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ELECTION DES PAPES

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plus dans la suite des siècles. Jamais les papes ne consentirent à désigner leur successeur ; ils réprouvèrent de plus en plus l’abus analogue qui tendait à s’introduire dans certains diocèses, dont les évoques pensaient pouvoir le faire. Cf. Mansi, Concil., t. x, col. 502, 504 ; t. xii, col. 720 ; t. xix, col. 226 ; Uefele, Conciliengeschichte, t. iii, p. 64, 108 ; t. iv, p. 653 ; dom Leclercq, dans Histoire des conciles, t. ii p. 1365-1366. On cite même une déclaration de Pie IV, dans un consistoire de 1561, décrétant que le pontife romain ne pourrait jamais choisir son successeur, ou s’adjoindre un coadjuteur avec future succession, même du consentement de tous les membres du Sacré-Collège, etiam de conscnsu omnium et singulorum cardinalium. Cf. Raynaldi, Annales ecclesiastici, ab anno 1198, ubi Baronius desinil, ad annum 1506, 10 in-fol., Lucques, 1756, t. xv, p. 121 ; Pagi, Breviarium Iiislorico-clironologico-criticum pontificum gesta complectens, 6 in-4°, Anvers, 17171753, t. VI, p. 450 ; Sàgmùller, Designation des Nachfolgers durcit den Papst, dans Archiv fûrkath. Kirchenrecht, 1896, p. i-25 sq.

C’est donc par les suffrages d’électeurs plus ou moins nombreux, suivant les époques, que les pontifes romains montèrent successivement sur la chaire de Pierre. Ce mode d’élection a donné à l’église cette longue suite d’hommes illustres par le génie, la science et la vertu, série à laquelle nulle dynastie de rois ou d’empereurs n’est comparable, soit par la durée, soit par l’importance de son rôle dans le monde. Il est donc extrêmement intéressant d’étudier comment s’est accomplie, à travers les siècles, l’élection des souverains pontifes. Nous exposerons ici rapidement par quel développement progressif les coutumes primitives se sont transformées peu à peu, et ont abouti à cet ensemble de lois si complexes et si minutieuses, formant la législation actuelle du conclave, qui. tout en laissant aux électeurs leur liberté entière, les rend inaccessibles, autant que possible, à toute inlluence humaine, capable de leur dicter un choix qui ne serait pas selon Dieu. Cette évolution historique manifeste dans l’Église, à travers les vicissitudes inévitables des siècles, une étonnante vitalité, et une merveilleuse puissance d’adaptation qui lui permet de se plier, sans rien perdre de son immutabilité essentielle, aux nécessités des temps et aux conditions sociales sujettes à tant de changements.

III. Élection du pape par le clergé et par le PEUPLE dans la PRIMITIVE Eglise. — C’est un dogme de foi défini par le concile du Vatican, sess. IV, c. II, que le pontife romain est successeur de saint Pierre, non seulement en tant que le prince des apôtres fut évêque de Rome considérée comme un diocèse particulier, mais en tant qu’il eut dans l’Eglise universelle la primauté d’honnenr et de juridiction. A cause de l’union intime, dans la même personne, de ce double pouvoir d’évéque de Rome et de souverain pontife, le mode d’élection des papes, dans les premiers siècles, ne se distingua pas de celui des autres évêques des liglises particulières.

Or, dans l’antiquité chrétienne, les évêques étaient à la fois élus par le peuple, par le clergé et par les évêques de la province, sous la présidence du métropolitain. Ce point de doctrine est attesté par une foule de documents de la plus haute antiquité. Cf. S. Cyprien, Epist., Lxvni, P. L., t. iii, col. 1027 ; concile d’Ancyre (314), can. 18 ; d’Antioche (341), can. 17, 18, Mansi, Concil., t. ii col. 519, 1315. Le pape saint Célestin I er (422-432), dans une lettre aux évoques de la Gaule, Epist., iv, c. v, s’exprime ainsi : Nullus invilis detur episcopus : cleri, plebis et ordinis consensus et desiderium requiratur. P.L., t. L, col. 431. CL Décret. Graliani, part. I, dist. LXI, c. 13. Nullus, t. i, p. 202. Cette coutume remontait jusqu’aux temps apostoliques.

Cf. S. Clément, I’Cor., c. xi.iv, P. G., t. i, col. 295. Le pape saint Léon le Grand, dans une lettre écrite, en 458, à Rusticus, évêque de Narbonne, Epist., CLXVII, inquisit. I, dit également : Sulla ratio sinit ut inler episcopos habeantur, qui, nec a clcricis sunt elecli, ncc a plebibus expetiti, nec ab episcopis provincialibus cum metropolitani judicio consecrati. P. L., t. liv, col. 1203. Cf. Camarda, Constitutionum apostolicarum tina cum cseremoniali Gregoriano de pertinentibus ad electionem papæ synopsis accurata, in-fol., Rieti, 1732, p. 2 ; Mansi, t. vi, col. 58 ; t. VII, col. 278. Le peuple n’avait pas cependant un droit de suffrage absolu. Il ne pouvait qu’exprimer un vœu, un désir ; et le candidat qu’il proposait, n’était réellement élevé aux honneurs de l’épiscopat qu’après avoir obtenu l’assentiment des évêques de la province et du métropolitain. En ces matières si délicates et si importantes, s’appliquait l’axiome que nous trouvons plus d’une fois sous la plume des écrivains de cette époque : Docendus est populus, non sequendus. Cette discipline avait d’ailleurs été déjà précisée, en 315, par le I er concile œcuménique de Nicée, dont le canon 6 disait : Si quis, viij : n : i ; SBNTENTIAM UEl’ROPOLIl’ANI, ftterit foetus episcopus, hune magna synodus définit episcopum esse non oportere. Bail, Summa eànciliorwm omnium, t. i, p. 166 ; Guérin, Les conciles gêné raux et particuliers, 3 in-8°, Paris, 1868, t. i, p. 95 ; Duchesne, Mélanges de l’Ecole de Rome, 3e année, p. 248. Voir plus haut, col. 2256-2260.

Ce mode d’élection dans lequel le clergé de second ordre et les évoques de la province intervenaient à des titres différents, présentait assurément de réels avantages. C’était le moyen d’écarter les indignes, en connaissant mieux la valeur respective des sujets. La pratique de consulter le peuple sur ce point si important remonte, d’ailleurs, aux temps apostoliques. Est-ce que les apôtres, avant d’ordonner les premiers diacres, n’avaient pas invité les fidèles de l’liglise naissante de Jérusalem, à désigner eux-mêmes ceux qui leur paraissaient le plus mériter cet honneur’.' Act., vi, 3-7. Saint Paul n’avait-il pas dit, en termes exprès, que le futur évêque devait avoir, en sa faveur, le bon témoignage des -eus du dehors ? Oportet illum testimonium habere bonum ab iis qui foris sunt. I Tim., iii 7.

Un vestige de cet antique usage des églises est resté dans le cérémonial des ordinations. Avant de conférer le diaconat aux ordinands, le prélat se tourne vers le peuple, et dit : Si quis Itahel aliquid contra illus, pro Deo et propter Deum, cum fiducia excut, et dicat. Ponti/icale romanum, De ordinatione diaconi. Plus loin, le Pontifical explique la raison de cette enquête auprès du peuple sur ceux qui vont en être les guides et les pasteurs : Quoniam rectori navis et navigio deferendis eadeni est, vel securitatis ratio, vel com munis limoris, par corum débet esse sententia, quorum causa communis exstitit. Neque enim fuit frustra a Patribus institutum, ut de eleclione illorum qui ad regimen altaris adhibendi sunt, consulatur etiam populus : quia de vita et conversatione præsentandi, quod nonnunquam ignoratur a pluribus, scitur a paucis ; ne unit m fortasse, vel paucos, aut decipiat assensio, vel fallat affeclio, sententia est expetenda multorum. Pontificale romanum, De ordinatione presbyleri. Ces raisons importantes qui justifient l’enquête faite auprès du peuple pour le choix de ses prêtres, ont plus de force encore quand il s’agit de l’élection des évêques. L’Église donne aussi un autre motif indiquant la convenance de ce consentement du peuple chrétien : c’est qu’il rend plus facile l’exercice de l’obéissance qui sera due ensuite à l’élu, après son élévation : ut facilius ci quis obedienliam exliibeat ordinato, cui assensurti præbuerit ordinando. Pontif. rom., loc. cit.