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ÉLUS (NOMBRE DES)


les anges il y a les élus, il y a les réprouvés. Si tous les théologiens sont d’accord pour affirmer que, parmi les anges seuls, c’est le plus grand nombre qui a été sauvé, cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, f[. i.xiii, a. 9, adl""’ ; Suarez, Tract, de div. prmdest. et reprob., 1. VI, c. iii d’autres instituent la comparaison du plus grand nombre entre les élus et les damnés pris parmi toutes les créatures libres et intelligentes, anges et hommes réunis. Les uns rappellent que le nombre des anges étant infiniment supérieur à celui des hommes, le nombre des élus dépassera celui des réprouvés, et qu’ainsi la gloire de Dieu sera plus parfaitement réalisée par le triomphe du bien chez un plus grand nombre. Suarez s’exprime ainsi : « I)ans les choses que Dieu a principalement en vue, comme sont les créatures intellectuelles, il est convenable que le bien et non le mal se trouve chez le plus grand nombre : il convient

; mssi que la. miséricorde et la récompense atteignent

plus d’êtres que la justice et le châtiment. Les bons et les bienheureux surpasseront donc en nombre les mauvais et les malheureux, et même il est probable que les seuls anges élus seront plus nombreux que tous les réprouvés, anges et hommes réunis. » De anqelis, 1. 1, c. ii, n. 9. Mais d’autres ont émis l’opinion que les anges déchus sont remplacés au ciel par un nombre égal d’hommes élus. Et puisque nous entrons dans le domaine des hypothèses, il convient encore de signaler les autres opinions auxquelles saint Thomas fait allusion dans la Somme, I a, q. XXIII, a. 7 : les uns veulent qu’il y ait autant d’hommes sauvés que d’anges demeurés fidèles ; d’autres, autant d’hommes sauvés qu’il y a d’anges déchus, et en plus, qu’il y a eu, en tout, d’anges créés. Ce sont là des conjectures reposant sur l’interprétation du texte : Constitua terminas populorum juxla numerum angelorum Dei. Voir AngéloLOGIE, d’après les Pères, t. i, col. 1205-1206. Dans toutes ces hypothèses, la question du nombre relatif des hommes sauvés reste entière.

Il convient de signaler encore l’hypothèse d’autres mondes habités, d’autres créatures possibles, à nous inconnues : « Si, du ciel, où la béatitude des anges est consommée, vous descendez dans les espaces, vous y verrez des milliards de globes plus grands et plus beaux que notre misérable terre ; vous vous demanderez si ces globes sont des déserts errants… Pourquoi les astres ne seraient-ils pas peuplés d’êtres inoins grands que les anges, mais plus grands que nous ?… Pourquoi… Dieu ne recruterait-il pas, dans les espaces immenses, d’innombrables légions de bienheureux ? » Monsabré, Carême de 1880, en* conférence.

2° Précision de la discussion : opinion large et opinion rigide. — Au milieu de tant d’opinions diverses, il serait impossible d’aborder une discussion sérieuse, si nous ne faisions subir une précision nouvelle au problème qui offre tant d’aspects variés.

Tout d’abord, il faut laisser de côté la question des anges élus, et l’hypothèse d’autres créatures intermédiaires entre l’ange et l’homme. La seule question du nombre des élus qui puisse nous intéresser et surtout avoir une utilité morale pour nous, c’est la question des hommes, descendants d’Adam et d’Eve, et destinés au ciel ou à l’enfer. Mais ici encore il ne faudra envisager le salut ou la damnation des enfants, privés de la raison, qu’indirectement. On dira, en temps et lieu, ce qu’il convient d’en penser. Le problème du nombre des élus n’offre d’intérêt réel qu’en ce qui concerne les adultes.

La situation des adultes par rapport à leur salutéternel n’est pas la même pour tous : aussi, beaucoup de théologiens, pour ne pas dire la plupart, ont pensé qu’il convenait d’envisager la question du nombre des élus sous un double aspect :  ! , par rapport au genre humain tout entier, sans distinction de catholiques ou

non-catholiques ; 2. par rapport aux seuls catholiques. Mais ce double aspect ne correspond pas encore exactement à la réalité des situations : parmi les non-catholiques, les hérétiques et surtout les schismatiques ont bien plusde facilité d’opérer leur salutqueles infidèles ; cl parmi ces derniers, il faudrait encore distinguer entre monothéistes et polythéistes. D’autre part, il est à remarquer que les arguments employés en faveur du grand nombre des élus chez les catholiques ne perdent pas tous leur valeur lorsqu’on les applique au genre humain entier ; les raisons qui militent en faveur du petit nombre dans tout le genre humain peuvent également, pour la plupart, être invoqués en faveur du petit nombre chez les catholiques. Il est donc plus simple, en s’élevant au-dessus des applications pratiques, de poser la question d’une manière toute générale : Doit-on penser que la majorité du genre humain sera sauvée ou sera damnée ? Les points de vue spéciaux concernant les catholiques seront envisagés au cours de l’article, selon la nature des arguments que les théologiens de chaque opinion ont coutume d’apporter pour soutenir leur thèse. Enfin, chercher ce que sera la majorité, soit des élus, soit des damnés, purapport à la minorité, serait vouloir une précision impossible ; et c’est pourquoi, à cause de sa trop grande précision, improbable d’ailleurs, il convient de laisser de côté l’opinion de Cajetan, partageant les adultes catholiques en deux parties numériquement égales. Jn IV Evangelia commentarii, Lyon, 1039, p. 112.

II. Liberté de la discussion.

On prétend que la question, ainsi posée sur un terrain très large, ne peut être librement discutée ; l’opinion qui admet, parmi les catholiques adultes, une majorité d’élus, peut être considérée comme probable ; mais l’opinion qui admettrait, dans le genre humain tout entier, une majorité d’élus, mérite une censure. Elle n’est donc pas libre Telle est la thèse du P. Godts dans son ouvrage De paucitate salvandorii »), 3e édit., Bruxelles, 1899, p. 347-351.

Plusieurs théologiens présentent, en effet, la thèse du petit nombre des élus, dans tout le genre humain, comme de foi. Laselve, Annus aposlol. ; Concio pro Dont. Sept., Liège, 1727, t. i, p. 177 sq. ; Smising, Disp. theol. de Deo, i. i, De Deo uno, tr. III, disp. VI, De provid., n. 803, Anvers, 1626 ; Bosco, Theol. spirit. schol. et moral., 1. 1, De provid. div., disp. III, sect. III, concl.8. Mais la conclusion de ces trois théologiens est fort contestable ; ils proclament de foi leur opinion, parce qu’elle leur semble refléter clairement le sens du verset : Mulli vocati, pauci electi. Or ce sens est très discutable, et jamais l’Eglise ne l’a sanctionné.

D’autres assurent que le petit nombre des élus dans le genre humain est une vérité certaine ; l’opinion opposée mériterait donc d’être qualifiée d’erreur. Gonet, Clypeus theologiæ thomisticæ, tr. V, disp. IV, digressio 2 s’exprime ainsi : Certuni est et exploration apud omnrs, quod si loquamur de omnibusomnino hominibus… mullo major est numerus reproborum. D’autres théologiens, sans être aussi explicites, laissent clairement entendre que l’opinion large n’est, à aucun point de vue, soutenable. Ainsi Suarez : Secunda comparalio est inter homines, absolute de omnibus… et hoc modo communis et vera sententia numerum reproborum esse majorem, Tract, de div. prxdest. et reprob., 1. VI, c. ni ; Estius : Nimis qunm vere dicitur, hominum reproborum numerum longe majorem esse quam electorum, si lotum censeatur (joins humanum. In IV.Sent., l.I, dist. XL, § 23, Paris, Ili(12, 1. i, p. I 14. Cet avis des théologiens n’est qu’un écho de la doctrine des Pèresde l’Église, et le R. P. Godts rappelle aux partisans de l’opinion large qu’ « il y a obligation de respecter ou même d’admettre, sous peine de témérité, un enseignement des saints Pères ou des théo