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ÉLUS (NOMBRE DES ;


logiens qui se rapproche sensiblement de l’accord unanime j). A. Vacant, Elude sur le magistère ordinaire île l’Église, Paris, Lyon, 1887, p. 60.

A ces considérations d’ordre général s’ajoute la condamnation portée par l’Index, le 22 mai 1772, contre la thèse du P. Gravina, insérée dans l’ouvrage posthume duP.Plazza, publié à Païenne (1762) sous le titre : X)issertatioanagogica, theologica, parœnetica de paradiso. Le P. Gravina avait ajouté un chapitre, le V e, De clectorum hominum numéro, respectu hominum reproborum, dans lequel il soutenait comme une opinion vraisemblable que le nombre des hommes élus, par rapport au nombre des hommes réprouvés, était de beaucoup supérieur. Etle chapitre fut censuré : omiiino damnatur, porte le décret, avec proscription de l’ouvrage entier, tant qu’il ne sera pas expurgé dudit chapitre. Voir Index, Rome, 1900, p. 242. Marmontel avait soutenu, en France, la même thèse dans son Bélisaire (1767) ; la Sorbonne censura l’ouvrage, le 20 juin 1707, et l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, le condamna le 24 janvier 1768 au sujet du salut des païens, mais surtout à cause du c. xv sur la tolérance. Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le xviue siècle, 3e édit., Paris, 1855, t. iv, p. 251-258 ; II. Reusch, Der Index der verbotenen Bûcher, Bonn, 1885, t. ii p. 913. L’ouvrage de Marmontel (mis à l’Index douée corrigatur le 25 mai 1767) méritait la censure sous bien des rapports ; quant au P. Gravina, il semble bien que la S. C. de l’Index ait voulu proscrire sa thèse et non viser simplement le mode et l’inopportunité de sa publication. Voir.Ami du clergé, t. xxiii, p. 159. Cependant Picot, op. cit., t. v, p. 457458, dit que la manière dont Gravina établissait sa thèse du grand nombre des élus « n’annonçait pas beaucoup de jugement et de critique ; c’était par des arguments assez ridicules et par des révélations apocryphes. » Cf. Reusch, Der Index, t. ii p. 975-970. Le sentiment de Gravina a été réfuté par le camahlule A. Gardini, Dissertalio theologica adversus novilates P. J. M.Gravinae S. J. cœti januas reserantis non solum hærelicis cl schismalicis, verum tamen liebrseis, mahommedanis, etc., in-8°, Venise, 1767, et par François Cari, Lettera indirizzala in nome del Dogo délia republica deglivpisii alRev.de’Solipsi G. G.(GiuseppoGravina). Si la thèse de Gravina a été réellement proscrite, la discussion restera-t-elle libre ?

Avant tout, il convient de remarquer que, dans une question qui touche aussi lointaineinent et indirectement à la foi et aux mœurs que la question du nombre des élus, l’opinion même unanime des Pères et des théologiens ne peut imposer une manière de voir de préférence à une autre, si l’Église laisse la discussion libre : « Si les Pères semblaient affirmer unanimement une doctrine religieuse que l’Église a laissé discuter librement dans les siècles suivants, il faudrait penser que les affirmations des saints Pères exprimaient de simples opinions, et qu’elles ne remplissaient pas la première condition exigée pour l’unanimité morale dans l’enseignement (à savoir, qu’ils regardaient leur enseignement comme l’expression d’une vérité révélée ou se rattachant à la révélation), car un dogme qui a été proposé à la foi des fidèles ne peut jamais se transformer ensuite en une opinion libre. » Vacant, op. cit., p. 62.

Or, même avant la condamnation du P. Gravina, l’Eglise laissait librement s’exprimer l’opinion du plus grand nombre des élus, même parmi le genre humain considéré dans son ensemble. Sans parler de la théologie du P. Genér, nous en trouvons un exemple remarquable dans les œuvres du F. Joseph de SaintBenoit. Le Vén. F. Joseph de Saint-Benoit, religieux convers de l’abbaye de Montserrat, simple tailleur de pierres, mourait le 17 novembre 1723. Favorisé de ré vélations ou d’illuminations célestes, touchant précisément à la question du nombre des élus, il en a résumé les idées principales en quelques écrits dont les titres sont bien significatifs : Opusculos para alivio espirilual de alguuas personas que parecen pusilanimidades, y temores desorde ? iados, a cerca de su salvacion ; Lk’claracion de algunas sentencias del Testamento nuevo, que parecen tener algo de rigor, y aspereza. Or, il y enseigne que « le nombre des hommes sauvés est très grand, incalculable ; il dépasse celui des réprouvés, grâce à la puissance, à la sagesse et à la bienveillance infinie du Christ, qui, sans doute, n’a pas en vain souffert et répandu son sang, n’est pas en vain ressuscité, et n’a pas vainement brisé l’insolente domination de Satan sur l’espèce humaine. » Opusc, arg. 3 et 4. Quatorze théologiens furent chargés d’examiner ses écrits : au premier rang figure le nom du P. Ignace Garrotte, qualificateur de la Suprême Inquisition ; les ouvrages furent soumis également à de nombreux docteurs en théologie de Barcelone, Valence, Yich, Manrèse. Aucun théologien ne réprouva l’opinion du serviteur de Dieu ; beaucoup l’approuvèrent, entre autres les censeurs bénédictins, Lardito et Barnuevo, Dominique Lossada, O. M., François de Miranda, S. J. L’Église ne les inquiéta pas.

Rien plus, quelques années auparavant, le 30 juillet 1708, la S. C. de l’Index condamnait un ouvrage à tendances opposées : La science du salut, renfermée dans ces deux paroles : il y a peu d’élus, ou traité dogmatique sur le nombre des élus, publié en 1701 à Rouen par l’abbé Olivier Debors-Desdoircs, sous le pseudonyme d’Amelincourt. Et encore ce dernier consacrait une cinquantaine de pages à réfuter « ceux qui resserrent excessivement le nombre des élus. » Au xix c siècle, la liberté de la discussion est proclamée par des théologiens de grand renom : Perrone, De Dca creatore, n. 748, note ; Hurter, Theol. duc/, comp., lr.de Dca, part. 1, c. iii, a. 3, n. 2 ; Bergier, Dicl. de lliéol.. art. Elu ; Traité hist. et dugm. de la vraie religion, part. III, c. ii a. 2, S 7, Besançon, 1820 ; Actorie, De l’origine et de la réparation du mal, 1. I, c. i, p. i, Lyon, 1846 ; Lacordaire, Conférences, conf. lxxi, les résultats du gouvernement divin : « Le petit nombre des élus n’est pas un dogme de foi, mais une question librement débattue dans l’Église ; » Monsabré, loc. cit. : « Sur la question du nombre des élus, nous n’avons que des opinions. » Et l’Eglise laisse dire, et l’on pourrait multiplier les citations.

Faut-il donc conclure, malgré la condamnation de Gravina, à une liberté" illimitée de discussion ? La question nous paraît assez complexe.

L’opinion, condamnée dans le livre édité par Gravina, était celle-ci : Verisimile est electos homines, respectu hominum reproborum, longe numerosiores esse. Il est possible que la condamnation porte sur l’adverbe longe plutôt que sur le comparatif numerosiores. Il faudrait donc conclure à la prohibition de l’opinion qui restreindrait à quelques rares unités le nombre des réprouvés, tout comme il faut écarter la prétention de ceux qui affirment la réprobation en masse des hommes, fût-ce des non-catholiques. Tel doit être le sens des deux condamnations contraires portées contre Gravina et contre d’Amelincourt. Aussi les auteurs qui ont affirmé leurs préférences pour l’opinion large, dans tout le cours du xix 1 siècle, l’auteur des Tesori di confidenza in Dio, Pignerol, 1831 ; l’abbé Le Noir, Dict. des droits de la raison dans la foi, art. Immortalité de l’drne, n. 146, dans la IIIe Encyclopédie calliolique de Migne, t. lvii ; Dicl. des harmonies de la raison et de la foi, art. Vie éternelle, § 3, ibid., t. xix, lequel fut formellement dénoncé à l’Index et sortit indemne de l’examen qu’on fit subira sa doctrine ; le P. Melguizo, O. S. B., rééditeur des œuvres du Fr. Joseph, Son màs los que se