Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/512

Cette page n’a pas encore été corrigée
2201
2292
ÉLECTION DES PAPES


L’empereur, on le voit, prenait son rôle au sérieux, el

se croyait le droit de juger le pontife. Cependant, pour donnera sa sentence une apparence canonique, il appela également à Ravenne les évéques do diverses provinces ; mais cela n’enlevait rien à l’irrégularité de la procédure. L’accord n’ayant pu se faire, l’empereur remit la décision au 13 juin suivant, et défendit aux d<u compétiteurs de se rendre à Rome avant cette date. Pendant cet intervalle, Achille, évêque de Spolète, qui n’appartenait à aucun parti, était charge par lui d’y célébrer les saints mystères. Eulalius ne tint pas compte de la défense, revint à Rome (18 mars 119), se mit à la tête de ses fauteurs, et voulut par la force des armes s’emparer de nouveau de la basilique de Saint-Jean-de-Latran. Il fut alors chassé, en vertu des ordres de l’empereur, qui, depuis, reconnut définitivement saint Boniface pour légitime successeur de saint Pierre. Cf. Moroni, Dizionario di erudizione storicoecclesiastica, v » Antipapi, t. ii p. 183 ; P. L., t. xviii, col. 397-402 ; Raronius, Annales ecclesiastici, t. v, p. 430-439 ; Grisar, Histoire de Rome et des papes, I. I, c. vi, § 9, n. 226, t. i, p. 315.

On comprend sans peine ce que l’intervention officielle de l’autorité impériale dans l’élection des papes présentait de dangers pour l’avenir. C’est sur l’exemple d’Honorius que s’appuyèrent, plus tard, tous les rois d’Italie, ou empereurs d’Allemagne, qui s’imaginèrent avoir voix prépondérante dans l’élection des souverains pontifes. De là naquit ce prétendu droit de vélo, ou d’exclusive, dont se prévalurent, dans la suite, plusieurs puissances catholiques, après même l’institution des conclaves, et que Pie X a aboli. Voir Conclave, t. iii, col. 720-724.

Le précédent créé par llonorius était donc gros de conséquences désastreuses pour l’indépendance de la papauté. Néanmoins, pour obvier aux désordres toujours renaissants, le pape saint Boniface, vers la fin de son pontificat, pensa qu’il était de son devoir de réclamer le secours de l’empereur contre les factions qu’il voyait s’agiter. Il lui écrivit donc, le 1° juillet 419, la lettre Eeclesise meæ, pour le supplier de veiller, dès que la vacance du saint-siège se serait produite, à ce que l’élection de son successeur se fit en toute liberté, conformément aux traditions et aux canons de l’Église. Celle lettre est rapportée par Raronius, Annales ecclesiastici, an. 419, n. 39, t. v, p. 440.

Encouragé par cette démarche du vieux pontife, l’empereur crut pouvoir légiférer sur cette matière qui sortait absolument des limites de sa compétence. Il puhlia donc un rescrit statuant que, lorsque deux élections papales seraient faites en même temps, par deux factions contraires, aucun des deux élus ne pourrait monter sur la chaire de saint Pierre ; mais qu’il faudrait faire une nouvelle élection, etquecelui-là serait pape qui aurait obtenu l’unanimité des suffrages. Si duo forte contra [as, lemeritate co-ncertantium, fuerint ordinali, million ex /tis fulurum penilus sacerdolem ; sed illum solum in sede aposlolica permansnrum, quem, ex numéro clericorum, nova ordinaiione, divinum judicium et UXIVERSITATIS CONSENSUS elegerit. Ce rescrit, malgré son irrégularité’, fui inséré dans le Corpus juris canonici. Décret. G raliatii, part. I, dist. LXXIX, c. 8, Si duo, t. i, p. 242. Cf. Labbe, Sacrosancta concil., t. ii col. 1582 ; l’agi, Critica historico-theologica in universos Annales ecclesiastieas Eut. et Rev. Csesaris Carcl. Baronii, 4 in-fol., Anvers (près Genève), 1705, an. 119, t. ii, p. 102.

C’est au commencement du v siècle qu’avaient lieu de pareils conllits, et que se produisaient de telles usurpations du pouvoir laïque. Cependant ce siècle fut fécond en grands papes, qui, par la dignité de leur vie et la noblesse de leur caractère, en imposèrent soit

aux empereurs, soit aux rois barbares accourus à l’assaut du vieil empire romain. Tous, sans exception, ont mérité l’auréole des saints : preuve éclatante que Dieu n’abandonne jamais son Eglise, même dans les circonslanccs les plus périlleuses, el qu’il fait briller d’autant plus la divinité’de cette Eglise qu’elle est plus exposée aux attaques de ses ennemis. Ces papes furent après saint lioniface I er ( 418-422), saint Célestin I « i 122-432), saint Sixte III (432-440), saint Léon le Grand (410-461), saint llilaire (461-468), saint Simplicius (468483), saint Félix 111 (483-492), saint Gélase I" (492-496), saint Anastase II (496-498). saint Symmaque (498-514). Cf. Kirchenlexikon, 2e édit., t. ix, p. 1439.

2° Intervention du roi des Hérules, Odoacre (483). — Imitant saint lioniliace I er, le pape saint Simplicius avait demandé à Odoacre. roi des Hérules, d’empêcher, par son intervention, si elle devenait nécessaire, les désordres qui pourraient survenir à la prochaine vacance du saint-siège. Odoacre n’eut garde de perdre cette occasion d’affirmer sa puissance. Il en profita pour publier une loi défendant, à l’avenir, de faire l’élection du pape, sans son autorisation, ou celle du préfet du prétoire, agissant en son nom. Cf. Labbe, t. iv, col. 1334 ; Thomassin, Ancienne et nouvelle disciplinede l’Église, part. 11, 1. II, c. xvii, t. ir, p. 195 sq. ; Muratori, Annali d’italia, 40 in-8°, Florence, 1827, an. 483, t. iiv p. 313 sq. ; A mort, Elemenla juris canonici veteris et moderni, 3 in-4°, Ferrare, 1763, t. i, p. 295.

3° Intervention de 1 héodoric, roi arien des Ostrogotlis (498-501). Béer étale de saint Symmaque. — Saint Syrnmaque, qui termine la série des saints pontifes du v c siècle, donna la plus ancienne décrétait’pontificale qui soit parvenue jusqu’à nous, touchant les élections papales. C’est que, lui aussi, comme saint lioniface I". quatre-vingts ans auparavant, vit un antipape se dresser entre lui et la chaire de saint Pierre. Gelait au moment, où, par le baptême de Clovis, la France devenait la fille ainée de l’Eglise. L’empereur d’Orient, Anastase (491-518), partisan de l’hérésie d’Eutycbès, poussa le sénateur romain Feslus à faire élire, en concurrence avec saint Symmaque, le cardinal Laurent, du titre de Sainte-Praxède, qui fut sacré dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure, le même jour où saint Symmaque l’était dans celle de Saint-Jean-deLatran. Cf. Nicéphore Calliste, llisl. ceci., 1. XVI, c. xxxv, P. G., t. cxxvii, col. 191 ; Théodore le Lecteur, II, si. ecrl., 1. ii, n. 17, P. G., t. i.xxxvi, col. 192. Ce schisme dura trois ans, déchaîna une vraie guerre civile dans Rome, et fut cause de plusieurs émeutes sanglantes. A la fin, les deux partis convinrent de recourirà l’arbitrage du roi des Ostrogoths, Tbéodoric, établi en Italie, depuis 493. Il était arien, mais se montrait cependant bienveillant pour l’Église, grâce à l’ascendant qu’avait pris sur lui l’illustre Gassiodore, sun ministre. Les deux compétiteurs se rendirent donc à Ravenne où était la cour du roi Tbéodoric, car l’empire romain d’Occident était détruit depuis que le roi des Hérules, Odoacre, devenu maitre de la péninsule, avait pris le titre de roi d’Italie (476) ; mais Odoacre lui-même avait bien vite succombé sous les coups de Tbéodoric. C’est donc devant ce dernier que comparut li chef de l’Eglise. Ce fut une scène affligeante, dit Baronius, de voir un prince arien appelé à se prononcer sur une question vitale pour la religion catholique. Mais c’était, ajoute-t-il, l’unique moyen de prévenir dans Rome dis luttes fratricides et sacrilèges. Annales ecclesiast., an. 498 et 500, t. vi, p. 527, 539. Tbéodoric décida que celui-là devait être reconnu comme pape, cpii avail été élu le premier, et par le plus grand nombre d’électeurs. Par suite de cette sentence, saint Symmaque fut considéré comme le véritable successeur de saint Pierre. Cf. Bernini, Istoria di lutte le eresic, 4 in-fol., Rome, 1705-1717, t. i, p. 160 ; P. L.,