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relativement récente. D’autre part, ce rite s’est constitue lentement et par degrés et a mis des années à se pro- pager. Il n’a pas son équivalent dans les liturgies orientales, car la présentation de l’hostie consacrée au peuple par ces mois : « Les choses saintes aux saints, » dans ces liturgies et spécialement dans celle de Cons- tantinople, correspond à YEcce Agnus Dei de notre messe avant la communion plutôt qu’à l’élévation pro- prement dite. En Occident, l’élévation de l’hostie et du calice aux mots Omnishonor etgloria, immédiatement avant le Pater, est pratiquée au moins depuis le ix* siècle. Il n’en résulte pas qu’à cette époque on pen- sait que la consécration s’opérait seulement alors. Par ce rite, la prière du canon, qui s’étendait delà préface au Pater, étant terminée, les fidèles étaient invités à adorer le corps et le sang de Jésus, réellement présents sur l’autel. Quoi qu’il en soit, la messe latine n’a connu, du IX e au XII e siècle, que cette élévation de l’hostie et du calice, qu’on appelle parfois la petite élévation.

Quant au rite de la grande élévation, ou de l’éléva- tion proprement dite, il s’est constitué progressivement. Il importe d’indiquer ses différents slades, parce que quelques-uns doivent leur institution à des motifs théologiques.

1° Elévation de l’hostie après la consécration. — 1. Son origine. — Ce rite a été précédé d’un autre rite, que le prêtre, par imitation des actes de Notre-Seigneur à la dernière cène, accomplissait en prenant dans ses mains le pain qu’il allait consacrer, lorsqu’il disait : Accepil panem in sanclas ac venerabilcs manus suas. Pour la tenir entre ses mains, il élevait nécessairement l’hostie un peu au-dessus de l’autel. Or. au XII e siècle, le prêtre élevait l’hostie à la hauteur de sa poitrine et l’y maintenait de la main gauche, tandis que sa droite, au mot : benedixil, traçait sur elle le signe de la croix. Voir les vers de l’évêquedu Mans, Hihlebert (vers 1115), P. L., t. clxxi, col. 1186, et les textes d’Honorius d’Autun, Spéculum Ecclesix, P. L., t. ci.xxvn, col. 37(», de Robert Paululus, De of/iciis ecclesiasticis, 1. Il, c. xxxvm, ibid., col. 435, et de l’auteur du Micrologus de ecclesiasticis obsi’rvalionibus, c. XV, P. L., t. eu, col. 987. Cf. dom de Vert, Explication simple, littérale et historique des cérémonies de l’Eglise, Paris, 1713, t. iv, p. 186-194 ; Giorgi, De liturgia romani pontifias, Home, 1744, t. m, p. 68 sq. Voir aussi la Magna vita S. Hugonis, p. ’236, et le plus ancien recueil des coutumes cisterciennes, qui remonte à 1150 au plus tard, dans Guignard, Monuments primi- tifs de la règle cistercienne, p. 145. Ce rite s’appe- lait l’élévation de l’hostie. Il était observé encore en plusieurs églises au commencement du XIII e siècle, comme il conste d’un décret du synode de Durham (1217 au plus tôt) sur l’attitude respectueuse que les laïques devaient prendre, en se mettant à genoux, au moment où, après l’élévation de l’eucharistie, l’hostie sainte est replacée sur l’autel, W’ilkins, Concilia Eccle- six anglicanse, Londres, 1787, t. I, p. 579, et d’une décrétale d’Honorius III (1219), enjoignant aux prêtres d’apprendre à leurs ouailles à s’incliner respectueuse- ment, lorsque, à la messe, l’hostie salutaire est élevée. Cette décrétale est au Corpus juris dans les Décrétales de Grégoire IX, 1. III, tit. xli, De celebratione missa- rum,c. x. Il ne s’agit probablement pas de l’élévation proprement dite, mais de l’élévation qui précédait la consécration.

Ce rite fut remplacé par l’élévation proprement dite de l’hostie. La substitution est clairement marquée par un concile écossais, tenu vers 1227. « Les prêtres, décide ce concile, ne doivent pas élîver l’hostie avant que les paroles : Hoc est corpus meum n’aient été prononcées. » Wilkins, op. cit., t. i, p. 615. Le nouveau rite a été institué par Eudes de Sully, évêque de Paris <1196-1208). Dans des Statuts synodaux dont la date

précise n’est pas connue, Eudes ordonne aux prêtres de son diocèse de ne pas élever l’hostie, au début du canon de la messe, trop haut pour qu’elle ne puisse être vue par tous. Le célébrant doit tenir l’hostie devant sa poitrine, tandis quMl dit : Hoc est corpus meum, puis l’élever seulement après, ut possil ah omnibus videri, n. 28. Mansi, Concil., t. xxn, col. 682. Ces derniers mots indiquent la raison d’être de l’élé- vation de l’hostie : le prêtre la montrait aux assistants. C’est le premier décret connu, dans lequel il soit ques- tion de l’élévation de l’hostie, et il s’agit d’une prescrip- tion nouvelle, abolissant l’usage précédent d’élever l’hostie assez haut pendant la consécration elle-même. 2. Motifs qui ont amené l’ostension île l’hostie con- sacrée. — L’élévation de l’hostie n’a pas été instituée, comme on le dit souvent, pour protester contre l’erreur de Bérenger de Tours sur la transsubstantiation. Voir déjà t. n, col. 740. Cet hérétique vivait un siècle plus tôt que l’apparition du rite, et il ne niait pas la pré- sence réelle, comme on l’a prétendu longtemps. L’ins- titution de l’élévation de l’hostie consacrée est due à une autre cause. Elle a été faite à Paris, à propos d’une opinion théologique, soutenue précédemment dans cette ville par le chancelier de l’université, Pierre Comestor ou le Mangeur (f 1178), et par le professeur de la même université, Pierre Cantor ou le Chantre (f 1197). Ces deux théologiens avaient enseigné, à rencontre de la plupart, que la transsubstantiation du pain au corps de Notre-Seigneur ne s’opérait pas, comme on l’admet universellement aujourd’hui, aussi- tôt que les paroles de la consécration avaient été pro- noncées par le prêtre sur l’hostie, mais seulement après la consécration du calice. Ce sentiment ne se trouve pas énoncé dans ce qui nous est parvenu de leurs œuvres, mais il est attesté par deux écrivains, Giraldus Cambrensis, qui fut l’élève de Comestor, Gemma ecclesiaslica, dans Works, t. n, p. 124, et Césaire d’Heisterbach, Dialogus, dist. IX, c. xxvn ; Libri miraculorum, dans Meister, Die Fragmotte der Libri VIII miraculorum des Cœsârius von Heister- bach, Rome, 1901, p. 16-17. Les théologiens du temps relatent ce sentiment ou en tiennent compte. Pierre de Poitiers, chancelier de Paris (-[• 1207), Sententix, 1. V, c. xi, P. L., t. ccxi, col. 1245, n’insiste pas sur le mo- ment précis de la consécration de l’hostie, parce qu’il n’est pas révélé ; il relate les deux opinions, qui avaient cours, et il penche personnellement du côté de la seconde, qui admet la consécration du pain au corps de Notre-Seigneur immédiatement après les paroles : Hoc est corpus meum. Le pape Innocent III (f 1216) résout le cas de conscience du prêtre qui, après la consécration du pain, ne peut continuer la messe et consacrer le calice. Puisqu’il y a parmi les théologiens deux opinions sur le moment où s’opère la consécra- tion du pain, il faut prendre le parti le plus sur, et le prêtre qui poursuit le sacrifice interrompu doit répéter la consécration du pain, avant de consacrer le calice. Cette pratique plus sûre est celle du plus grand nombre. De sacro altaris mysterio, 1. IV, c. xvn, xxn, P. L., t. ccxvn, col. 863, 872. De même faudrait-il recom- mencer la consécration du pain, si on constatait que, quand elle a été laite, le calice était vide ; ce serait, au moins, le parti le plus sur, à cause de la divergence d’opinion des théologiens sur la consécration du pain et du vin séparés. Ibid., c. xxiv, col. 873. Saint Ber- nard, dans ce dernier cas, était d’un avis opposé : à Gui, abbé des Trois-Eontaines, qui s’était contenté de mettre du vin dans le calice sur la particule de l’hostie consacrée, il écrivait que le vin était ainsi devenu saint conlaclu corporis Christi ,non ex consecratione propria atque solemni. Pour lui, il ne renouvellerait pas la consécration du pain, s’il constatait après coup que le calice était vide, mais il y ferait mettre du vin, même