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ÉLECTION DES PAPES

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assassiner les pèlerins jusque dans les basiliques, on peut lire les chroniqueurs, Guillaume de Malmesbury, Gesta reg. Anylor., 1. II, c. CCI, P. L., I. CLXXix, col. 1183-1188, et Ollion de Frisingen, Chronicon, 1. VII, c. xxxii, dans Watterich, t. i, p. 712. A Rome, les habitants des divers quartiers se livraient des batailles sanglantes, car, malgré la puissance de son père, l’autorité de Benoit IX n’était pas reconnue par tous. On lui opposa jusqu’à quatre concurrents, parmi lesquels Sylvestre III (1045). Benoit IX fut même chassé de Rome, mais il revint bientôt à la tête d’une troupe de pillards, et, de nouveau, s’empara du trône pontilical. Pendant quelque temps, il y eut trois antipapes à Rome, se partageant entre eux les basiliques patriarcales et leurs revenus ; mais ils ne valaient pas plus les uns que les autres, menant également une vie aussi infâme que criminelle. Benoit IX siégeait à SaintJean-de-Latran ; un autre à Saint-Pierre, et le troisième à Sainte-Marie-Majeure. Puis, tous les trois furent renversés par le peuple romain, et un quatrième élu à leur place. Ce fut Grégoire VI, qui, intronisé le 5 mai 1045, parait avoir été un sage pontife ; mais, un peu par force, et un peu par humilité, il abdiqua l’année suivante, au concile de Sutri, réuni par l’ordre du roi de Germanie, Henri III, lils et successeur de Conrad. Grégoire VI se retira dans le monastère de Cluny, en France, emmenant avec lui son secrétaire, le jeune Ilildebrand, âgé alors de vingt-cinq ans, et que Dieu avait choisi pour relever son Église et porter le remède à tant de maux. Le futur Grégoire VII allait se former, à son insu, auprès de saint Odilon, abbé du fameux monastère, à la grande mission que la Providence lui réservait. Pendant ce temps-là, le désordre ne diminuait guère à Rome. Benoit IX avait abdiqué, lui aussi ; mais c’était pour épouser sa cousine, dont il s’était épris, fille du comte Gérard de Saxe, et que celui-ci, par un reste de pudeur, ne voulait lui donner qu’à cette condition. Le mariage n’ayant pu se faire, Benoit reprit le pontificat qu’il continua à profaner par ses crimes et ses débauches. Cf. Codex regius, fol. 125 ; Bonizo, Ad amicutn, 1. V, De vila c/irisliana fragmenta, P. L., 1. cl, col. 817-819, 870 ; Raoul Glaber, Hislor., 1. IV, c. v ; 1. V, c. v, P. L., t. cxi.u, col. 679, 698 ; S. Pierre Damien, 1. III, epist. iv, P. L., t. cxuv, col. 297 ; Opusc. XIX, De abdicatione episcop., c. ni, P. L., t. cxlv, col. 428 ; Victor III, Dtalog., 1. III, P. L., t. cxlix, col. 1005 ; Zwetlens, P. L., t. ccxiii, col. 1031 ; Watterich, t. i, p. 70.

Celte nouvelle intrusion de Benoît IX ne dura pas longtemps. L’empereur Conrad était mort, en 1039. Son fils Henri III, roi de Germanie, avait d’autres sentiments. Il fit déposer l’intrus, et désigna pour le remplacer l’Allemand Suidger, archevêque de Bamberg, que les Romains acceptèrent, et qui prit le nom de Clément II (1046). C’était un digne prélat, et, quoique élu d’un consentement unanime, il opposa longtemps une vive résistance. Cf. Ilerman Contract, Compend. Bernoldi, P. L., t. cxi.m, col. 246. Il sacra Henri III empereur. Pour mettre à l’ambition des comtes de Tusculum et des autres seigneurs une barrière infranchissable, il renouvela, en faveur de l’empereur Henri III, le privilège autrefois accordé à Charlemagne : celui de confirmer l’élection des souverains pontifes. C’était, vu les circonstances, une mesure utile et qui devait produire de bons fruits, tant que l’empereur serait un prince sage et modéré, comme Henri III ; mais elle devait devenir un instrument d’oppression, quand l’empereur serait un tyran, ce qui arriva bientôt avec Henri IV, l’indigne fils d’Henri III. Le danger était d’autant plus grand que les Romains, dans le désir de la paix, firent alors le serment de n’élire jamais un pape, sans le consentement de l’empereur. En somme, c’était l’empereur lui même qui devenait ainsi le principal, ou, pour mieux dire, l’unique électeur. Cf. Sigebert de Gembloux, Chronic, P. L., t. clx, col. 209.

Le pontificat de Clément II promettait d’être fécond, mais ce pape mourut subitement, neuf mois après son intronisation (9 octobre 1047), empoisonné, dit-on, par

; des aflidés des comtes de Tusculum, qui ne pouvaient

souffrir que le pontificat eût été enlevé à leur famille, pour passer à un étranger. Cf. Lupus Protospathaire, Chronic, P. L., t. clv, col. 135 ; Muratori, Annali d’Italia, an. 1047, t. xv, p. 21. Benoit IX profita de cette mort, pour s’emparer une troisième fois du trône pontilical. Il se maintint par la force désarmes dans le palais de Latran, jusqu’à ce qu’il en fût définitivement chassé par les troupes du duc de Toscane, auquel Henri III avait donné l’ordre d’expulser l’intrus (17 juillet 1048). Benoît IX n’avait encore que vingtsept ans. Vers la fin de sa vie, il se retira dans le monastère de Grotta-Ferrata, pour y faire pénitence. Le pontife, désigné au choix des électeurs par Henri III, fut un prélat de son empire, Poppo, évêque de Brixen, qui s’appela Damase II, mais qui mourut subitement, une vingtaine de jours après son intronisation (9 août 1048). On crut généralement qu’il fut, lui aussi, empoisonné, car à cette époque, remarque Muratori, le poison jouait un grand rôle dans les événements, et les Italiens étaient passés maîtres dans l’art horrible de s’en servir. Cf. Muratori, Annali d’Italia, an. 1048, t. xv, p. 25. A la nouvelle de cette mort effrayante, dit un chroniqueur contemporain, les évêques allemands tremblèrent par delà les Alpes, et ne se sentirent plus ie courage de venir à Rome chercher les honneurs de la papauté. Cf. Bonizo de Sutri, Ad amicuni, 1. V. P. /.., t. ci., col. 820. De fait, cette mort fut suivie d’une vacance de neuf mois, pendant laquelle les comtes de Tusculum essayèrent de ressaisir le pouvoir et d’exercer encore leur cruelle tyrannie. IX. L’œuvre d’Hildebrand. Restriction ni corps

ELECTORAL. L’ÉLÉMENT LAÏQUE COMPLÈTEMENT ET DÉFINITIVEMENT ÉCARTÉ (1059-1180). — Voilà dans quel abîme de hontes et de crimes était tombé le centre de la catholicité, parce qu’il n’y avait plus de liberté dans les élections pontificales. Les papes n’étaient plus choisis que sous la pression de la puissance séculière, qu’elle fût personnifiée dans les empereurs tudesques, ou partagée entre les membres inlluents d’une féodalité remuante et ambitieuse. L’antagonisme de race s’affichait à chaque vacance du siège apostolique. Ce que l’on cherchait, ce n’était pas le bien général de l’église, ni la gloire de Dieu, ou le salut des âmes, c’était le triomphe d’un parti, ou l’intérêt d’une famille princière. Ces dissentiments étaient aussi profonds qu’ils étaient persistants. Les Allemands méprisaient les Romains comme des êtres versatiles, trompeurs, vicieux ; les Romains haïssaient les Allemands comme des envahisseurs injustes, dont rien ne justifiait la présence dans la péninsule. Il est merveilleux que des élections faites avec ces préoccupations mesquines ou criminelles n’aient pas causé la ruine totale de l’Église, et que le nombre des papes peu édifiants n’ait pas été plus considérable. Malgré les calomnies déversées contre eux par des ennemis politiques, l’histoire mieux informée se montre de moins en moins sévère contre eux, et apprécie davantage leur caractère et leur action. Si l’on excepte les deux ou trois que nous avons indiqués et dont nous n’avons pas caché les torts, les autres furent vertueux, animés d’excellentes intentions, et, en général, supérieurs à leurs contemporains. Quelquesuns furent vraiment dignes du pontilicat suprême.

Il n’en était pas moins incontestable cependant, que le système traditionnel des élections populaires, qui, à l’origine et pendant plusieurs siècles, avait porté sur la chaire de Pierre tant de saints et glorieux pontifes,