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ÉLECTION DES PAPES

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i.i^nce en arriva bientôt aux diatribes et aux menaces. Puis, comme les paroles ne suffisaient pas, les actes suivirent. Une diète composée de princes séculiers et de quelques évêques courtisans, par le plus monstrueux attentat, eut l’audace de prononcer, au nom d’un roi âgé de huit ans à peine, une sentence de déposition contre Nicolas II. Ordre fut donné à tout le clergé du royaume de taire son nom au canon de la messe. Nicolas II n’en resta pas moins le véritable pape, reconnu comme tel par l’Eglise universelle. Une diète, moins encore qu’un concile, ne pouvait ni juger, ni déposer le vicaire de Jésus-Christ. Cf. S. Anselme de Lucques, Contra Wiberlum anlipapam, I. II, P. L., t. < : xix, col. 464.

Mais cette tentative schismatique du conseil de régence fut cause que l’élection d’Alexandre II (1061-1073) ne lui fut pas officiellement notifiée. Cf. Muratori, Reruni italicarum scrijitores ab anno 500 ad annum 1500, t. iv, p. 431. Les seigneurs allemands s’en plaignirent amèrement. Saint Pierre Damien, au nom du nouveau pape, leur répondit et leur démontra péremptoirement que, par une telle atteinte à la liberté de l’Église, ils s’étaient rendus indignes de cette attention. Discept. synodal, inter régis advocalum et Romaine Ecclesiæ defensorem, P. L., t. cxlv, col. 72, 75, 80.

Le jour même des funérailles d’Alexandre 11(22 avril 1073), Hildebrand, malgré sa vive résistance, était élu pape par acclamation, et prenait le nom de Grégoire VII (1073-1085). Pour ne pas punir Henri IV des crimes qu’il n’avait pas commis personnellement, mais qui étaient l’œuvre des membres du conseil de régence, le nouveau pontife ne voulut pas le déclarer déchu du privilège accordé par Nicolas II. Il lui notifia donc son élection, à laquelle le jeune roi s’empressa d’adhérer. .Mais les successeurs de saint Grégoire VII se dispensèrent, dans la suite, de cette formalité, car Henri IV, devenu homme, perdit ce privilège, par ses crimes, ses débordements, et les nombreux antipapes qu’il suscita les uns après les autres. Il prétendait au droit exclusif d’investiture des abbayes, des évèchés et de la papauté elle-même. Heureusement, la réforme profonde établie par le génie et la fermeté d’Hildebrand dans le mode des élections pontificales, empêcha le persécuteur de faire asseoir sur la chaire de saint Pierre des intrus qui eussent été pires que Jean XII et Benoit IX. Il eut ses antipapes qu’il soutint par les armes dans des luttes mémorables ; mais, par toute la chrétienté, ils furent considérés comme des antéchrists. L’Eglise universelle se rangea, au contraire, dans un sentiment unanime d’obéissance et de vénération, autour des légitimes successeurs de saint Grégoire VII, qui, violemment persécutés comme lui, furent les héritiers de sa gloire et de ses vertus. Dans ces temps troublés, on it toute une série de saints et glorieux pontifes monter tour à tour sur le trône apostolique : le li. Victor III, abbé du Mont-Cassin (1086-1087) ; le I ! . Urbain II, l’inspirateur de la première croisade (1088-1099) ; le B. Pascal II, persécuté par Henri V, comme saint Grégoire VII l’avait été par Henri IV (1099-1118) ; Célase II, qui, pendant son court pontificat, résista vaillamment aux empiétements de la puissance séculière (1118-1119), et Calixle II (1119-1124), qui, parle concordat conclu avec Henri V, à Worms (1122), termina la longue lutte entre le sacerdoce et l’empire. C’était le triomphe des idées d’Hildebrand, mort depuis près d’un demi-siècle. Les Césars reconnaissaient le droit imprescriptible de l’Eglise : celui de procéder librement au choix de ses ministres de tout ordre et de leur conférer elle-même l’investiture spirituelle par la crosse et l’anneau. Cf. Labbe, Sacrosancta concilia, t. x, col. 889.

Depuis lors, l’empereur ne s’attribua plus le principal rèle dans les élections pontificales. Les schismes,

produits par la création d’antipapes royaux ou impériaux, devinrent de plus en plus rares. Le programme que le génie d’Hildebrand avait conçu, et dont son invincible fermeté avait poursuivi la réalisation avec tant d’énergique persévérance, était désormais un fait accompli. Les idées du grand réformateur entraient de plus en plus dans les mœurs, comme elles étaient entrées dans la législation. On n’aurait plus, dans la suite, qu’à en préciser certains détails, à mesure que les circonstances l’exigeraient. Cf. Labbe, t. x, col. 1031 ; Fr. Pagi, Breviarium historico-chronologico-criliciim, ponli/iciim gesla, conciliorum gêner, acla… compleclens, 6 in-4°, Anvers. 1717-1753, t. i, p. 669 ; Mabillon, Mnsœiim ilalic, t. ii, p. 115. X. L’œuvre d’Alexandre III. Le Sacré-Collège

CONSTITUÉ EN CORPS ÉLECTORAL. LA MAJORITÉ DES DEUX

tiers (1180-1268). — Selon les prescriptions de Nicolas II, seuls les cardinaux-évêques devaient prendre part aux élections pontificales, d’une manière active. Cependant, peu à peu, les cardinaux-prêtres et les cardinaux-diacres crurent pouvoir donner, eux aussi, leurs suffrages. Aucun décret pontifical n’était venu encore légitimer cet usage, quand, à la mort d’Honorius II (1130), successeur de Callixte II, se produisit, au sein de l’assemblée électorale, une scission de laquelle naquit un schisme. La ma|orité des cardinaux-évêques élut Grégoire de Saint-Ange, qui prit le nom d’Innocent II, tandis que quelques cardinaux-prêtres et cardinaux-diacres donnèrent leurs suffrages à Pierre de Léon qui, pendant huit ans, prétendit être pape, et se fit appeler Anaclet IL Cependant la bulle de Nicolas II était formelle. Les cardinaux-prêtres et diacres n’avaient pas voix délibérative, mais seulement consultative. Pierre de Léou ne fut donc qu’un antipape. Cf. Arnulf de Luxeuil, De schismate, c. iv, P. L., t. ccr, col. 185 sq. ; Mansi, Concil., t. xxi, col. 435.

Trente ans plus tard, une difficulté analogue se reproduisit à l’occasion de l’élection d’Alexandre III (1159-1181). Il y avait donc là un danger réel, et il était urgent d’y remédier, en complétant la législation de Nicolas II et de saint Grégoire VII. Ce fut l’objet de la constitution Licet de vitanda, promulguée dans le IIIe concile de Latran, XIe œcuménique (1179), par Alexandre III, deux ans avant sa mort. Cf. Labbe, Conc, t. x, p. 1530 ; Mansi, Concil., t. xxii, col. 217 ; Bail, Summa conciliorum, t. i, p. 405 ; Cxremoniale continens ritus electionis romani pontificis, Gregorii papae XV jussu editum, t. i, p. 5. Cette constitution fut insérée dans le Corpus juris canonici, 1. I, Décrétai., tit. i, De electione, c. 6, Licet, t. ii p. 38.

Alexandre III y statua que les cardinaux des trois ordres auraient désormais droit de suffrage dans les élections papales, mais que, pour la validité de l’élection, il faudrait que les deux tiers des voix se réunissent sur le même nom. On ne devrait donc plus s’en tenir à la majorité relative ou absolue, mais à la presque unanimité des deux tiers. Cette prescription « Hait fort sage. Il est à souhaiter que le pape, appelé par ses fonctions à être non seulement le chef de l’Église, mais aussi le père commun des fidèles, ne soit pas l’élu d’un parti, mais de la presque unanimité. Cette loi est, en outre, la confirmation de l’ancien adage : Facilius ci qui obedientiam exhibet ordinato, cui assensum jirsebueiil ordinando. Il est vrai que cette indispensable majorité des deux tiers ne serait pas toujours facile à constituer au sein d’une assemblée nombreuse, dont les membres arriveraient de toutes les contrées de l’univers. Entre eux pourraient exister, . sans doute, des divergences profondes sur les grandes questions de politique générale et sur les intérêts de l’Eglise, ou sur ceux des Etats, si intimement liés à ceux de la religion. Sur des problèmes aussi complexes, les esprits les plus éclairés et les mieux intentionnés-