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ELOI

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copi, ou signus Eligii, ou même tout simplement le nom du saint. Celui-ci est représenté battant l’enclume et bénissant un cierge que lui présente un client qui lui amène son cheval. A. Forgeais, Collections de plombs historiés trouvés dans la Seine, Paris, 1862, t. ii, p. 150-172.

Un homme de la valeur d’Éloi ne pouvait manquer d’avoir son biographe. La Vita Eligii que nous possé- dons porte même la signature de saint Ouen, son ami. Il est vrai que cette attribution prèle au doute, ou même est inacceptable. Ce qui parait exact, c’est que l’évêque de Rouen composa réellement une Vie d’Éloi, comme en témoignent une lettre d’envoi à Rodobert, évêque de Paris, et la réponse de Rodobert à saint Ouen. P. L., t. lxxxvii, col. 592. Ces documents, dont l’authenticité n’est guère contestée, sembleraient indi- quer que la biographie d’Éloi suivit sa mort de très près- Ci’. Vacandard, Vie de saint Ouen, p. 236 sq. M. Krusch incline à penser que le destinataire de la lettre de Dadon serait l’évêque de Tours, Rodobert, ce qui re- tarderait d’une dizaine d’années la composition de la Vita Eligii. Cf. Rerum meroving. Scriptores, t. iv, p. 650-651. Du reste, de cette biographie primitive on ne saurait dire exactement ce qui nous reste. Tout au plus pouvons-nous admettre que les principaux cha- pitres du P’ livre (sauf évidemment les xxxm-xxxv) et quelques chapitres du II e livre, choisis entre ceux qui contiennent le récit du sacre, de l’épiscopat et des funérailles, représentent assez bien la pensée de l’évêque de Rouen. Son écrit fut retouché, fondu et noyé dans un ouvrage que publia plus tard, en l’hon- neur d’Eloi, un moine de Noyon. Les meilleurs critiques sont d’accord pour reconnaître que ce nouvel hagio- graphe défigure sur plusieurs points les traits de son héros. Les erreurs et les anachronismes qu’il commet restent à sa charge et ne sauraient être imputés à saint Ouen. Cf. Vacandard, Vie de saint Ouen, p. 235 sq.,et Appendice D ; Krusch, op. cit., p. 651 sq. D’après M. Krusch, la Vita Eligii, telle qu’elle nous est par- venue, serait sûrement de l’époque carolingienne.

II. CEuvres et doctrine. — De la correspondance de saint Éloi nous ne possédons plus qu’une seule lettre, adressée à Didier (ou Géry) de Cahors. Elle ne contient aucun renseignement historique ou dogmatique. C’est un pur témoignage d’amitié que l’évêque de Noyon donne à son ancien collègue du palais ; le nom de Dadon y est rappelé. Monumenta Germanisa, Epis !,, t. m, p. 206.

On a publié sous le nom d’Eloi un recueil d’homélies. P.L., t. lxxxvii, col. 594-654. Dans un article intitulé : Les Itomélies attribuées a saint Eloi, et publié dans la Revue des questions historiques, t. lxiv (1898), p. 471- 480, nous avons essayé de démontrer qu’elles étaient apocryphes. Inutile de reproduire ici tous nos argu- ments. Dans la I™ homélie, qui fut prononcée le jour de Noël, l’orateur dit qu’il s’adresse pour la première fois à ses diocésains. Or Eloi fut sacré le jour des Ro- gations. On ne saurait admettre qu’il ait attendu plus de six mois pour prendre contact avec ses ouailles. Certaines expressions, notamment Pater Benedictus, qu’on lit dans la II e homélie, dénotent, du reste, une époque postérieure au règne de Clovis II. Bref, notre avis est que ces sermons ne sont pas antérieurs au ix* siècle. Dom Plaine a attaqué cette conclusion. Nouvelles remarques sur les homélies attribuées à saint Eloi, dans la Revue des questions historiques, t. i.xv (1899), p. 235-242. On peut voir, ibid., p. 243-255, Réponse aux Remarques de dom Plaine, les raisons pour lesquelles nous maintenons notre opinion, qui est aussi celle des meilleurs critiques. Cf. B. Krusch, Rerum meroving. Scriptores, t. iv, p. 644-645, avec les références.

De la prédication d’Éloi il ne nous reste que quel-

ques bribes que son biographe a insérées dans le récit de sa Vie, . Il, c. xvi, xvn. M. Krusch estime ce docu- ment authentique, au moins dans une certaine mesure. Entendons par là quel’hagiographe a fondu en un seul discours ce qu’il a pu recueillir des sermons d’Eloi. Lui même nous avertit que l’homélie, où se remarquent d’ailleurs plusieurs répétitions, n’a pas été prononcée tout entière le même jour. Vita Eligii, a, 17. Il faut d’ailleurs faire observer que les emprunts aux sermons de saint Césaire d’Arles y sont considérables : le plagiat est manifeste. Le D r Krusch a pris soin de signaler tous les endroits qui sont communs aux deux prédica- teurs. Cf. Rerum meroving. Scriptores, t. iv, p. 652-653, 750-764. Il a publié ce discours d’après trois manus- crits anciens, provenant l’un de Saint-Gall, n. 194, de la lin du vin" siècle ; le second, de Paris, Nouvelles acquisitions latines, n. 447 (bibliothèque Libri, n. 67), du ix e siècle ; et le troisième également de Paris, Nouvelles acquisitions latines, n. 450 (Libri, n. 69), du ix l ’-x e siècle. Ibid., p. 750.

L’homélie ou Prsedicalio est imprimée à pari en appendice. Ibid., p. 751 sq. Cependant le nouvel édi- teur en a détaché la partie qui regarde les superstitions dont les lideles du diocèse de Noyon, surtout les nou- veaux convertis, étaient victimes. Le morceau, Vita Eligii, n, 16-17, p. 705-708, vaut d’être inséré ici tout enlier ; il montrera mieux que toute autre considéra- tion quelle était la mentalité des néo-chrétiens de la Gaule franque au vn e siècle. A comparer avec Vlndicu- ius superstitionum du concile de Leptines, 742, dans llefele, Histoire des conciles, édit.. Leclercq, t. m (1910) p. 836 sq.

Je vous supplie avant tout, mes frères, de n’observer aucune des coutumes sacrilèges des païens. N’ajoutez pas foi à ceux qui usent de caractères magiques, aux devins, aux sorciers, aux en- chanteurs ; ne les interrogez pour aucune cause ou infirmité que ce soit ; ne les consultez pour rien, car quiconque commet une telle faute perd sur-le-cliauip la grâce du baptême. N’observez pas non pins les augures et les éternuements. Lorsque vous êtes en chemin, ne prêtez point attention au chant de certains oiseaux Mais lorsque vous commencerez un voyage ou une œuvre quel- conque, signez-vous au nom de Jésus-Christ, puis récitez avec foi le symbole et l’oraison dominicale ; l’ennemi ne vous causera aucun dommage.

Qu’aucun chrétien ne prête attention au jour où il quitte sa maisun, non plus qu’à celui où il doit y rentrer, parce que tous les jours, sans distinction, sont l’œuvre de Dieu. Que nul n’observe soit le jour, soit la situation de la lune, pour commencer une entreprise. Que personne, aux calendes de janvier, ne se livre à des divertissements infâmes et ridicules, tels que ceux des gé- nisses, des jeunes cerfs ou autres jeux. Qu’on ne tienne point table pendant la nuit et qu’on ne boive pas outre mesure. Qu’au- cun chrétien n’ajoute foi aux femmes qui exercent la magie par le moyen de formules ; qu’il ne siège point au milieu d’elles, car ce sont là les oeuvres du démon. Que nul, à la fête de saint Jean (d’été , ou à toute autre solennité des saints, ne s’exerce à obser- ver les solstices, ne se livre aux danses, aux caroles et aux chants diaboliques. Qu’aucun ne songe à invoquer les noms des démons, tels que Neptune, Pluton, Diane, Minerve, le Génie, ou à croire à d’autres inepties de ce genre. Qu’on ne s’abstienne point de travailler le jeudi ou jour de Jupiter, à moins que ce ne soit la fête de quelque saint ; ni pendant le mois de mai, ni en aucun autre temps, ni aux jours des chenilles ou des rats, ou tout autre jour que ce puisse être, si ce n’est le dimanche. Que nul chrétien ne prétende faire des vœux dans les temples, ou bien auprès des pierres, des fontaines, des arbres et dans les bois sacrés ; qu’il n’allume point de feux dans les carrefours. Qu’on se garde bien d’attacher des billets au cou d’un homme ou d’un animal quel- conque, quand même les clercs y prêteraient leur ministère, quoiqu’on prétende que c’est une chose sainte et qu’on y insère des « leçons » divines, car on n’y trouve point le remède du Christ, mais le venin du démon. Que personne ne se permette de pratiquer des lustrations, d’enchanter des herbes, de faire passer les troupeaux par le creux d un arbre ou à travers un trou pratiqué dans la terre. C’est se consacrer au démon que de s’adonner à ces observances. Que nulle femme ne suspende de l’ambre à son cou, qu’elle ne l’emploie ni dans la toile, ni dans la peinture, ou en aucune autre chose, en invoquant Minerve ou