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ELOI

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le nom de tout autre être prétendu malfaisant. Que son désir soit quela^ràce du Christ préside a toutes ses œuvres ; qu’elle mette toute sa confiance dans la vertu de son nom, que personne ne pousse des cris quand la lune s’obscurcit, car c’est par l’ordre de Dieu qu’elle devient pâle en certains temps. Qu’on n’appréhende pas non plus d’entreprendre une œuvre quelconque à la nouvelle lune, car Dieu a formé cet astre pour marquer le temps et modérer l’obscurité de la nuit et non pour faire obstacle aux travaux de qui que ce soit. Ce ne fut pas non plus pour troubler lu raison de l’homme, comme l’ont cru des insensés, s’imaginant que la lune fait souffrir ceux qui sont possédés du démon, (.tue personne ne nomme ses maitres le soleil ou la lune ; qu’il ne jure point par ces astres, parce qu’ils sont l’œuvre de Dieu et servent aux besoins de l’homme par ordre du créateur. Que nul ne prête attention au sort ou à la fortune, à l’occasion des naissances, en sorte qu’on dise : « Tel on est né, tel on sera. » Dieu, en effet, veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Il dispense toutes choses dans sa sagesse, comme il le fit lorsqu’il a créé le monde. S’il vous survient quelque infirmité, gardez-vous d’avoir recours aux enchanteurs, aux devins, aux charlatans. N’attachez aucune croyance aux fontaines, aux marbres, aux bifurcations des chemins, ni aux phylactères inventés par le démon.

Repoussez donc de tout votre cœur, mes frères, toutes ces embûches de l’ennemi du salut, et concevez une grande horreur pour les sacrilèges dont je viens de vous entretenir. N’accordez de vénération à aucune créature, réservez-la pour Dieu et ses saints. N’allez plus aux fontaines et détruisez les arbres qu’on nomme sacrés ; faites en sorte qu’on ne trouve plus dans les croisières des chemins des dessins de pieds ; brùlez-les quand vous en trouverez. Ne croyez pas qu’il y ait d’autre moyen d’arriver au salut que la croix et l’invocation du Christ. Le culte rendu aux arbres est tel, en effet, que les misérables qui vont les vénérer, en déposant leurs vœux, n’osent les jeter au feu quand ils viennent à tomber de vétusté. Considérez quelle est leur folie : ils rendent des honneurs à un arbre insensible et mort, et ils méprisent les préceptes du Dieu tout-puissant. Que nul donc ne se persuade qu’il puisse être permis d’adorer le ciel » les astres, la terre, ou toute autre créature, si ce n’est Dieu ; car c’est lui seul qui a tout créé, tout disposé dans un ordre parfait.

Voir, pour l’intelligence de ce texte, le commentaire que nous en avons donné dans notre étude sur Yldolâtrie en Gaule au VI’et au vil’siècle, dans la Revue des questions historiques, t. lxv (1889), p. 445-453.

Cette partie de l’enseignement d’Eloi est presque entièrement négative. Elle regarde les œuvres du démon auxquelles le fidèle a renoncé par la réception du baptême. Le Credo que l’évêque de Noyon proposait à ses catéchumènes contenait les articles plus spécialement positifs de sa doctrine. C’est le Credo romain, enrichi de quelques détails et presque arrivé à la perfection que devait bientôt lui donner saint Primin. Comme il marque un stade dans le développement du symbole, nous le donnons ici dans sa teneur : « Au jour de votre baptême, dit-il, vous avez promis de croire en Dieu le Père tout-puissant et en JésusChrist son fils unique Notre-Seigneur (le ms. porte filium unicum dominum nostrum), conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie, qui a souffert sous Ponce-Pilate, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, et de là viendra juger les vivants et les morts. Vous avez promis, en outre, de croire au Saint-Esprit, la sainte Église catholique, la rémission des péchés, la résurrection de la chair, la vie éternelle. » Prædicatio sancti KHijH episcopi, n. 2, édit. Krusch, loc. cit., p. 751. On remarquera qu’Éloi ne signale ni le crucifiement, ni la descente aux enfers, ni la séance du Fils auprès de Dieu le Père toutpuissant, ni la communion des saints. Ces additions au symbole romain primitif circulaient déjà isolément, soit en Gaule, soit dans l’Italie du Nord. Le temps est proche où elles seront insérées dans le Credo gaulois, qui deviendra le Texlus receptus du Credo romain, aux environs de l’an 700. Cf., sur cette question, Vacandard, Les origines du symbole des apôtres, dans Etudes de critique, 4e édit., Paris, 1909, p. 45-08.

La morale qu’Eloi développe dans ses homélies est

celle du Décalogue, Il réprouve le vol, le faux témoignage, le mensonge, le parjure, l’adultère, l’usure, la discorde, n. 4, 7, et recommande les œuvres de charité chrétienne, notamment l’aumône, l’hospitalité, la visite aux malades et aux prisonniers, n. 7-9.

L’aumône est pour lui le plus sacré des devoirs, et l’on comprend son insistance sur cette œuvre de miséricorde à une époque où la misère du peuple était si noire. « Si vous ne donnez point, dit-il, vous serez coupables d’aulant d’homicides qu’il y aura de pauvres qui mourront de faim dans votre entourage… Dieu, pour vous punir, vous enverra la peste et la famine, et vous perdrez ainsi tout ce que vous avez, y compris vos âmes… Sachez, ajoute-t-il, que qui donne au pauvre donne à celui qui réside dans le ciel et qui a dit : « Ce que vous ferez à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’aurez fait, » n. 9.

Au premier rang des aumônes se place la dime. Aussi bien, la dime qu’on sert à Dieu et aux églises est-elle un bien qui retourne aux pauvres. On ne fait par là que rendre à Dieu ce qui lui appartient. Dieu est le maître de tous les biens et de toutes les semences. « Ce Dieu qui daigne nous donner tout, daigne aussi nous redemander la dime de ce qui est à lui, une dime qui doit nous servir bien plus qu’à lui-même. N’allez donc pas frauder la dime, de peur que les neuf dixièmes ne vous soient enlevés et que la dime seule vous reste, n. 9. Ce serait votre châtiment. »

Éloi rappelle à ses fidèles les pratiques de la piété chrétienne. Rien n’indique qu’il leur ait recommandé la prière quotidienne. Il exige du moins qu’ils « sachent par cœur le symbole et l’oraison dominicale et qu’ils l’apprennent à leurs fils et à leurs filles, » n. 5, 6. Cela suppose que les chrétiens du viie siècle récitaient habituellement le Credo et le Pater nosler. Il ne saurait encore être question de l’Ave Maria.

Le repos hebdomadaire est de règle : il faut s’asbtenir des œuvres serviles et sanctilier « le dimanche, par respect pour la résurrection de Jésus-Christ ». Eloi voudrait que ses ouailles « fréquentassent l’église le plus souvent possible. » Naturellement il place les jours de fêles sur le même pied que les dimanches, n. 9. Par malheur il ne nous fait pas connaître son calendrier festal. « Quand reviennent les saintes solennités, » dit-il, il convient de « s’approcher de l’autel du Seigneur. » Éloi est donc partisan de la communion fréquente. Cf. Vacandard, Vie de saint Ouen, p. 152, et note 2. Mais il recommande aux personnes mariées de s’y préparer par la pratique de la continence, au moins pendant plusieurs jours avant la communion. Cela est d’un « bon chrélien », remarque-t-il, n. 5.

Quant au pécheur, s’il n’est pas digne de s’agenouiller à l’autel, comme ses frères, qu’il recoure au « remède de la pénitence », ad pxnitentim medicanienla, n. 14, medicamentum pœnilenlise, n. 16. Ce conseil rappelle le canon 8 du concile de Chalon, que nous avons cité plus haut. Il implique un devoir assez dur à remplir. La pénitence était alors, en effet, un exercice public. Si la confession demeurait secrète, le coupable accomplissait son expiation en présence des frères assemblés. Eloi le dit expressément : « Si quelqu’un, enchaîné parle péché, veut briser sa chaîne et se réveiller de son sommeil de mort, qu’il ait recours à la confession, qu’il fasse pénitence et qu’il ne rougisse pas d’expier publiquement les fautes qu’il a commises, parce qu’il vaut beaucoup mieux faire pénitence ici-bas un peu de temps, pauco tempore, que d’endurer pendant tant de milliers d’années les supplices de l’enfer, » n. 13. De ce pauco tempore indéterminé il est permis de conclure que les longues pénitences publiques dont témoignent les docteurs des premiers siècles sont maintenant abrégées.