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DISCERNEMENT DES ESPRITS


donne un exemple manifeste de cette influence de l’esprit de Dieu et de l’esprit mauvais sur une âme, des effets de cette double inlluence et du discernement qui en est possible. Dès que Samuel eut oint le fils de Cis, l’esprit du Seigneur vint en celui-ci, « Dieu lui donna un autre cœur. » I Reg., x, 9. Plus tard, après l’onction de David, « l’esprit de Jéhovah se retira de Saùl, et un mauvais esprit venu de Jéhovah (c’est-à-dire venu avec la permission de Jéhovah) le troublait. » IReg., xvi, 14. Lorsque cet esprit était sur Saùl, « David prenait sa harpe et jouait de sa main, et Saùl se calmait et se trouvait bien, et le mauvais esprit se retirait de lui. » I Reg., xvi, 23. Lorsque Saùl possédait l’esprit de Dieu, il était calme, fort et prudent, prophétisait parfois ; les mêmes signes se renouvelèrent en David après que l’onction de Samuel lui eut donné l’esprit du Seigneur. Quand, au contraire, Saùl eut perdu cet esprit, on le vit, sous l’influence du démon, agité de mouvements violents, soupçonneux, vindicatif, plein de tristesse et de désespérance, irascible et jaloux. Ces données nous fourniront des marques utiles pour établir les règles du discernement. Cf. Hummelauer, Comment, in l. 1 Reg., Paris, -188(5, p. 168.

L’esprit du Seigneur se répandit dans d’autres personnages de l’Ancien Testament. Il opéra en eux de grandes choses qui furent salutaires au peuple de Dieu et accompagnées de signes auxquels on pouvait discerner l’action divine. Ainsi l’esprit du Seigneur revêt Gédéon de sa force et en fait le sauveur de son peuple opprimé, Jud., vi, 34 ; il descend sur Jephté ri sur Samson et leur fait accomplir des exploits remarquables ; il remplit Beseleel et lui inspire des merveilles d’art pour le service du culte, Jud., xi, 29 ; XIII, 25 ; xiv, 6, 19 ; Exod., xxxi, 3 ; xxxv, 31 ; il éclaire les prophètes et ils deviennent « une ville forte, une colonne de fer et une muraille d’airain. ».Ter., I, 18. Cf. Knabenbauer, Comment, in lsaiam, xi. 2, Paris, 1887, t. i, p. 270.

Ainsi l’habitude du contact avec Dieu en donnai ! l’expérience et fournissait les caractères auxquels l’on reconnaissait l’action d’en haut et l’on discernait l’esprit de Dieu, des autres esprits.

Les prophètes nous renseignent, du reste, sur ces caractères. Isaïe, xi, 2, 3, nous dit que l’esprit de Jéhovah est esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de piété, esprit de crainte de Jéhovah. Voir Dons du Saint-Esprit.

II. D’après le Nouveau Testament. — L’Évangile nous montre en acte l’inlluence des divers esprits et la nécessité de les discerner. Notre-Seigneur est conduit au désert par l’inlluence de l’esprit d’en haut, Mat th., iv, 1, mais lorsque sa retraite et son carême sont terminés, l’esprit mauvais s’approche de lui et cherche à le tenter. Matth., iv, 3. Il met le tentateur en fuite par la force de son esprit surnaturel et les anges s’approchent et le servent. Matth., iv, 11. Nous voyons en jeu tous les esprits qui peuvent guider l’homme ou l’impressionner, sauf l’esprit humain né de la concupiscence, et Notre-Seigneur fait preuve d’un infaillible discernement dans ses attitudes envers eux.

Non content de l’exemple, il nous instruit sur les mœurs des esprits afin de nous apprendre à les connaître et à les vaincre. Il y a de mauvais esprits, ils sont impurs, Marc, i, 23, 26 ; iii, 11 ; vi, 7 ; vii, 25 ; Luc, iv, 36 ; vi, 18, etc. ; parfois ils sont muets, Marc, ix, 24 ; tantôt ils sont chassés par une simple injonction, Act., xvi, 18 ; cf. Luc, x, 17 ; i, 49 ; tantôt il « faut employer contre eux la prière et le jeûne. Luc, xvii, 20. Un de leurs caractères, c’est l’obstination à attaquer les âmes, et la perversité croissante de leur action. » Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos et il n’en

DICT. DE THÉOI.. CATHOL.

trouve point. Alors il dit : Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti. Et revenant il la trouve vide, nettoyée et ornée. Alors il s’en va prendre sept autres esprits plus méchants que lui, et, entrant dans cette maison, ils y fixent leur demeure et le dernier état de cet homme est pire que le premier. » Matth., XII, 4345. Cf. Luc, xi, 2’*-26. Les retours du mauvais esprit sont donc toujours à craindre, ils sont plus agressifs et, quand on y cède, plus dominateurs.

Ces données multiples du Sauveur serviront à la tradition patristique et théologique dans la recherche des moyens de reconnaître les esprits dont l’inlluence se fait sentir à l’homme. Cette tradition trouvera d’autres secours dans la doctrine de saint Paul, s’inspirant de la parole du Christ : a fructibus éorum cognoscetis cos. Matth., vii, 20. Il décrit les fruits de la chair, c’est-à-dire du démon et de la matière corrompue de l’homme, et les fruits de l’esprit, c’est-à-dire de la grâce du Christ, et fournit ainsi des critères sûrs pour le discernement de l’esprit divin et de l’esprit diabolique. Il établit d’abord l’opposition entre la chair et l’esprit : « Car la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit ; et l’esprit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont opposés l’un à l’autre, de telle sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez. » Gal., v, 17. Il faut, en effet, choisir entre les deux et quand une fois on a choisi l’un, l’autre se trouve exclu par le fait ; il y a, dans cette opposition de la chair et de l’esprit, des nécessités qui s’imposent à la volonté et qui lient sa liberté. Il dit ensuite les fruits, c’est-à-dire les signes de la chair. « Les œuvres de la chair sont manifestes ; ce sont l’impudicité, l’impureté, le libertinage, l’idolâtrie, les maléfices, les inimitiés, les contentions, les jalousies, les emportements, les disputes, les discussions, les sectes, l’envie, (les meurtres,) l’ivrognerie, les excès de table et autres choses semblables. » Gal., v, 19-21. Cette dernière parole « et autres choses semblables » indique l’intention de l’apôtre de ne pas énuinérer tous les signes de l’esprit mauvais ; on en trouve, en effet, d’autres listes dressées par lui. Rom., 1, 29, 20 ; I Cor., vi, 9, 10 ; II Cor., XII, 20, 21 ; Eph., v, 3-5. Mais ceci suffit à nous éclairer, et les auteurs ascétiques s’en contenteront d’ordinaire comme règle de discernement de l’esprit mauvais. Cf. J. Lopez Ezquerra, Lucerna mystica, tr. IV, c. xvii, n. 150 sq., Venise, 1745, p. 110 sq.

Quant aux œuvres de l’esprit, voici comment on les reconnaîtra : « le fruit de l’esprit, au contraire, c’est la charité, la joie, la paix, la patience, la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance… Ceux qui sont à Jésus ont crucifié la chair, avec ses passions et ses convoitises. » Gal., v, 22, 21. Ceci encore servira à l’ascétisme chrétien pour le diagnostic des intluences divines. J. Lopez, op. cit., c. XVI, p. 109.

Dans l’Épitre aux Galates, saint Paul oppose les œuvres de la chair à celles de l’esprit surnaturalisé où est descendue la grâce et dans lequel habite le Christ. Dans son Epitre aux Romains, vii, 14 sq., il oppose les œuvres de la concupiscence à celles de la raison naturelle nonencore régénérée et montre comment l’homme, par suite du péché originel, a été pour ainsi dire coupé en deux parties hostiles et Hotte ballotté par une double inlluence contraire. Cf. Cornely, Comment, in Epist. ad Rom., Paris, 1896, p. 373.

Ainsi la doctrine se précise ; on voit se dessiner ou prendre du relief les divers agents naturels, préternaturels ou surnaturels qui se disputent la possession de l’homme et les choix de sa liberté. Saint Jean peut maintenant établir sa grande règle de discernement des esprits, après en avoir affirmé la nécessité : « Mes bien-aimés, ne croyez pas à tout esprit ; mais voyez par l’épreuve (à laquelle vous les soumettrez) si les esprits sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont

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