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ÉLECTION DES PAPES

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Cf. Wilmans, Jahrb’ùcher des deulschen Beichs unter Otto III, p. 208-211 ; Jaffé, Regesla romanor. pontifie, p. 337 ; Watterich, op. cit., t. 1, p. 67.

Jean XVI lui succéda (985-996). Homme vraiment vertueux et de grande érudition, il eut à souffrir beaucoup du cruel patrice Crescentius. Grégoire V, qui monta après lui sur la chaire de saint Pierre (996999), était petit-iils d’Otlion le Grand, par sa mère Judith, duchesse de Franconie. Cousin et archi-chapelain de l’empereur Othon III, il était instruit et de mœurs’austères. Malgré sa grande jeunesse, car il n’avait que vingt-quatre ans, il se montra digne de sa sublime mission. Son mérite n’empêcha pas Crescentius de le chasser de Rome, pendant l’absence d’Othon III, et de lui opposer comme antipape un grec de Calabre qui se lit appeler Jean XVII. Othon revint aussitôt à la tète de son armée, s’empara du château Saint-Ange, mit à mort Crescentius, et rétablit Grégoire V, qui mourut peu de temps après, à l’âge de vingt-huit ans. Ce court pontificat terminait le triste X e siècle, le plus sombre de l’histoire des nations chrétiennes, siècle qu’on nomma le siècle de fer, mais que, selon une remarque de Raronius, on aurait plus justement encore nommé siècle de plomb, tant les caractères y furent abaissés. Cf. Codex regius, fol. 128, verso ; Sancti Adalberti Pragensis episcopi Vita, P. L., t. cxxxvn, col. 876-880 ; Abbon de Fleury, Epist., xv, P. I.., t. cxxxix, col. 460 ; Zwellens, Histor. romanor. pontifie, P. L., t. ccxin, col. 1029 ; Novaès, Sloria <le’Romani Ponteftci, t. il, 196-198, 201 ; Watterich, 1. 1, p. 87.

Le XI e siècle s’ouvrit par le glorieux, mais trop court pontificat de Sylvestre II (Gerbert), l’homme le plus savant de son époque (999-1003). Son élection fut l’œuvre d’Othon III, son ancien élève. Comme Français et ami de l’empereur, il se vit, malgré ses éminentes qualités, en butte aux mauvais traitements des Romains qui se révoltèrent plusieurs fois contre lui. Crescentius avait un successeur dans le cruel Grégoire, comte de Tusculum, ennemi acharné de toute inlluence étrangère, et qui devint bientôt tout-puissant, car l’empereur Othon III mourut, le 22 janvier 1002, âgé de vingt-deux ans à peine. L’année suivante, Sylvestre II le suivit dans la tombe (12 mai 1003). Grégoire de Tusculum aurait voulu placer l’un de ses deux fils sur la chaire de saint Pierre ; mais ils étaient encore trop jeunes. Il attendit donc et présenta successivement au choix des électeurs deux candidats également recommandables par leurs vertus : Jean XVIII, qui ne fit que passer sur le SaintSiège (du 13 juin au 7 décembre 1003), et Jean XIX (1003-1009), qui, après un pontificat de cinq ans et demi, abdiqua volontairement, et se retira au monastère de Saint-Paul-hors-les-Murs, pour y finir ses jours dans la retraite. Après lui, Sergius IV occupa avec honneur le siège pontifical pendant trois ans (10091012) ; mais sa mort prématurée permit au comte de Tusculum de réaliser enfin son ambitieux projet et de placer successivement ses deux fils sur le trône pontifical. Cf. Codex regius, fol. 124, verso ; Zvvetlens, Histor. rom. pontif., P. L., t. CCXIII, col. 1030 ; Thietmar, Clironicon, 1. VIVII, P. L., t. cxxxix, col. 1360 sq. ; Novaès, t. n, p. 209, 211, 213, 214 ; Watterich, t. r, p.89 ; Pertz, Monumenta Germanise historien, t. xi, p. 542.

Le fils aîné du comte de Tusculum fut Renoit VIII, qui régna douze ans (1012-1024). Malgré la puissance de son père, il fut chassé pendant quelque temps par la faction rivale : celle de Jean, duc de Spolète, et de son frère Crescentius, qui se faisait appeler préfet de Rome. Un antipape lui fut même opposé, mais il finit par en triompher. Ces luttes montrent bien que la féodalité italienne relevait la tête, et voulait supplanter les Césars allemands dans leur rôle de tuteurs de la papauté. Elle espérait en disposer désormais â son gré, comme elle l’avait fait dura>nt presque tout le x 1’siècle.

Renoit VIII, quoique imposé par son père, parait cependant avoir été un digne pontife. Au témoignage de saint Pierre Damien, qui fut presque son contemporain, il édifia l’Église par son zèle et sa vertu. Cf. S. Pierre Damien, Vita sancti Odilonis, P. I… t. cxliv, col. 937. Il eut la gloire de couronner empereur le roi de Germanie, saint Henri, qui professait pour lui la plus grande estime, et vint à Rome avec sa virginale épouse, sainte Cunégonde, en 1014. Après son couronnement, l’empereur, par un diplôme solennel, confirma les droits de l’Eglise romaine, et déclara que l’élection devait être librement faite par le peuple et le clergé de Rome. Ce document important a été publié par Labbe, Sacrosancta concilia, t. ix, col. 813. Cf. Pertz, Monumenta Germanise historica, t. iv, Append., p. 173. Le frère et successeur de Benoît VIII, Jean XX (1024-1032), était simple laïque quand il monta sur la chaire de saint Pierre. Un chroniqueur, Raoul Glaber, a écrit qu’il n’aurait obtenu le SaintSiège qu’à prix d’argent, et Baronius, à sa suite, a reproduit cette accusation de simonie. Cf. Raoul Glaber, Histor., 1. IV, c. i, P. L., t. cxm, col. 672 ; Raronius, Annal, eccles., an. 1024, t. xi, p. 80. Mais tous les autres chroniqueurs taisent celte circontance, et louent, au contraire, Jean XX de son esprit de foi et de son zèle apostolique. Son pontificat ne fut certainement pas sans gloire, et, dans son ensemble, fit oublier ce que son début avait présenté de suspect. Cf. Bonizo, /4c/ amicum, 1. V, P. L., t. CL, col. 8t6sq. ; Zwetlens, Hisloria romanor. pontife, P. L., t. ccxiii, col. 1030.

Depuis vingt ans, les Conti de Tusculum, par deux des leurs, occupaient le Saint-Siège. Ils s’étaient habitués à le considérer comme un bien de leur famille ; ils ne voulurent donc pas s’en dessaisir. Le comte Albéric, frère de Jean XX, ne rougit pas de proposer au choix des électeurs son fils Théophylacte, neveu des deux précédents pontifes. C’était un enfant de dix ans, mais la crainte qu’inspirait son père, et l’or qu’il semait à pleines mains lui valurent de nombreux suffrages. Théophylacte devint donc l’intrus Benoit IX. Vu sa grande jeunesse, on ne crut pas opportun de lui conférer encore les ordres sacrés. En attendant qu’il eûl terminé ses études et atteint sa majorité, son père se chargea de gouverner l’Eglise et de l’administrer, au nom de son fils mineur. Mais cet enfant, que la simonie avait coiffé de la tiare, n’eut jamais l’ombre de vocation, même à la simple cléricature. Il avait en horreur les fonctions ecclésiastiques, et ne songeait qu’à ses plaisirs. En grandissant, il devint non pas meilleur, mais pire ; ses passions grandissaient avec lui, et il s’y laissait aller avec l’entraînement effréné d’une fougueuse jeunesse. Son élection, nulle dans le principe, car le Saint-Siège ne saurait être mis à l’encan et vendu au plus offrant, ne fut jamais ratifiée, dans la suite, par le clergé et le peuple romain. Le clergé, qu’il déshonorait par ses débordements, n’eut jamais pour lui que du mépris ; et le peuple, dont, par ses crimes, il s’était fait le bourreau, ne professa toujours pour lui que de la haine. Par ses excès, il ne rappelait que trop Jean XII, comme le monstrueux attentat d’Albéric contre l’indépendance et la dignité du Saint-Siège ne rappelait que trop ceux de Marozie, au siècle précédent. Ce débauché ne se maintint si longtemps sur le trône de saint Pierre que grâce à la terreur qu’inspirait son père, au sein de l’anarchie universelle. Le successeur de saint Henri, le roi Conrad, en butte à de grandes difficultés dans son royaume de Germanie, avait trop besoin de ménager les Conti de Tusculum. Puisque Renoit IX était leur pape, il le leur laissa pour ne pas augmenter le nombre de ses ennemis, déjà fort considérable. Tout semblait conspirer contre la liberté de l’Église. Sur le triste élat de Rome et de son territoire, où les bandits pullulaient alors pour piller et