalité. Cf. Dublanchy, De axiomate : Extra Ecclesiam nulla est salus, Bar-le-Duc, 1895, p. 3't9-360. Voir ÉGLISE, col. 2169-2171.

Restent les infidèles. Il est certain que Dieu ne les abandonne pas, et que, pour procurer à ceux d'entre eux qui font le bien le moyen de se sauver, Dieu leur donnera la foi nécessaire pour les conduire par l'espé- rance et l'amour à la justification. Remarquons d'abord que, parmi les infidèles, il y a plusieurs catégories à faire : les mahométans et les juifs sont monothéistes. Ils ont donc une facilité relative pour faire l'acte de foi ou de repentir nécessaire au salut. Les païens sont les plus éloignés de la foi véritable; et cependant, ils ne sont pas déshérités complètement, car Dieu veut sincèrement le salut de tous les hommes, même des païens. Dans quelle mesure les païens seront-ils sau- vés ? Nous l'ignorons, comme nous ignorons les moyens dont la divine providence peut se servir pour leur faire parvenir les connaissances nécessaires pour faire l'acte de foi explicite, requis pour le salut. Il ne rentre pas dans le but de cet article de discuter les conditions de salut des païens, la question sera traitée ex professo à l'article Eoi; on pourra consulter à cet égard la thèse citée du P. E. Dublanchy, De axiomate : Extra Eccle- siam nulla est salus, liar-le-Duc, 1895, p. 3G0-363 ; l'opuscule de M. Laxenaire, Les élus dans l'Église et hors de l'Église, Paris, 1903; et surtout l'ouvrage du R. P. Ilugon, 0. P., Hors de l'Église, point de salut, Paris, 1907. A lire principalement le c. IV, intitulé : Le salut des païens. On trouvera également dans