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ELECTION DES PAPES


supposant que l’élection de Jean XII eût été canonique, nul ne pouvait le déposer, et Léon VIII, élu de son vivant, n’était qu’un antipape. Dans l’hypothèse, au contraire, que l’élection de Jean XII eût été nulle, par suite de manque de liherté dans l’expression des suffrages, celle de Léon VIII, pour le même motif, n’était pas plus valide. Aussi, quand la mort inopinée de Jean XII (964) fut survenue dans des circonstances infamantes, dit Luitprand, De rébus gestis Oltonis Magni, c. xx, P. L., t. cxxxvi, col. 908, les Romains, qui détestaient la domination tudesque, s’empressèrent, en l’absence d’Othon, d’élire Benoit V, homme recommandable, dont tous les auteurs, même les Allemands, s’accordent à reconnaître les mérites et les héroïques vertus, confirmées par le don des miracles et de prophétie. Mais Othon, pour soutenir sa créature, revint assiéger Rome, s’en empara le 23 juin 904, envoya Benoit V en exil, où il mourut l’année suivante (965), et remit Léon VIII sur la chaire de saint Pierre. Cf. Codex regius, fol. 122, verso ; Zwellens, Hisloria romanor. pontifie, P. L., t. ccxiii, col. 1027 ; Benoit de Saint-André, Chroriicon, P. L., t. cxxxix, col. 48 ; Novaès, Storiade’Romani Ponte/ici, t. ii, p. 182 ; Watterich, op. cit., t. i, p. 49.

L’antipape fut reconnaissant à l’empereur. Par un décret promulgué en concile, il lui accorda, à lui et à ses successeurs, le droit de nommer lui-même le pape, les archevêques et les évêques : Domino Othoni primo ejusqite successoribus concedimus in jierpetuum facilitaient summse sedis apostoliese pontificem ordinandi, aeperhoc archiepiscopos et episcopos, ut ipsi ab eo investi turatn accipiant, etutnemo deinceps, cujusgiie dignilatis vel religiositalis, eligendi vel patricium, vel pontificem summse sedis apostoliese, aut quemcumque episcopum ordinandi habeat facullatem, absgite consensu ipsius imperatoris. Quod si a clero et populo guis eligatur episcopus, nisi a supradieto rege laudetur et investiatur, non consecrelttr. Si guis contra hanc régulant aliguid molietur, Itunc excommunicationi subjacere decernimns, et nisi resipuerit, irrevocabili exilio puniri, vel ultimis suppliais af/ici. Cette pièce stupéfiante de servilisme nous a été conservée dans la collection de Gratien, ù titre de document historique, sans doute, part. I, dist. LXIII, c. 23, t. i, col. 211. Cf. Pertz, Monumenla Germanise historica, t. iv, Append., p. 158, 166.

Cet acte, de nulle valeur au point de vue du droit, puisqu’il émanait d’un antipape, livrait cependant l’Eglise à Othon, qui avait la ferme intention de s’en servir. En partant de Rome et en remontant vers la Haute-Italie, il commença par distribuer lesabbayes et les évëchés à ses amis, à ses alliés et à ses courtisans. C’est ainsi que le pamphlétaire Luitprand fut pourvu de l’évêché de Crémone. Le rêve d’Othon était réalisé : il était, à la fois, pape et empereur, puisqu’il pouvait, à sa guise, nommer ou déposer le souverain pontife, et instituer les évêques. C’est ainsi qu’il concevait la restauration de l’empire romain, dont Charlernagne avait eu une idée toute différente. C’est ainsi que le conçurent les Césars allemands ses successeurs ; et c’est de cette ambition sans limites que naquit la lutte séculaire entre le sacerdoce et l’empire.

A la mort de Léon VIII, Othon désigna au choix des électeurs l’évêque de Narni, qui prit le nom de Jean XIII (965-972). C’était un homme recommandable par ses vertus, mais la protection de l’empereur allemand lui valut l’animosité des Romains, car la noblesse italienne, accoutumée à dominer la ville éternelle, ne pouvait s’accommoder du rôle effacé auquel on la réduisait. Accablé de mauvais traitements, Jean XIII fut exilé en Campanie, d’où Othon le fit revenir. Rentré à Rome, il couronna empereur Othon II, dit le Roux, fils d’Othon le Grand, qui mourut quelques années plus

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

tard, en 973. Cf. Codex regius, fol. 122 ; Zwetlens, Hisloria romanor. pontifie., P. L., t. ccxiii, col. 1028 ; Walterich, op. cit., I. i, p. 64-65, 86.

Avant de mourir, Othon le Grand eut encore le temps de donner un successeur à Jean XIII. Ce fut Benoit VI (973-974), qui fut, lui aussi, pour le même motif, l’objet de la haine des Romains. Il fut jeté en prison et étranglé par les ordres deCrescentius deNomentum, petit-fils de la fameuse Marozie, par sa mère Théodora, et qui prétendait exercer à Rome cette dictature qui avait été si longtemps l’apanage des Albérics deTusculum. A la place de Benoit VI assassiné, les Crescentii élurent Boniface VII (974-975) : mais les partisans de l’empire lui opposèrent Benoît VII, de la famille des Albérics de Tusculum (974-983). Codex regius, fol. 122, verso, et 123 ; Bonizo, Liber ad amicum, 1. IV, P. L., t. cl, col. 815 ; Zwetlens, Hisloria roman. pontif., P. L., t. ccxiii, col. 1028 ; Novaès, Sloria de’Romani ponteftci, t. ii, p. 190 ; Watterich, op. cit., 1. 1, p. 65 sq.

Le trouble était partout, non seulement à Rome, mais dans toutes les cités italiennes, dont les habitants, profitant de la mort du grand Othon et de la jeunesse de son fils, qui n’avait qu’une vingtaine d’années, couraient de tous cotés aux armes, pour secouer le joug abhorré des Allemands. L’Italie septentrionale, ancienne Lombardie, formait un fief des Othons, tandis que, dans l’Italie méridionale, la Calabre et l’Apulie dépendaient encore des empereurs de Constanlinople, et que la Sicile était au pouvoir des Sarrasins. Le domaine temporel du Saint-Siège était comme une enclave, entre les deux empires d’Occident et d’Orient, dont les provinces extrêmes venaient toucher ses frontières, ou n’en élaient séparées que par quelques petites principautés indépendantes, comme celles des princes de Capoue et de Naples, ou des ducs de Bénévent. Mais les deux empereurs convoitaient Rome. Pour y être maîtres absolus, les Allemands voulaient chasser complètement les Grecs du midi de la péninsule, tandis que les Grecs considéraient comme des usurpateurs les Allemands installés en Lombardie. En 981, Othon II fit une expédition en Calabre. Il y remporta d’abord de brillants succès contre les Grecs et les Sarrasins réunis, mais éprouva ensuite de terribles revers. Tandis qu’il se trouvait à Rome, pour réorganiser son armée, Benoît VII mourut. L’empereur le fit remplacer par son chancelier Pierre de Canevanovo, évêque de Pavie, qui prit le nom de Jean XIV (983-981). Ce vertueux pontife fut, comme ses prédécesseurs, haï des Romains, qui ne voyaient en lui qu’un ami du part allemand. Othon II étant mort sur ces entrefaites, à l’âge de vingthuit ans, les Grecsvainqueurs ramenèrent de Constantinople, où il s’était réfugié, l’antipape Roniface VII, qui lit égorger le pontife légitime, Jean XIV, et mourut lui-même peu après, frappé d’un coup d’apoplexie foudroyante quillet 985). Cf. Codex regius, fol. 123 sq. ; Zwetlens, loc. cit., col. 1028 ; Thietrnar, Chronicon, 1. III, P. L., t. cxxxix, col. 1241 ; Novaès, t. ii p. 194 ; Watterich, t. i, p. 66, 87.

Othon III, le nouvel empereur, n’avait que trois ans. La féodalité italienne, n’ayant rien à craindre de cet enfant, n’avait pas à se gêner. Jean XV, pape ou antipape, fut élu, sous l’inlluence de Crescentius, mais il mourut quatre mois après. Cf. Marianus Scotius, Notifia historica et lilteraria, P. L., t. cxlvii, col. 611, note 38 ; Honoriusd’Autun, Calalog. pontifie, romanor., P.L., t. clxxii, col.244 ; Godefroide Viterbe, Panthéon, seu memoria sœculorum, part. XX, P. L., t. cxcviii, col. 1043 ; Muratori, Rerum italicarum scriptores, 25, in-fol., Milan, 1723-1751, t. iii, part. II, p. 334 ; A. Pagi, Crittca, t. i, p. 163-175 ; t. iv, p. 52 ; E. Pagi, Breviar. pontifie, roman., t. ii, p. 253. Le pontificat de Jean XV fut tellement court que plusieurs auteurs modernes, des allemands surtout, ont douté de son existence

IV.

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