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ÉLECTION DES PAPES


durèrent souvent de manière de voir. Ces opinions diverses sont éminemment respectables. Elles sont soutenues avec d’autant plus de force qu’elles s’appuient sur de bonnes raisons. Ceux qui les adoptent, inclinent d’autant moins à changer d’avis qu’ils ont davantage, avant de se prononcer, pesé le pour et le contre. Cette nécessité de l’accord des deux tiers des votants pourrait donc être, plus d’une fois, la cause d’une vacance prolongée du Saint-Siège. N’importe : les raisons de cette loi des deux tiers sont si impérieuses, qu’on devra s’y conformer toujours, même dans les circonstances les plus critiques. Jamais, en effet, dans la suite, les papes qui ont légiféré sur l’élection papale, n’ont voulu s’écarter de cette prescription. Pie VI la maintint, six siècles plus tard, en prenant le chemin de l’exil. Cf. bulle Quum nos, datée de Florence, le 13 novembre 1798. Il en fut de même de Pie IX, après les graves événements de 1870 et l’usurpation de Rome, quoique le gouvernement italien caressât le projet d’intervenir dans l’élection du futur pontife. Cf. Bulles secrètes de Pie IX, In liac snblinii, du 23 août 1871 ; Licet per apostolicas, du 8 septembre 1874 ; Consulturi, du 10 octobre 1877, publiées par Lucius Leclor, La législation moderne du conclave, in-8°, Paris, 1896, Appendice.

En formulant la loi des deux tiers, Alexandre III décréta que celui qui, n’ayant pas eu ce nombre de voix, se prétendrait pape, serait excommunié, lui et ses partisans. Quant à l’agrément impérial, il n’y était pas fait la moindre allusion. De même, la bulle ne parlait en aucune façon du rôle, même déjà si ell’acé, du reste du clergé et du peuple. L’ancienne discipline, dont quelques vestiges étaient demeurés dans la bulle de Nicolas II, était, cette fois-ci, totalement supprimée. D’autre part, comme aucune prééminence n’était indiquée pour les cardinaux-évêques, tous les cardinaux, à quelque ordre qu’ils appartinssent, jouissaient des mêmes droits par rapport à l’élection pontificale. C’était constituer le Sacré-Collège tout entier en corps électoral. Les cardinaux pouvant être originaires des diverses nations catholiques, le Sacré-Collège devenait comme une représentation centrale de l’Église universelle, sorte de Sénat suprême, chargé d’assurer la transmission canonique d’un pouvoir dont le caractère, comme celui de la papauté, est d’être international et universel. C’est de ce jour donc que date l’organisation essentielle du Sacré-Collège, quoique l’institution des cardinaux soit de beaucoup plus ancienne. Voir Cab.niNALX, t. ii col. 1717 sq. Jusque-là leurs attributions avaient varié ; mais la prérogative qu’ils reçurent alors d’être seuls les électeurs du souverain pontife, les plaça, dès lors, bien au-dessus de tous les autres prélats : évêques, archevêques, primats ou patriarches. Ce droit exclusif, qui les grandissait aux yeux de l’r.glise entière, devait soustraire, de plus en plus, l’élection pontificale aux inlluences du dehors, qu’elles vinssent des factions populaires ou de la tyrannie des empereurs. C’était bien là le but que s’était proposé Alexandre III.

Il y réussit parfaitement, car, depuis cette époque, jusqu’en 1328, il n’y eut plus d’antipapes impériaux. Les derniers furent les quatre que Frédéric Barberousse avait opposés à Alexandre III lui-même. Cette recrudescence du césarisme allemand personnifié dans l’orgueilleux Holienstaufen, fut une des causes qui déterminèrent Alexandre III à publier son importante bulle électorale. Outre le désir de mettre le corps électoral à l’abri des inlluences étrangères, il avait eu aussi celui d’assurer la rapidité des élections. En ce point encore, le but fut parfaitement atteint. Non seulement, pendant deux siècles, aucune élection pontificale ne fut attaquée, mais toutes, sauf de rares exceptions, s’accomplirent avec une surprenante rapidité. La

vacance du Saint-Siège ne se prolongea pas au delà de quelques jours. Souvent le successeur fut élu, le jour même, ou le lendemain des funérailles du pape défunt, et ces élections, faites avec tant de promptitude et d’indépendance, élevèrent sur la chaire de saint Pierre une série de grands et saints pontifes. On peut affirmer que, sans les incidents regrettables qui, au xiv c siècle, donnèrent lieu au grand schisme d’Occident, la bulle d’Alexandre III n’aurait pas cessé, depuis le XIIe siècle, jusqu’à nos jours, de procurer à l’Église une suite ininterrompue de papes, dont l’autorité était, grâce à ces sages prescriptions, tellement bien établie que nul ne pût, avec une apparence de raison, la révoquer en doute.

La seule longue vacance qui affligea l’Église dans la première moitié du XIIIe siècle, fut celle qui suivit la mort de Célestin IV (12H). Ce pape n’avait occupé le trône pontifical qu’une quinzaine de jours, après la mort du B. Grégoire IX. Cette longue vacance, qui dura plus de dix-huit mois, fut due aux persécutions de l’empereur Frédéric II, en qui s’était incarnée toute la perfidie des Holienstaufen. Comme Henri IV et Frédéric Barberousse, il aurait voulu être, à la fois, pape et empereur. Hypocrite et cupide, il dépouillait l’Eglise, pour la ramener, disait-il, à sa simplicité primitive. Avide de domination universelle, il aurait voulu un pape qui se déclarât son vassal, et ne fût, dans ses mains, qu’un instrument docile pour la réalisation de ses rêves d’ambition sans limites. Mais il ne pouvait plus, comme ses prédécesseurs, créer de toutes pièces un antipape. La législation d’Alexandre III rendait désormais impossible d’aussi monstrueux attentats. Frédéric II essaya donc d’un autre moyen. Soit par ruse, soit par violence, il tenta de gagner à sa cause les électeurs eux-mêmes, afin de les amener à élire celui que lui-même aurait choisi. Quand Célestin IV mourut, il retint une partie des cardinaux en prison, et reprocha aux autres leur lenteur à élire un pontife. Ceux-ci réclamèrent en vain la mise en liberté de leurs collègues, protestant qu’ils ne pouvaient, sans eux, procédera l’élection. L’empereur dispersa, alors, ceux qu’il croyait hostiles à sa cause, et ne laissa libres de se réunir, que ceux qu’il croyait avoir attirés à son-parti. Il n’en resta bientôt plus que cinq ou six présents à Rome. L’élection devenait impossible, et Frédéric II prolongea de la sorte, pendant près de dix-neuf mois, le veuvage de l’Église. Pour se venger des cardinaux, il vint mettre le siège devant la Ville éternelle ; mais, n’ayant pu l’emporter, et craignant de trop irriter les princes chrétiens qui, de tous côtés, lui manifestaient leur mécontentement, il cessa enfin toute opposition. Aussitôt, les cardinaux s’étant réunis élurent le cardinal Sinibald Fieschi, d’une des plus illustres familles de Gênes, et qui prit le nom d’Innocent IV ( 1243-1254). Cf. Nicolas de Curbio, Vita Innocenta IV, dansBaluze, Misccllanea, 7 in-8°, Paris, 1678-1715, t. iiv p. 353 ; Frédéric II, Epist. ad duceni Brabant., dans Martène, Veteruni scriptorum et monumentorum… amplissima collectio, 9 in-fol., Paris. 1724-1733, t. ii col. 1134.

XI. Institution du conclave. — Voir Conclave, t. iii, col. 707-727. Voir aussi la constitution Vacante sede apostolica de Pie X du 25 décembre 1904, tit. ii sur l’élection du souverain pontife en ces temps difficiles, et la constitution Commissum nobis du même pape, du 20 janvier 1904, interdisant le veto, publiées seulement en 1909. Canonisle contemporain, 1909, t. xxxii p. 272-297.

Outre les nombreux auteurs cités dans cet article, on peu consulter avec fruit les suivants : Platina, De vitis summorum pontifleum omnium ad Sixtum IV, in-fol., Venise, 14"9, 1485 ; Nuremberg, 1481, 1532 ; Cologne, 1512, 1529, 1540 ; Panvini, Epitome vitarum romanor. pontifleum a sancto Petio usque ad Paulam IV, electionisque si ngutorum, in-fol.,