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avant et pendant la consécration du pain, ou de l'élé- vation proprement dite.

2. Attitude des ijeux et de la tête. — Ce n'est qu'à la fin du xiii" siècle qu'on indique ou qu'on prescrit aux assistants de regarder la sainte hostie à l'élévation, comme un acte de piété méritoire. L'élévation de l'hostie consacrée avait été ordonnée par Eudes de Sully, ut possit videri. Cependant cette ostension n'entraînait pas nécessairement l'obligation corrélative, pour les fidèles, de regarder la sainte hostie, et, après son institution, les assistants continuèrent à s'incliner ou à s'agenouiller, sans qu'il soit question, dans les textes, du regard fixé sur l'hostie. Toutefois, l'ostension du corps du Christ avait pour objet direct de le faire regarder, et on arriva à recommander cet acte comme ayant une valeur méritoire spéciale. En 1287, l'évêque d'Exeter, Quivil, ordonnait d'élever l'hostie assez haut pour qu'elle put être vue de tous les assistants, parce que par là leur dévotion et le mérite de leur foi en seraient accrus; il ordonnait aussi aux fidèles de s'agenouiller, et il voulait qu'on les y invitât par le son d'une clochette. Le synode de Cologne, tenu en 1281, ordonne de sonner trois fois la cloche, ut fidèles qui audierint, ubicnmque fuerint, veniant et adorent, a. 7. Hartzheim, Concilia Germanise, t. ni, p. 662. La cloche appelait donc les fidèles à l'église pour le seul moment de l'élévation de l'hostie. La pratique s'établit alors de regarder l'hostie, et les fidèles mirent beau- coup d'empressement à voir le corps du Seigneur. On croyait que ceux qui avaient vu de leurs yeux le Seigneur ne pouvaient, ce jour-là, être frappés de mort subite, atteints de contagion ou être victimes d'un accident corporel. Leur maison et leurs granges étaient à l'abri de l'incendie, et leurs bestiaux garantis contre toute épidémie ; les femmes, prêtes à accoucher, devaient être délivrées heureusement et sans danger. Cette pra- tique dégénéra bientôt et donna lieu à des extrava- gances et même à de graves abus. Beaucoup de fidèles mettaient toute leur dévotion à voir la sainte hostie et cherchaient à assister à autant d'élévations que pos- sible. Ils couraient dans l'église d'un autel à l'autre, ou montaient sur les bancs, regardaient dans la direc- tion de tous les autels, écartaient violemment leurs voisins ou s'efforçaient de se hisser sur leurs épaules. •I. Bechotlen, Quadruplex missalis expositio, 1513, sig. D, 5 recto; Langenburg, Forsc/iungen zur Ge- scliichte der deulschen Mystik,j).88-&9. Becon rapporte qu'au xvi« siècle, lorsque le prêtre n'élevait pas assez haut l'hostie consacrée, les habitants de la campagne, en diverses régions de l'Angleterre, lui criaient : « Plus haut, sire Jean, plus haut, élevez-la un peu plus haut. » Displaijing of the popish Mass, publié par la Parker- Society, t. m, p. 270. Dans certaines églises d'Espagne et d'Angleterre, on tendait derrière l'autel un rideau noir pour mieux faire ressortir la blanche hostie. VV. Legg, ïracts on the Masse, publiés par la Henry Bradshaw Society, p. 235. Chez les carmes, on recommandait au thuriféraire de ne pas intercepter la vue de l'autel par la fumée de l'encensoir. B. Zimmermann, Le cérémo- nial de Sibert de Beka, dans les Chroniques du Carmel, t. îv. A Eton et à Saint-Paul de Londres, oh interrompait l'école pour que les écoliers pussent accourir à l'église juste au moment de l'élévation et revenir aussitôt à leurs études. La préoccupation de voir l'hostie prédo- minait tellement chez beaucoup de fidèles grossiers et ignorants que le reste de la messe ne comptait pas. Les moins dévots n'entraient même à l'église que pour l'élévation, au signal de la clochette. Au témoignage de Henri Hangestein de Hesse, Sécréta sacerdotum, cer- tains prêtres allemands favorisaient, au XIV siècle, cette dévotion exagérée des fidèles par des pratiques singulières. Plusieurs, après avoir élevé l'hostie, la présentaient à droite et à gauche, se dressant sur la

pointe des pieds, au risque de tomber, pour qu'elle fût aperçue de plus loin. D'autres la faisaient mouvoir sur elle-même de crainte que sa forme aplatie ne permette pas à ceux qui se trouvent sur les côtés de bien la voir. Quelques-uns étendaient les trois derniers doigts de chaque main, pour que l'hostie ne pût être vue par ceux qui se tenaient derrière l'autel. Henri de Hesse demandait avec raison la suppression de pareils abus, qui étaient plutôt contraires que favorables au respect dû au saint-sacrement. Un missel dominicain du xiii' siècle (British Muséum, addit. 23985) interdisait déjà de présenter l'hostie de chaque côté comme en cercle pendant l'élévation et de la maintenir longtemps élevée. Il fallait, en la maintenant des deux mains, l'élever assez haut pour qu'elle fût vue par ceux qui étaient derrière le célébrant, puis la reposer aussitôt des deux mains.

A Rome, au xm° siècle, d'après le XIII e Or do roma- nus (1271-1276), les assistants devaient, aux fériés du Carême, se tenir à genoux, depuis la préface jusqu'à l'élévation. Mais s'étant levés un instant avant l'éléva- tion de l'hostie, ils se prosternaient sur le sol pour adorer respectueusement la face contre terre et de- meuraient ainsi prosternés jusqu'à VAgnus Dei, n. 19, P. L., t. lxxviii, col. 1116. Le XIV e Ordo, qui est du commencement du xiv e siècle, dit que le pape présente le corps sacré du Seigneur, après l'avoir adoré le pre- mier, en inclinant la tête, à l'adoration de l'assistance, n. 53. lbid., col. 1166. Dans les rubriques pour la messe dite devant un cardinal, il est réglé que celui-ci doit, aux fériés, se tenir à genoux depuis le Sanctus jusqu'à VAgnus Dei, se découvrir et lever les yeux à l'élévation du corps du Seigneur, en tenant ainsi les yeux levés jusque après la consécration du calice et adorant avec respect le corps et le sang du Seigneur, n. 61. lbid., col. 1176. Cette rubrique prescrit donc au cardinal de regarder l'hostie et le calice à l'élévation; mais c'est l'unique texte officiel qui en fasse une obli- gation.

Durant la première moitié du xvi e siècle, plusieurs évêques d'Allemagne ordonnent aux fidèles de se pros- terner pendant l'élévation. Le synode de Cologne, tenu en 1536, ne parle que de la seule élévation de l'hostie et dit que les assistants doivent être corpore humi fuso, part. VII, c. xvi. Hartzheim, Concilia Germa>iise, t. vi, p. 282. Les Statuts synodaux d'Augsbourg, en 1548, permettent de chanter des antiennes relatives au saint- sacrement, quanquam melius et veteri Ecclesiœ conve- nientius essel prsesenliam dominici corporis inallis- simo silentio proslralos contemplari, a. 18. lbid., t. VI, p. 369. Le chant des antiennes pour la paix, pour la sainte Vierge et pour le patron du lieu pendant l'éléva- tion est interdit, par ordre de Charles-Quint, à Cambrai, en 1548, ibid., t. vi, p. 756; au premier synode de Har- lem en 1564, ibid., t. vu, p. 8; au synode de Constance, en 1567. Ibid., t. vil, p. 489. Le silence le plus profond, que peu de personnes observent, est imposé par le synode de Brixen, en 1603, à l'élévation de l'hostie, et on ajoute : Sed elevato calice, si musicœ cantandum fuerit, id dévote et subn}issa voce fiât. Ibid., t. VIII, p. 548. Le synode d'Osnabruck, en 1629, interdit le chant des antiennes et impose le silence jusque après l'éléva- tion du calice, lbid., t. vin, p. 452. Les synodes de Cologne (1651) et de Paderborn (1688) ordonnent aussi le silence et règlent ainsi l'attitude des fidèles : ils doivent être agenouillés, facie et animo ad sacramen- tum conversi, adorent et venerenlur. lbid., t. VIII, p. 751; t. x, p. 156. Ces textes n'excluent pas expressé- ment le regard porté sur l'hostie, mais ils ne l'imposent pas non plus, et quelques-uns le supposent, même durant la prostration sur la terre ou le pavé. Aujour- d'hui encore, à la messe conventuelle, les chartreux agenouillés et tournés vers l'autel doivent regarder