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ÉLUS (NOMBRE DES

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point dans le nombre de ceux qui échappent à la punition ; il est dans le châtiment qui frappe les impies. Saint Pierre, qui s'étend assez longuement sur cette pensée, n’a pas un mot qu’on puisse appliquer au nombre des élus.

c)Josué et Caleb, entrant seuls dans la terre promise, sont encore, nous dit-on, un type des élus entrant au ciel. C’est saint Paul, I Cor., x, 1-42, qui nous affirme que ce fut une figure. — Soit ! répondent les partisans du grand nombre, mais la figure porte uniquement sur les châtiments dont Dieu affligera les pécheurs. L’apôtre veut simplement prémunir les Corinthiens contre les tentations, toujours possibles, même au milieu des plus grands bienfaits de Dieu. Les Hébreux, infidèles dans le désert, en sont la preuve.

Conclusion : on a tort de vouloir trop presser, jusque dans leurs moindres détails, ces types de l’Ancien Testament ; on fait alors dire à la sainte Écriture ce qu’elle ne dit pas, et on risque de prendre son propre jugement pour la parole de Dieu.

5. Les rigoristes appliquent aux élus certaines comparaisons soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament : Is., xvii, 5, 6 : Et erit sicut cougregans in messe quod restiterit et brachium ejus spicas leget ; et erit sicut quærens spicas in valle Raphaim ; et relinqitetur in e<> sicut racemus, et sicut excussio olex duarum vel triùm olivarum in summitale rami, sive quatuor aut quim/ue in cacuminibus ejus fructus ejus…, et encore, xxiv, 13 : Quia hxc erunt in medio terrse, in medio populorum : quomodo si j aucæ oliv.T, quæ rernanserunt, excutiantur ex olea ; et racemi, cum fuerit (inita vindemia. Gonet, Ch/peus llieologiæ thomislicæ, loc. cit., qui apporte ces textes comme arguments, compare après saint Jérôme, In ls., P. L., t. xxiv, col. 291, les élus aux épis et aux grappes qui ont échappé aux moissonneurs et vendangeurs. Toujours le petit nombre. — Une autre comparaison est empruntée au Nouveau Testament. Parlant de JésusChrist, saint Jean-Baptiste dit : Son van est en sa main, et il nettoiera complètement son aire : il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteindra point. Mat th., ni, 12 ; Luc, iii, 17. Or, si le blé représente les élus, la paille forme un volume beaucoup plus considérable que le blé. Humbert, Pensées sur les plus importantes vérités de la religion, c. v, S 2. « écartons respectueusement, leur répond le P. JeanBaptiste, loc. cit., ces figures de l’Ancien Testament qui sont appliquées d’une façon bien arbitraire au nombre des élus. Comparer les élus aux épis de blé et aux grappes de raisin qui ont échappé à l’attention des moissonneurs et des vendangeurs, n’est-ce point assimiler, par une contradiction assez étrange, les amis de Dieu, prédestinés avant la création du monde, à des rebuts abandonnés ou à des restes oubliés ? »

L’autre comparaison, empruntée au Testament Nouveau, prouverait juste le contraire de ce qu’on en veut tirer. De ce texte, on devrait conclure que le nombre des élus l’emportera de beaucoup sur celui des réprouvés : en effet, c’est le divin Semeur lui-même qui l’assure, chaque tige de son champ lui donne trente, soixante et jusqu'à cent grains de blé. Conclusion d’ailleurs autorisée par cette autre déclaration de Jésus-Christ : Ainsi en sera-t-il — comme de la capture et du choix des poissons — à la consommation des siècles ; les anges viendront et sépareront les méc/iants du milieu des justes et les jetteront dans la fournaise de feu. Matth., iixi 47-50. Séparer les méchants « du milieu des justes », n’est-ce point manifester que ces derniers sont bien plus nombreux ?

6. Pour être complet, il faut encore rapporter les arguments — démodés aujourd’hui — que Gonet forgeait avec certains passages de l'Écriture sainte : les élus

sont comparés par saint Paul à des hommes appelés par le sort, Eph., i, 11 ; Col., i, 12 ; donc ils sont en petit nombre, car c’est toujours le petit nombre qui est favorisé par le sort ; les prédestinés sont représentés comme les amis de Dieu ; or, une des conditions de l’amitié, c’est de ne pas être prodiguée ; les prédestinés sont comme des rois et des princes, les réprouvés, comme des esclaves. Or, les rois sont moins nombreux que les sujets. — Aces arguments peu sérieux, il suffit de répondre par un autre texte de saint Paul : Dieu cent le salut de tous les hommes. I Tim., ii, 4.

7. Mais il est un argument, en apparence plus sérieux, auquel recourent les partisans du petit nombre des élus : ils insistent sur les textes de la sainte Ecriture, où nous est inculquée la crainte de Lieu dans l'œuvre du salut, par exemple : Cum metu et tremore vestram salulem operamini, Phil., ii, 12. Or, la crainte ne serait pas justifiée si le salut était relativement facile et l’apanage du plus grand nombre. On a abusé de tous ces textes qui nous inculquent la crainte. La crainte de Dieu n’est pas la peur de Dieu ; et c’est sur cette équivoque que se base tout le raisonnement des rigoristes. « La crainte de Dieu, telle que nous la montre l’r.criture, n’est pas la crainte servilement servile, ni même le plus souvent, la crainte simplement servile ; c’est pres-]iie toujours la crainte filiale, amoureuse, inséparable de la joie et de l’exsultation, exullate ci cum tremore, Ps. ii 11, inséparable de la joie dont elle est le fruit, Iseletur cor meum ut limeat nomeii tuuni, Ps. i.xxxv, 11, inculquée dans cette Épître aux Pbilippiens dont on cite avec effroi le verset cum metu et tremore vestram salulem operamini, sans prendre garde que c’est uns des Épi très, où saint l’aul recommande le plus ardemment la joie à ses néophytes, » iv, 4 ; ii 18, 28 ; i, 25 ; ii, 2 ; iv, 7-8 ; cr. Eccli., i, 11-12, 22 ; ii 8-13. Ami du clergé, 1906, p. 10(33. De plus, dans saint Paul, le mot tremor n’a jamais le sens de frayeur ; on peut s’en convaincre en comparant I Cor., II, 3 ; II Cor., iiv 15 ; Eph., vi, 5 ; Ileb., xii, 28. Voir t. iii, col. 2014-2018.

2° Textes allégués en faveur du grand nombre des élus. — Tout d’abord, le texte classique de l’Apocalypse, vu, 9 : Vidi lurbam magnam, etc. S’il va, au ciel, une si grande foule d'élus, de toutes les nations, tribus, peuples, langues, c’est donc que le nombre des élus sera immense. Comment, en ce cas, soutenir la thèse du petit nombre ? Gonet répond avec une distinction toute scolaslique, reproduisant le commentaire de saint Augustin : absolument, le nombre des élus sera 1res grand ; relativement au nombre des damnés, cette foule sera encore le petit nombre. Clxjpeus theologiæ l/iomisticæ, loc. cit. Et, de fait, il faut convenir que du texte de l’Apocalypse, on ne peut rien conclure ; aussi les modernes ont cherché plutôt à recueillir dans la sainte Ecriture, les textes qui prouvent, dans le plus grand nombre des hommes, l’efficacité des trois causes de leur salut éternel, la cause suprême, qui est la volonté souveraine de Dieu ; la cause niéritoire, qui est le sang et les mérites de l’Homme-Dieu ; la cause efficiente, qui est la grâce, agissant sur notre volonté.

1. La cause suprême du salut dans la sainte Ecriture, relativement au nombre des élus. — La sainte Écriture « nous enseigne, dans les termes les plus nets, que Dieu a voulu faire prédominer dans le genre humain la gloire de sa bonté sur celle de sa justice, qu’il veut d’une volonté efficace le salut de tous ; qu’il veut se montrer riche en miséricorde pour tous ; qu’il ne fait aucune distinction de personnes dans sa volonté de les sauver tous ; qu’il ne laisse même les peuples s’engager sur le chemin public’des erreurs qu’en maintenant son dessein d'éclairer, du moins en secret, toutes les âmes égarées et de déployer vis-à-vis de toutes, pour les sauver, une inépuisable miséricorde. » Castelein,