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dont l’esprit corrupteur est l’antithèse de l’esprit de Jésus-Christ !

Tous ces textes sont graves et font impression. Néanmoins, si la leçon morale qui s’en dégage est toujours la nécessité de se contraindre pour assurer son salut éternel, il ne s’ensuit pas que ce salut doive être nécessairement le partage du petit nombre. Disons immédiatement qui’le texte de saint Pierre, I Pet., IV, 18, ne se rapporte pas à tous les justes en général, mais seulement aux justes qui, au moment du jugement, n’auront pas encore entièrement satisfait à la justice divine ; néanmoins ils seront sauvés. Tel est le sens de vix, sens qui, on le voit, ne peut en rien faire préjuger pour ou contre la thèse du petit nombre des élus. La diflicu !  ! é pour les riches d’entrer dans le royaume des cieux n’est pas non plus un argument sérieux. Marc, x, 23, rapporte exactement la pensée du Sauveur. Les disciples s’effrayaient et Jésus de leurrépondre, 26, 27 : Qui magis admirabantur, ilicentes ad semelipsos : Et quis polcsl salvus fierif Et intuens illos Jésus, ait : Apud homines impossibile est, sed non apud Devm : OMNIA ENIM POSSIBIL1A SCfNT UEO. Il s’agit donc uniquement de la difficulté, sans la grâce de Dieu, grâce qui n’est refusée à personne. La sévérité du jugement de Dieu, qui nous fera rendre compte d’une parole inutile (àpydv p ? |U.oc = discours inutile, peut-être nuisible), indique que nos conversations « doivent venir d’une intention habituellement bonne qui les rapporte à une fin honnête. » Est-ce si rigoureux et si difficile ? La doctrine du renoncement, la pratique de l’humilité, l’opposition à l’esprit du monde, les partisans du grand nombre des élus proclament tout cela nécessaire. A ceux qui sont appelés aux cimes de la vertu, NotreSeigneur demande davantage ; au commun des fidèles, il ne demande que ce qui est nécessaire pour les empêcher de violer en matière grave la loi de Dieu. Et cela est-il donc si rare’.’D’ailleurs, ils n’hésitent pas à reconnaître que « le conflit entre le salut et les jouissances de la vie est fréquent. C’est là que se révèle le plus la faiblesse humaine ; » mais ils estiment que « la miséricorde divine est incomparablement plus large en secours et en pardons que les rigoristes ne le supposent » (Castelein). Comment donc expliquer le texte regnum cœlorum vim patitur, s’il est relativement facile d’entrer dans le royaume des cieux ? Disons tout de suite que l’interprétation de ce texte n’est pas lixée. Le P. Knabenbauer, après dom Calmet, le comprend ainsi : Le royaume du ciel est persécuté et des hommes violents veulent le détruire, faisant allusion aux elforts des pharisiens pour empêcher la religion chrétienne de s’établir. Knabenbauer, Evangelium sec. Malth., t. i, p. 435. Une telle interprétation n’a aucune influence sur la doctrine du nombre des élus. D’autres, le rapprochant de son texte parallèle, Luc, XVI, 10, pensent différemment : « Xolre-Seigneur compare donc ici les deux religions. La première religion avait été confiée au seul peuple juif. Depuis.Tean-Ilaptiste, le royaume du ciel ou la religion définitive est prêché. Pour qui ? pour tous. Ce n’est plus un privilège pour personne, mais aussi personne n’est plus exclu. Voilà pourquoi Jésus-Christ le compare à un butin de guerre, dont tout le monde peut s’emparer. Le but de la métaphore (violenti rapiunt) est simplement de redresser l’erreur des Juifs qui croyaient avoir droit au royaume du ciel par privilège de naissance, et cela à l’exclusion des autres hommes. » Castelein, op. cit., p. 43. Cf. M » ’Le Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, 6— édit., Paris, 1901, t. i, p. 456. D’autres, traduisant le verbe fliil^ai par le moyen, et non par le passif, comprennent ainsi : Le royaume des cieux (prêché par Jésus) s’olfre à tous avec force, et chacun s’efforce à son tour d’y pénétrer. Cf. Knabenbauer, loc. cit. Enfin, l’interprétation ordinaire : Le royaume des cieux souffre violence, et seuls, ceux qui

savent se faire violence, l’obtiendront, est celle qui sert de fondement à l’argumentation rigoriste ? Mais est-elle bien certaine et ne contredit-elle pas le sens évident du texte qui se rapporte, non pas au royaume des cieux dans la gloire du paradis, mais au royaume prêché depuis Jean-Hapliste ? On oublie trop les premières paroles du texte : A diebus aillent Joannis usque nunc, regnum cœlorum vint, etc. Cf. Iiainvel, Les contresens bibliques des prédicateurs, 2 e édit., Paris, s. d. (1906), p. 122-124.

. Certains faits historiques de l’Ancien Testament présentent un sens typique indiquant le petit nombre des élus. Laissons de côté les faits historiques dont le sens typique n’est pas bien établi (histoires de Rahab, Jos., vi ; des soldats de Gédéon,.lud., vu), les prétendus symboles du c. ix d’Ézéchiel (un seul ange pour préserver, six pour exterminer), de l’Apocalypse (un livre de vie, plusieurs livres de réprobation, xx, 12), de la piscine probatique (beaucoup de malades amenés, un seul guéri), de la parabole du semeur (la quatrième partie de la semence fructifie en tombant en bonne terre), des deux pêches miraculeuses (la première figurant l’Église dans laquelle entre une multitude d’hommes, la seconde, qui ne donne que 153 poissons, figurant le ciel, où les élus sont relativement peu nombreux, Luc, v, 6 ; Joa., xxi, 18) ; la comparaison de saint Paul entre les vases d’or et d’argent — rares — et les vases de bois et de terre — vulgaires —. Quelques Pères ontpu accommodercesdillérenls passages de l’Ecriture sainte aux élus et aux réprouvés ; mais vouloir établir sur eux une preuve sérieuse, c’est condamner d’avance sa thèse.

11 n’y a que trois faits historiques, dont le sens typique, affirmé par l’Ecriture sainte elle-même, ne peut faire de doute.

o) Le déluge, avec ses huit personnes sauvées parmi toute la multitude détruite par le lléau, représente le petit nombre des élus sauvés de la masse des réprouvés. Saint Pierre, en elfet, I Pet., in, 19-21, parlant « de l’arche dans laquelle peu de personnes, huit seulement, furent sauvées au milieu de l’eau, » affirme que c’est une « figure, à laquelle correspond le baptême qui vous sauve maintenant. » Point n’est besoin, pour répondre à cette difficulté, de chercher à diminuer outre mesure l’importance du déluge. Le sens typique n’est pas attaché au nombre de personnes sauvées dans l’arche, mais au mode de salut : « De même que Noé et sa famille franchirent les eaux du déluge pour entrer dans l’arche, de même les chrétiens traversent celles du baptême pour entrer dans l’Eglise du Christ, où ils trouvent la délivrance. C’est en ce sens que le baptême est l’anlitype du déluge, c’est-à-dire la réalisation du type delà ligure. » Eillion, La sainte Bible commentée, Paris, 1904, t. VIII, p. 683. On fait remarquer qu’au contraire, ce passage de la / a l’etri serait plutôt un argument contre la thèse du petit nombre, puisque l’auteur sacré y laisse entendre que beaucoup des humains, condamnés alors par Dieu à cause de leur corruption, se convertirent au dernier moment, avant de périr dans les eaux, et évitèrent ainsi l’enfer, 19, 20. Le petit nombre des sauvés dans le déluge est présenté comme le type du petit nombre des élus par saint Augustin, De baptismo conl. donat., 1. V, c. xvm, P. L., t. XLHI, col. 189 ; par saint Chrysostome, Atlv. oppugn. vilœ monaslicœ, P. G., t. XLVII, col. 330 ; par saint Grégoire le Grand, Homil., xxxvm, in Evang., P. L., t. i.xxvi, col. 1280-1290.

b) La destruction de Sodonte à laquelle échappent seuls Loth et sa famille présenterait également un sens typique relatif au nombre des élus. Peu échappent au feu du ciel, ainsi en sera-t-il au jour du jugement. Saint Pierre, II Pet., II, 6, et saint Jude, 7, affirment que ce fut un exemple. Mais ici encore l’exemple n’est