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ELECTION DES PAPES


trône pontifical tin de ses cousins, simple laïque, qui fut bientôt chassé comme un intrus par une réaction populaire. Léon VI fut canoniquement élu (928) ; mais il ne siégea que sept mois, et mourut subitement, empoisonné, dit-on, par Marozie. Son successeur. Mi.’nue VIII, siégea deux ans (929-931), et mourut subitement, lui aussi. Cette disparition soudaine coïncidait avec un accroissement de fortune pour Marozie, qui, veuve de Guy de Toscane, venait d’épouser Hugues, roi d’Italie. Les maris de cette femme corrompue ne vivaient pas longtemps. Comme les papes, ils se succédaient avec une terriliante rapidité, qui justifiait tous les soupçons. Cf. Codex regius, loc. cit.

Comme si ce n’eût pas été assez de forfaits pour cette nouvelle Messaline, elle lit ensuite élire pape un fils qu’elle avait eu du marquis Albéric de Tusculum. Ce jeune homme, digne fils d’une telle mère, n’avait alors qu’une vingtaine d’années. Il ceignit la tiare et prit le nom de.lean XI 931-936). Son frère aine, Albéric II, était, en même temps, par la toute-puissante châtelaine, préposé au commandement général des États romains. Ainsi, le patrimoine de saint Pierre se trouvait partagé entre deux frères, par suite de l’inconduite de celle qui leur avait donné le jour : l’aîné avait les clefs des forteresses, et le cadet occupait le SaintSiège. Aurait-on jamais supposé que le pouvoir civil en vint à commettre contre l’indépendance de l’église un si monstrueux attentat ? C’était vraiment Vabominatio desolatinnis in loco sancto. Cf. Flodoard, De Ckristi triumphis apud llaliam, 1. XII, c. iiv P. L., t.cxxxv, col. 8l12 ; Luitprand, Historia gestorum regum et imper atorum, seu Anlapodosis, 1. III, c. xliv, xi.v, P. L., t. cxxxvi, col. 853 ; Benoît de Saint-André, Chronicon, c. xxx, P. L., t. cxxxix, col. 41 sq. ; Muratori, Annal. d’Italia, an. 9111, t. iixi p. 162 sq. ; Novaès, Storiade’Romani Ponte/ici, t. ii, p. 169.

Le rôle néfaste de Marozie ne finit point avec la mort de son fils Jean XI. Les quatre successeurs de celui-ci, Léon VII (936-939), Etienne IX (939-942), Marin II (942-9M3), Agapet II (916-915), furent élus par son influence, ou par celle de sa sœur Théodora, toutes deux, quoique rivales entre elles, âme du parti national italien anti-allemand. Le cinquième successeur de Jean XI fut un fils de son frère Albéric, petitfils par conséquent de Marozie, jeune laïque de dixneuf ans, qui, en montant sur le siège de saint Pierre, se fit appeler Jean XII (955-964).

Que pouvaient être de tels pontifes ? Cependant, ces papes, pour la plupart, furent meilleurs qu’on aurait droit, ce semble, de le supposer, en considérant de quelle façon ils arrivèrent au pontificat suprême. Longtemps on ne les a connus que par les diatribes de Luitprand, évoque de Crémone († 972), qui, tout dévoué au parti allemand, a écrit en style de pamphlétaire les vies des pontifes, appartenant au parti italien. Flodoard de Reims (-J— 966) est plus impartial, et, dans ses chroniques, les papes souvent paraissent sous un jour bien dilférent. Malheureusement il ne dépasse pas l’an 939. Il nous apprend que Léon VII, le successeur de l’indigne Jean XI, futun homme doué de vertus vraiment sacerdotales. Jamais il n’avait aspiré aux honneurs. Dans ce siècle de simoniaque ambition, il se montra si opposé au choix qu’on venait de faire de sa personne, qu’on fut obligé de le porter, comme malgré lui, sur la chaire de saint Pierre. Flodoard, qui l’avait connu personnellement, trace de lui le plus bel éloge. Dr Chris ti triumphis a/md l/ali(u>>, 1. XII, c. VII, P. L., t. cxxxv, col. 832. Etienne IX paratl avoir été un digne pontife, malgré les accusations formulées contre lui par Martinus Polus, reproduites par Baronius, Annal, eccl., an. 940, t. x, p. 718 sq., par Mozzoni, Tavole chronologiche, secolo x, p. 112, et par le Codex regius, fol. 120, verso ; mais réfutées, avec une grande érudi tion historique, parMuratori, Annal. d’Italia, an. 939, t. un, p. 201 sq., au sentiment duquel se rangent Novaès, Sloria de’Romani Ponte/ici, t. ii p. 173, et Ciaconius, Vilseel resgeslse summor. pontifie, roman., t. i, col. 708. Ce même auteur nous montre Marin II, successeur d’Ftienne IX, comme un pontife uniquement occupé des intérêts de l’Eglise, et pouvant, par ses vertus personnelles, être surnommé le modèle des clercs et le père des moines. Cf. Ciaconius, op. cit., 1. 1, col. 709. Son successeur, Agapet II, fut digne de lui. Il s’occupa sérieusement de la réforme des laïques, des clercs et des moines. Cf. Zwetlens, Historia romanorum pontificum, P. L., t. iiccxi col. 1026.

On ne peut en dire autant de Jean XII. Avant d’expirer, le patrice Albéric, son père, frère de Jean XI, se sentant atteint d’une maladie soudaine, se fit transporter dans la basilique de Saint-Pierre, et, là, devant la Confessiondu prince des apôtres, fit jurera tous lesnobles de Rome d’élire comme pape son jeune fils Octavien, aussitôt après le trépasd’Agapet II. Ce serment sacrilège fut prêté et tenu. Quelles mœurs et quel temps ! Fut-elle canonique l’élection de Jean XII, accomplie dans de telles conditions ? Ce problème historique n’a pu être encore résolu, mais tous les chroniqueurs s’accordent à dire que, pape ou antipape, ce fils d’Albéric et d’une concubine ne fut qu’un pontife misérable, sanguinaire "I débauché, prolervum et sceleraturn pontificem. Cf. Codex regius, folio 120, verso ; Benoit de Saintvndré, Chronicon, c. xxxv, P. L., t. cxxxix, col. 46 sq ; Luitprand, De rébus gestis Oltoni Magni, imperaloris, c. iv, P. L., t. cxxxvi, col. 900 ; Zwetlens, Historia romanor. pontificunt, P. L., t. ccxiii, col. 1026-1027 ; Watterich, op. cit., 1. 1, p. 45-49.

VIII. Les Césars allemands et le trône pontifical (963-1058). — A ce moment, dans l’Europe centrale, se constituait une puissance désireuse d’abattre la féodalité’italienne, de s’enrichir de ses dépouilles et d’accaparer, à son tour, la papauté. Né en 912, OthonI er) fils d’Henri l’Oiseleur, avait été élu roi de Germanie, à l’âge de vingt-quatre ans, en 936. Les succès militaires lui avaient mérite bientôt le titre de Grand. Ayant épousé, en 951, Adélaïde, veuve de Lothaire, roi des Lombards, il trouva le prétexte qu’il cherchait depuis longtemps d’intervenir dans les affaires d’Italie. Il en profita, l’année suivante, pour solliciter du pape Agapet la couronne impériale, en retour de la protection qu’il lui offrait. Quoique, depuis un demi-siècle, le saintempire romain n’eût plus de titulaire, le pape refusa. 11 prévoyait sans doute que la protection des Césars allemands serait funeste à l’Église. Mais ce qu’il n’avait pas voulu faire, son indigne successeur s’empressa de l’accomplir. Jean XII était surtout guerrier. Il marchait à la tête de ses troupes, épée à la main et casque en tête. Battu par Pandolphe, prince de Capone, et. dès lors, impuissant à lutter contre ses ennemis, il demanda secours à Olhon le Grand, et le couronna empereur en 962. Il conclut avec lui un traité d’alliance, et renouvela le décret d’Eugène II, stipulant que, dans l’avenir, aucun pape élu ne serait consacré sans la présence des envoyés de l’empereur. Ainsi, c’était le porte-drapeau de la féodalité italienne qui appelait les étrangers en Italie.

A peine Olhon s’était-il éloigné de Rome, que Jean XII changeait d’avis, et s’unissait à d’autres seigneurs pour essayer de chasser tous les Allemands hors de la péninsule. Outré de ce manque de parole, non moins que de la conduite scandaleuse de Jean XII, dont il rougissait lui-même, Othon revint à Rome et y cuira parla violence. Dans un conciliabule d’évéques, qu’il présida dans la basilique de Saint-Pierre, il lit déposer Jean XII, comme coupable d’immoralité, de simonie, d’homicide, de parjure, d’inceste et de crimes de toutes sortes. A sa place, il lit élire Léon VIII « 963-965). En