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ÉLECTION DES ÉVÊQUES

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chapitres ne tinrent point compte des réserves de la Curie et prétendirent exercer leurs droits électoraux. De Lesquen et Mollat, Mesures fiscales exercées en Bretagne par les papes d’Avignon, in-8°, Paris, 1903. Leurs résistances furent vaines. La réserve était pour longtemps le droit normal en matière de nomination aux évéchés. Elle le demeure encore. « Car les méthodes diverses actuellement en usage qui attribuent à d’autres qu’au pape une part quelconque dans le choix des évêques, sont des concessions locales, exceptions à la loi commune. Elles peuvent bien, dans leur ensemble, s’appliquer à des régions plus nombreuses, plus étendues que celles où est en vigueur la réserve, celle-ci n’en demeure pas moins le droit normal. En sorte que l’une quelconque de ces exceptions venant à cesser pour n’importe quelle cause, dans un pays déterminé, c’est la réserve qui devient la règle applicable à cette nouvelle situation. » A. Louvière, Le droit canonique et les usages actuels pour lu nomination des crépues, dans la Revue de l’Institut catholique de Paris, juillet-août 1907, p. 361.

V. LlCS FORMALITÉS DE L'ÉLECTION ÉPISCOPALE AU

xnie siècle. — 1° Les préliminaires. — Après les funérailles du prélat, le chapitre réuni en séance solennelle adresse au roi deux de ses membres, porteurs d’une lettre revêtue du grand sceau capitulaire. Dans cette lettre il annonce la mort de l'évêque et demande autorisation d’en (Mire un autre. C’est la démarche dite « congé d'élire » ou licentia eligendi episcopum. Le roi remet aux envoyés une lettre accordant la permission demandée, engageant les électeurs à remplir leur devoir en toute conscience et parfois même leur indiquant le candidat qui a ses préférences. Si cette autorisation préalable n’a pas été demandée et obtenue, le roi peut refusera l'élu la mainlevée des régales ou délivrance des biens épiscopaux.

Une seconde députation est en même temps adressée au métropolitain ou, en cas de vacance du siège, ati doyen et au chapitre de l'église cathédrale ; l’archevêque ou le chapitre métropolitain donne autorisation de procéder à l'élection. On fixe le jour et l’heure de l'élection, on rédige et on envoie les lettres de convocation aux membres du chapitre absents, à tous ceux du moins qui sont dans les limites du royaume. La lettre de convocation est remise aux intéressés en présence de témoins ou sur le reçu d’une signature officielle, l’apposition du sceau généralement. Par circulaire spéciale, les archevêques, évêques et ofliciaux du royaume sont invités à faire parvenir la citation aux intéressés qui pourraient se trouver dans le ressort de leur juridiction.

2 n Les opérations électorales. — Le jour de l'élection venu, les chanoines entendent la messe du Saint-Esprit, chantent le Veni creator et prennent place au chapitre ou au chœur. Le doyen prononce un discours, lit les lettres de convocation adressées aux absents et les lettres d’excuses, et, plusieurs autres formalités étant remplies, fait procéder au vote.

L'élection peut se faire de trois manières : 1. par quasi-inspiration ; 2. par compromis ; 3. au scrutin.

1. La quasi-inspiration.

Ce mode électoral fut peu usité. Sans entente préalable, sans discussion, mus comme par une inspiration divine, les ('lecteurs portent leurs voix sur le même nom. D’après un canoniste anglais, Laurent de Somercote, Der Traktat, etc., Weim.ir, 1907, p. 32, le doyen ou celui qui doit émettre le premier son vote s’exprime ainsi : « Très chers frères, nous sommes assemblés ici au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour élire un évêque. Il me semble que N., notre confrère, est digne d'être élu. » Si tous les chanoines sont unanimes à donner leur consentement, le doyen dit aussitôt : u Au nom du l'ère, etc., moi, N., en mon nom et au nom de tous ceux à qui appartient

l'élection, j'élis N., notre confrère, comme évêque. » Après la publication du vote, l'évêque est porté près du maître-autel. Les chanoines chantent le Te Deum pendant que par toute la ville sonnent les cloches ; puis, l'évêque, acclamé par la foule, se rend à son domicile, escorté par le corps capitulaire. Ces dernières remarques sont communes aux trois modes d'éleclion.

2. Le compromis.

Deux votes préliminaires décident de ce mode d'élection. Par un acte officiel, les chanoines s’engagent à remettre l'élection entre les mains d’un certain nombre d’entre eux, connus sous le nom de compromissarii electionis ; ils fixent la durée des pouvoirs des commissaires — souvent letempsque brûlera une chandelle — et promettent de respecter leur décision. Les compromissarii se retirent alors en un lieu secret, derrière l’autel ou sous la châsse d’un saint, examinent devant Dieu le mérite des candidats, arrêtent leur choix et le proclament devant l’assemblée.

Ici, nous retrouvons le droit commun. On rédige le decretum electionis, on chante le Te Deum, on prie l'élu de vouloir bien agréer le choix qu’on a fait de lui. Il résiste pour la forme, puis il accepte.

3. Le scrutin.

Ce mode, très exactement déterminé par le IVe concile de Latran (1215), can. 24, Hardouin t. iiv col. 38 ; Décrétales, I, vi, 42, est le type de l'élection proprement dite. Les formalités préliminaires remplies, trois chanoines sont choisis comme enquêteurs ou scrutateurs (scrulatores votorum). Ils se placent dans un angle de la salle capitulaire et mettent leur vote par écrit ; puis à chacun des chanoines défilant devant eux, ils demandent secrètement : « Frère, … diles-nous pour qui vous votez. — Je vote pour maitre N., notre confrère, répond le chanoine, et je le nomme et élis pour évêque. » Chaque vote est mis par écrit, avec le nom du votant. Cette enquête terminée, les scrutateurs font publiquement la lecture des votes : c’est la publication voulue par le concile, mox publicent in communi. Alors a lieu une opération très délicate, la collatio. On fait le pointage des votes, on cherche à sonder les motifs personnels des votants, on compare les mérites du candidat : c’est la collatio numeri ad numerum, zeli ad zelum, meriti ad meritum. Mandagout, De electionibus, Lyon, 1509, c. xxx, fol. 35. Il n’y aurait pas lieu de procéder à cette opération si la votation était unanime ; mais, si les votes étaient divisés, le candidat de la major et sanior pars capituli serait élu. Major et sanior pars capituli.à la majorité numérique il fallait joindre la majorité dynamique ; en fait, celle-ci pouvait prévaloir sur celle-là.

Cette appréciation était difficile. Aussi, fournit-elle souvent aux minorités le prétexte de résister aux majorités et fit-elle naître au sein du clergé, dans la cité elle-même, des troubles sanglants, des dissensions interminables qui, nécessitant l’intervention du pouvoir séculier et de la cour de Rome, hâtèrent la déchéance que l’on a déjà constatée. Pour les formalités électorales, cf. Der Traktat des Laurentius de Somercote, Weimar, 1907 ; Guillaume de Mandagout, De electionibus, Lyon, 1509 ; Henricusde Segusia, Summaaurea, Lyon, 1588 ; Liber Gulielmi Majoris, Mélanges hist., t. ii, p. 203 sq.. dans la Collection des documents inédits sur I histoire de France.

VI. Les élections épiscopales du XVe au xix c siècle : us CONCORDATS. — Kn enlevant tout pouvoir électoral aux chapitres cathédraux, la réserve, semble-t-il, a fait de la papauté l’unique agent du choix épiscopal : c’est vrai en théorie. En fait, les choses vont autrement. De même qu’après la restauration de l’ancien système électif, en Erance, en Angleterre, en Allemagne et en Espagne, le roi a mis souvent la main sur le choix des évêques, cf. E. Roland, Les clianoines et les élections épiscopales du XP au Xl^ e siècle (thèse), Aurillac, 1909, p. 163-228, de même aussi, au cours du xve siècle et