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ELOI

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Il fut, avec Dation, l’un des ambassadeurs des Francs qui en 636-637 déterminèrent le roi breton.ludicaél à faire amende honorable à Dagoberl. Vita Eligii, I, 13 ; Frédégaire, iv, 78. La cour se déplaçait alors fréquemment ; si la résidence ordinaire du roi était Paris, maints autres endroits jouissaient de sa présence. Éloi l’accompagnait presque toujours. C’est ainsi qu’on signale son séjour en Austrasie et jusqu’à Strasbourg. Vita Eligii, I, 31.

Son crédit et sa fortune, Éloi les dépensa en bonnes œuvres. Il faisait l’aumône sous toutes les formes ; toutefois le rachat des captifs et la construction des monastères furent ses œuvres de prédilection. Déjà pendant son séjour à Marseille, il avait acheté à beaux deniers comptants les esclaves que des maîtres sans entrailles mettaient à l’encan. Il en venait de tous pays ; mais sa générosité ne faisait entre eux aucune distinction : Romains, Gaulois. Bretons (Grande-Bretagne), Maures et Saxons, étaient rendus également à la liberté. C’est ainsi qu’en une seule fois il libéra jusqu’à cent personnes, hommes ou femmes. Éloi leur donnait ensuite le choix ou de retourner dans leur patrie ou de se retirer dans un monastère, ou de vivre dans le monde. Parmi ceux qui s’attachèrent à sa personne, nous voyons un païen converti du nom de Buchin qui devint plus tard abbé de Ferrières. Vila Eligii, i, 10.

Une des bonnes fortunes d’Éloi fut de rencontrer au palais des hommes de même trempe que lui, dont il lit ses amis, entre autres Didier, plus tard évêque de Cahors, et Dadon (plus connu sous le nom de saint Ouen), le futur évêque de Rouen. Ils accomplissaient en commun leurs exercices de piété ; et entre ces personnages qu’animait au sein de la cour un même esprit de liberté chrétienne, c’était un continuel assaut de vertu, en même temps qu’une généreuse « contention d’amitié ». Vita Eligii, i, 7, 8.

L’idée de la vie religieuse traversait toutes ces âmes, éprises de perfection. Le spectacle que donnait Luxeuil, récemment fondé par saint Colomban, inspirait à un grand nombre le dégoût du monde. Ni Éloi, ni son ami Dadon n’échappèrent à cette influence. S’ils ne se confinèrent pas eux-mêmes dans un monastère, c’est que les circonstances et sans doute l’autorité du roi les en empêchèrent. Ils se dédommagèrent en favorisant de toutes leurs forces la vie cénobitique. Éloi fonda l’abbaye de Solignac sur les bords de la Briance, à quelques milles de Limoges, dans un domaine dont le roi Dagobert lui avait fait don. Le premier abbé fut Uemacle, cf. Vila Remacli, édit. Krusch, llerum mertwing. Scriptores, t. v, p. 88-111, qui vit en peu de temps fleurir merveilleusement son monastère. Les revenus destinés à subvenir aux besoins des religieux étaient considérables. Nous possédons encore la charte de fondation, datée du 22 novembre 632, qui consacre les possessions de l’abbaye. M. Bruno Krusch en a démontré l’authenticité, contre Malnory, dans un appendice de son édition de la Vila Eligii, p. 743 sq. Éloi place le domaine sous la protection de saint Pierre et saint Paul, saint Pancrace et saint Martin, saint Médard, saint Rémi et saint Germain, ou plutôt c’est à ces saints qu’il fait don de Solignac et de ses dépendances. Vita Columbani, édit. Krusch, ii 10 ; Vita Eligii, I, 15.

La règle de Solignac était celle de Luxeuil, avec quelques adoucissements empruntés à saint Benoit. La sévérité colombanienne y était nécessairement prépondérante. L’abbé de Luxeuil conservait sur sa filiale la haute main et la juridiction suprême ; en cas d’infraction grave à la règle, il était autorisé à sévir contre les coupables, aussi bien contre l’abbé que contre les simples religieux. Selon l’usage irlandais, le monastère était exempt de la juridiction épiscopale. Nul, sauf le

roi, n’exerçait de droit sur les personnes et sur les biens.

Si l’on en croit le biographe de saint Colomban, Vita Columbani, ii 10, Éloi établit encore d’autres monastères dans son pays. Il fonda en outre à Paris un monastère de filles, dans une maison qu’il devait, comme le territoire de Solignac, à la libéralité royale. Les vierges qu’il y recueillit étaient de toutes nations et de toutes conditions : les servantes y coudoyaient les femmes de race noble. Leur nombre s’éleva en peu de temps à près de trois cents. Une peste en détruisit, dit-on, cent soixante, y compris la supérieure ou abbesse, Aurea ou Aure. Vita Eligii, i, 32 ; ii 51. F.lles furent inhumées dans une église qu’Éloi avait fait construire sous le vocable de Saint-Paul pour servir de cimetière aux religieuses. Le toit de cet édifice était en plomb, remarque son biographe. Eloi avait pareillement fait recouvrir de plomb la basilique de SaintMartial de Paris. Vita Eligii, 1, 18.

Dagobert, qui appréciait ses talents d’orfèvre, les utilisa en lui faisant construire ou restaurer les tombeaux de saint Martin de Tours et de saint Denis de Paris, auxquels il avait une grande dévotion. Vit* Eligii, I, 32 ; Frédégaire, iv, 79. On sait que la construction de la basilique de Saint-Denis est due au fils de Clotaire II. Dagobert y fit transporter en 626 les restes du saint martyr et de ses compagnons, qui avaient reposé jusque-là au Vicus Catulliacus. Cf. J. Havet, Les origines de Saint-Denis, dans Œuvres, t. i, p. 204. Eloi construisit à cette occasion un mausolée superbe qu’il orna de métaux précieux. La grande croix qu’il cisela pour l’autel était, dit-on, un pur chefd’œuvre de joaillerie et d’orfèvrerie. Gesla Dagoberti, c. xx. dans Rerum meroving. Scriptores, t. ii p. 407. En tous ces travaux d’art ce que le public admirait, c’était la piété d’rJoi plus encore que son habileté. Éloi était mûr pour l’épiscopat. Le siège épiscopal de Noyon étant venu à vaquer par la mort d’Achaire, les fidèles et le clergé de la cité jetèrent les yeux sur le brillant palatin qui, bien que simple laïque encore, menait à la cour une vie véritablement sacerdotale. La même manifestation se reproduisit à Rouen, où l’évêque Romain venait de mourir (639) ; Dadon fut élu pour le remplacer. Cf. Vacandard, Vie de saint Ouen, Appendice A, p. 349. De telles élections étaient sûrement, par certains côtés, contraires à la lettre des canons ; mais on ne peut dire qu’elles aient été contraires à l’esprit de l’Église. Les conciles exigeaient que les évéques fussent choisis dans leur pays d’origine : non alius subrogetur nisi loci illius indigena. Cf. concile de Clichy, 626-627, can. 28, dans Maassen, Concilia meroving., p. 200. Et le motif de cette décision est facile à saisir. On craignait que le choix des électeurs, tombant sur un personnage étranger au diocèse, ne fût pas suffisamment éclairé. Mais dans l’espèce, pour employer un terme de jurisprudence, ce péril était écarté. Sans être « des indigènes », comme le voulaient les canons, hloi et Dadon n’étaient pas des étrangers pour les cités de Noyon et de Rouen. Us avaient suivi habituellement Clotaire II et Dagobert I" dans leurs résidences ; ils avaient par conséquent séjourné à Compiègne, à Etrepagny, à Clichy, à Arlaune, et dans plusieurs autres villas royales, voisines des cités qu’ils allaient évangéliser, encloses même dans leurs diocèses. Il n’y a donc pas, à proprement parler, une infraction aux règles ecclésiastiques dans le choix quelesNoyonnais firent d’Éloi, et les Rouennais de Dadon.

Les canons exigeaient encore que l’élection fût ratifiée par le pouvoir civil, Edictum Chlotarii, dans Monum. Germanise, Leges, t. i, p. 14, et que l’élu, s’il était laïque, fit un stage d’une année dans les ordres inférieurs, avant de recevoir le sacre. Concile d’Orléans, 549, can. 9, dans Maassen, p. 103 ; cf. pour