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ELECTION DES PAPES


impériaux parurent vouloir encore s’imposer, lors de l’élection d’Adrien II (867) et de Jean VIII (872), le successeur de celui-ci, Marin I er (882-884), rendit un décret statuant qu’à l’avenir les empereurs d’Occident n’interviendraient en aucune façon, ni par eux, ni par leurs ambassadeurs, dans l’élection des pontifes, et que jamais plus on n’attendrait l’arrivée des délégués impériaux, ni la ratification de l’empereur, pas plus pour le sacre que pour l’élection, les libres suffrages du clergé et du peuple romain devant suffire. Cf. Ciaconius, op. cit., t. i, col. 669. La constitution portée par Eugène II, soixante ans auparavant, était donc révoquée. Ce tte révocation fut renouvelée et confirmée par Adrien 111 (884-885).

Ainsi, d’après les circonstances, la discipline changeait sur ce point si important pour la liberté de l’Église et de son chef. Les factions populaires devenaient-elles une cause de désordres et de troubles, les papes sentaient alors la nécessité de recourir à un souverain puissant, même étranger, pour assurer la liberté dans les élections de leurs successeurs, mais sans préjudice de leur autorité pontificale et de leur dignité. L’ambition des rois et des empereurs transformait-elle le remède en mal, et surgissait-il de ce côté un danger pour l’indépendance de l’Eglise, les papes révoquaient alors les concessions précédentes, jusqu’à ce que de nouveaux troubles rendissent nécessaire un nouvel appel aux empereurs. C’est ce qui arriva une quinzaine d’années après le pontificat d’Adrien 111. Les partis germanophiles et antigermaniques s’agitaient dans la péninsule. En quinze ans, cinq papes se succédèrent sur la chaire de saint Pierre. Pour éviter des trouilles qui n’étaient que trop à prévoir, à la veille de ce triste x c siècle qui s’annonçait si mal, Jean IX (898-900) dut quitter la voie tracée par Marin P r et Adrien III. Revenant aux prescriptions faites au commencement du ix’siècle, il remit en vigueur la constitution d’Eugène II, mais en faveur d’un empereur italien, Lambert, fils de Gui de Spolète. On en élait réduit à une sorte de jeu de bascule, entredesinlluences ennemies qui se disputaient la prépondérance. Y avait-il péril d’un côté, on se portait de l’autre, et réciproquement. Cf. Cainarda, De electionc pontifie, in-fol., Rieti, 1737, diss. II, p. 99 ; Passerini, De electione pontifie, in-fol., Rome, 1670, q. v, p. 18.

VII. La féodalité italienne a l’assaut de la papauté, durant le xe siècle (900-961). — Affaiblis par leurs discordes intestines en Germanie et en Gaule, les descendants dégénérés de Charlemagne ne comptaient presque plus en Italie. Ils ne pouvaient plus s’y faire craindre, et leur protection devenait illusoire. L’empire d’Occident, naguère si brillamment inauguré, chancelait déjà sur ses bases, et, moins d’un siècle après sa fondation, menaçait ruine. Les factions locales en profitaient en Italie, pour réaliser leurs rêves d’ambition, au profit des intérêts mesquins cl passagers de quelque famille puissante, ou d’un parti politique désireux de parvenir à tout dominer. Cet état de choses vraiment désastreux avait été encore favorise, à Rome, par la fréquence des vacances du saint-siège et la brièveté des pontificats. Plus de vingt papes s’étaient succédé durant leix° siècle : cela faisait, pour le ngne de chacun d’eux, une moyenne de cinq ans au plus. Ces changements si nombreux n-’étaient pas propices à la tranquillité publique, car, à chaque vacance, tout était remis en question, et les passions populaires s’agitaient avec une recrudescence de violence, chaque parti voulant un pape de son choix.

Au xe siècle, ce fut bien pire : on y compta près de trente papes, ou antipapes. Les ambitions insatiables et les luttes incessantes d’une multitude de petits princes italiens, n’aspirant à rien moins qu’à dominer î’jiglise pour dominer le monde, allaient faire, de ce Xe siècle.

un des plus sanguinaires et des plus corrompus de l’histoire. Les marquis de Tusculum, les comtes de Spolète et de Capoue, les ducs de Toscane, de Bénévent et de Naples, les Conti, les Crescentii de Sabine et une foule d’autres voulurent obtenir, par le brigandage à main armée, ce que les descendants de Charlemagne avaient faiblement essayé de prendre. De là, cette réaction païenne qui dura jusqu’à la vigoureuse intervention et à la radicale réforme de l’intrépide llildebrand, devenu saint Grégoire VIL Au milieu de ces bouleversements profonds et de cette marche en arrière vers la barbarie, la papauté’se trouvait livrée comme sans défense à la discrétion de la féodalité italienne. Voir Watterich, Pontificum romanorum, ab ineunte sweulo a usque ad finem sicculi xnr, vitse ab œijualibus conscriptse, 2 in-8°, Leipzig, 1862 ; Jafl’é, Regesta pontificum romanorum ab condita Ecclesia ad annum post Christum natum 1198, in— 4°, Berlin, 1851, p. 294 sq. ; Codex regius, Bibliothèque nationale de Paris, fonds latin, n. 5144, fol. 119 sq. ; Novaès, Storia de’Romani Pontefici, 6 in-8°, Rome, 1792, édition considérablement augmentée en 17 tom. in-8°, Rome, 1822, t. ir, p. 141.

Rien ne pouvait arriver à l’Église romaine de plus funeste et de plus affreux, dit Baronius, que cette mainmise des princes séculiers sur les élections de ses pontifes. Annal, eccles., an. 900, t. x, p. 649. Les chefs de ces factions rivales, qui se disputaient le trône apostolique, se croyaient tout permis pour réaliser leur sacrilège dessein. Pour augmenter le nombre de leurs partisans et multiplier leurs chances de succès, ils ne craignaient pas de trafiquer honteusement des choses saintes. Dans d’infâmes marchés, ils vendaient à prix d’or les titres cardinalices, les abbayes ou les évêchés, promeltant d’y soutenir par leurs armes ceux que la simonie y avait fait entrer. Leur audace ne s’arrêtait pas là. Ils ne reculaient pas devant la perspective du schisme, el reconnaissaient, comme pontifes, les antipapes qu’ils avaient eux-mêmes créés, suivant leurs caprices, leurs intérêts ou leur avariée ; car ils élisaient celui qui les payait davantage, quelles que fussent sa science, ses mœurs et sa condition : laïque ou clerc. On vit parfois un homme qui, le matin, n’était pas même tonsuré, être regardé, le soir, comme souverain pontife. Il est aisé’de deviner ce que devait être la vie privée de pareils clercs, évêques, ou même pontifes. La simonie et l’incontinence naquirent de là, et infectèrent tout l’Occident, car, la tête étant malade, tous les membres (’(aient atteints. Voir Bonizo, évoque de Sutri, au xr siècle, Ad amicum, 1. III, P. L., t. cl, col. 813.

Ce sombre tableau ne paraîtra pas exagéré si l’on songe que, à cette époque, le fils d’une prostituée fut placé par sa mère elle-même sur le siège de saint Pierre. L’impudique Marozie, patricienne corrompue et courtisane de haut rang, universellement connue par ses débordements et par ses crimes, souillée par une longue suite d’unions incestueuses et adultères, reçut des princes italiens, pour prix de son déshonneur, la propriété du château Saint-Ange et la seigneurie de la ville de Rome. Arrivée à cette suprématie, la domna senatrix, comme on l’appelait, crut pouvoir disposer de la chaire apostolique, et y faire monter ou en faire descendre à son gré. Elle lit élire Sergius III, en 904. Anastase III, en 911, Landon, en913. L’année suivante, Jean X, des Conti de Tusculum, ayant été élu par l’influence de Théodora, sœur et rivale de Marozie, la domna senatrix réussit, en 928, à obtenir sa déposition, le jeta dans un cachot, et l’y lit étrangler par les sicaires de Guy, duc de Toscane, son second époux. Cf. Muratori, Annal, d’italia, an. 914, t. xiii, p.83sq. : Watterich, op. cit., t. I, p. 33, note 4 ; Codex regius, fol. 120, recto. Marozie essaya alors d’établir sur le