Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/503

Cette page n’a pas encore été corrigée

2273

ÉLECTION DES ÉVÈQUES

2274

au début du XVI e, le roi, malgré la réservation générale, intervint dans les élections. A cette date, en effet, les nationalités s’affirment, le pouvoir royal se rend absolu ; le roi voit d’un mauvais a-il l’intervention pontificale et fait tout pour l’entraver. Il accorde ou refuse le « congé d’élire » là où le droit capitulaire subsiste ; il écrit au cbapitre et lui souflle le nom de son candidat ; il va même jusqu’à écarter tout élu à lui « incongneu et non aggréable ». Et s’il faut pourvoir un évêché situé sur les frontières ou en terre féodale, il sait faire entendre à Rome le nom d’un candidat « sur et féal ». Imbart de La Tour, Les origines de la Réforme, in-8°, Paris, 1905, t. i, p. 103-107.

Lesintérêtsde l’État sont si profondémentengagésdans les choix épiscopaux que les rois estiment avoir plus a faire que de reconnaître les nominations faites par le seul évoque de Rome ; ils élèvent de véhémentes protestations contre l’usage des réserves. Et même, si comme en France, ils légifèrent en faveur de la liberté’électorale (Pragmatique de Bourges, 1438), et décident que les abbés seront élus, conformément aux canons, par les chapitres et les couvents, c’est moins pour rendre l’Eglise libre que pour la soustraire à l’emprise de Rome et la mettre à leur service. Il en fut bien ainsi en France, où la Pragmatique prétendait ne laisser au pape que la confirmation des élections dans les églises « immédiatement » sujettes ou les monastères exempts, et lui enlevait le droit de consacrer le nouvel élu, à moins que ce dernier ne se trouvât à Rome au moment de son élection.

Sans doute, il est difficile de dire comment la Pragmatique fut appliquée au temps de Charles VII, Champollion-Figeac, Documents historiques inédits, 1813, t. il, p. 407 ; mais, il est clair que là même où elle avait force légale, elle fut souvent violée par le roi et ses gens. S’appuyant sur l’article qui autorisait l’intervention « du roi et des princes du royaume » dans les élections, la royauté, de 1438 à 1510, de la Pragmatique au concordat, chercha à partager avec la papauté l’influence sur le recrutement du haut clergé et ne se fit pas faute de violer elle-même les libertés gallicanes, quand son bon plaisir fut en jeu et qu’il lui importa d’avoir les faveurs du Saint-Siège. Inaugurée par Charles VU, celte tactique atteignit sa perfection avec Louis XI qui, le 24 juillet 1407, demanda à Paul II le droit de nommer à quelques évèchés. Isambert, t. x, p. 510.

Cette démarche n’eut aucun résultat immédiat ; mais elle prépara les voies au concordat d’Amboise, 13 août31 octobre 147*. !, qui, bien que muet sur la nomination aux évèchés, laissa entrevoir l’idée d’un accord possible entre le roi et le pape en matière de provision bénéficiale. Isambert, ibid., p. 653. En fait, « dès 1471, Louis nomme aux évèchés et aux monastères. En 1475, à sa requête, Sixte IV avail transféré d’un seul coup quatre évêques : Clermont, Cahors, Carcassonne, Coutances. Jusqu’en 1483, plus de trente-trois évêques sont choisis par le roi et institués par le pape. » Durant la minorité de Charles VIII, rien ne fut changé. Les avocats et les procureurs royaux favorisaient les chapitres en révolte contre les évêques pourvus par la cour de Rome. Dans ses « Instructions » aux nonces, Innocent VIII se plaint « que les parlements veuillent connaître des élections, -constituer des vicaires pour les juger. » Imbart de La Tour, Les origines de la Réforme, t. il, p. 99, 102, note 1.

Louis XII et Jules II, malgré certains conllits passagers, ne manquèrent pas de se faire de mutuelles concessions et pratiquèrent le régime concordataire avant l’élaboration du concordat. L’avènement de Léon X ne modifia pas ce_ nwdus vivendi. Dans l’espoir d’obtenir un appui politique, le roi prêtait l’oreille aux démarches du Saint-Siège en faveur de Jules de Médicis et d’Alois •de Rossi. Leonis X regesta, n. 9458. François I LT, lui

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

aussi, faisait de semblables promesses à Jules de Médicis et au cardinal Cibo. Op. cit., n. 13660, 12 janvier 1515 ; n. 13 706, 17 janvier.

Soumises aux fluctuations de la politique et aux nécessités du moment, ces concessions mutuelles ne pouvaient satisfaire ni le roi qui désirait avoir la haute main sur les nominations épiscopales, ni la Curie qui ne cachait point son désir de limiter l’ingérence royale dans les choses spirituelles.

L’entrevue de Cologne (11 au 15 décembre 1515) mit fin à cette situation indécise, consacra l’abandon officiel de la Pragmatique et donna valeur juridique au mode suivi en pratique pour la nomination des évêques : au roi la nomination aux bénéfices majeurs, au pape l’institution canonique. Voici d’après les « Ordonnances » de François I"", Ordonnances des rois de France, François I er, t. i, p. 432 sq. ; Thomassin, op. cit., 1. II, c. xi., t. iv, p. 396 sq., les principales dispositions du concordat de 1516 : « Dans les églises métropolitaines et cathédrales du royaume, Dauphiné, comtés de Die et île Valence…, vacantes… de présent ou de temps futur, même par unions faites entre nos mains ou celles de nos successeurs, les chanoines ne pourront procédera l’élection ou la postulation du futur prélat…, mais le roi de France pourra nous nommer, à nous ou à nos successeurs, pontifes romains, une personne… et de cette personne ainsi nommée par le roi, il sera par nous et nos successeurs, pourvu au siège vacant. »

L’élection est supprimée : le pape et le roi sont les deux facteurs du choix épiscopal Le droit de nomination royale doit être soumis aux rc-les canoniques d’âge et d’aptitude ; le futur prélat doit avoir au moins vingt-sept ans, être licencié en théologie, docteur ou licencié en l’un ou l’autre droit, être présenté dans les six mois qui suivent la vacance du siège. Le pape n’est pas collateur force et peut refuser tout choix qui porte sur une personne « non qualifiée » ; le roi alors a trois nouveaux mois pour présenter un autre candidat « qualifié ». S’il néglige d’exercer ce droit dans le délai voulu, la provision est faite par l’évêque de Rome. A ce droit royal deux exceptions étaient faites : les églises conservaient le droit d’élire qui tenaient ce privilège de lettres apostoliques ; le pape demeurait libre de pourvoir aux bénéfices vacants par la mort du titulaire « en cour de Rome ».

Ce n’est pas le lieu de dire quelles résistances devait soulever dans le parlement, l’université et le clergé lui-même, cette charte qui pour plusieurs siècles allait être le statut religieux de la France, ouvrir, dans l’histoire du catholicisme européen, l’ère des concordats et fournir le modèle d’après lequel seraient réglées les difficultés analogues qui naissaient déjà dans les autres nations. Il est bon de noter, cependant, que l’absolutisme royal ne tarda pas à méconnaître l’une des exceptions signalées et que même les églises, qui tenaient d’un privilège apostolique le droit d’élire, eurent bientôt à souffrir de l’ingérence séculière. Dès 15-20, en vertu de ce privilège, les chanoines de Bourges avaient procédé à l’élection ; les officiers royaux menacèrent le chapitre et le roi se mit à intriguer en cour de Rome. Imbart de La Tour, op. cil., t. n, p. 478, et note 2.

Les élections épiscopales sont en réalité sous la dépendance de la couronne ; mal informée, circonvenue et trompée, la papauté n’a le plus souvent qu’à se plier aux volontés royales : le roi présente le candidat, le pape lui confère l’institution canonique. Tel est le mode d’après lequel lesévêques français furent nommés jusqu’en 1905 ; car, si l’on néglige la tentative de la « Constitution civile du clergé », le concordat de 1801 renouvela, en matière de nomination épiscopale, les dispositions de celui de 1516.

Par ce pacte, art. 4 et 5, le pape accordait au pre IV. — 72