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ÉLECTION DES EVÈQUES

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transmettre, constituer en dot, céder par donation ou aliéner à sa fantaisie.

A vrai dire, l'élection véritable n’existe plus. Ici, le suzerain, roi, comte ou vicomte, préside lui-même l’assemblée et laisse aux électeurs une apparence de liberté, la satisfaction d'élire le candidat agréable ; là, il autorise les électeurs à procéder à l'élection, mais il sait diriger leur choix et faire triompher son favori ; ailleurs, il nomme directement aux évèchés, impose sa volonté aux chapitres, donne l'évêehé, selon la savoureuse expression du temps, don<> libi… episropalum Albiense, Hist. du Languedoc, t. v, n. 211, le vend à ses créatures, le met aux enchères, le conserve sous sa dépendance et en fait une sorte d’apanage réservé à ses cadets et à ses bâtards.

De là naquit la coutume si fréquente au moyen âge, dans les grandes familles, de destiner à l'état ecclésiastique l’un des enfants afin de lui assurer, ainsi qu'à la seigneurie, d’importants revenus ; de là aussi, la subordination du recrutement épiscopal aux intérêts locaux et la mise en servitude des hommes d'église ; de là enfin, l’abaissement de la moralité ecclésiastique, le mariage des clercs, grands dignitaires et humbles bénéficiers, la simonie, la tendance à transmettre les églises comme un patrimoine, et la constitution, en certaines provinces, d’une aristocratie religieuse qui se ixe peu à peu par l’hérédité ; de là, en un mot, la féodalisation de l'épiscopat.

En résumé, au cours de la période féodale, plus d'élection ; mais la vente, le trafic des évèchés. Ce donum episcopalus, don qui transmettait à la fois la juridiction épiscopale, l'église et le temporel de l'évêehé, se faisait par l’investiture, c’est-à-dire par la remise de la crosse et de l’anneau. Symboles du gouvernement des âmes, la crosse et l’anneau sont les signes au moyen desquels l’autorité séculière confère une fonction spirituelle. De cette confusion naîtra la querelle fameuse dite des Investitures.

Comme prix de cette investiture, le suzerain garde une partie des revenus du siège épiscopal, et ne donne la mainlevée du temporel que si le nouveau titulaire lui rend le serment d’hommage, V hominium, ou celui de fidélité, fidelilas ligia.

Telle était la situation qui, née sous les derniers Carolingiens, développée avec l’expansion même du régime féodal, menaça de supprimer le régime électif, mit, au cours des ix<" et x° siècles, l’Eglise en servitude et donna lieu au vaste mouvement de rénovation religieuse et morale connu sous le nom de réforme grégorienne.

IV. L'ÉLECTION ÉPISCOPALE ET I..V RÉFORME GRÉGORIENNE. — 1° La restauration de l’ancien système électif. — Cette situation déplorable appelait une réforme. Commencée, dès le xr siècle, par Abhon de Cluny, la campagne de réaction contre les abus du laïcisme fut vigoureusement menée parles évâques de Rome. Au synode de Reims (Il octobre 1019), Léon IX revendiqua nettement la liberté électorale, Mansi, Concil., t. ix, col. 741 ; à plusieurs reprises, les conciles romains de 1075, 1078, 1080, ceux de Clermonl et de Rome (10 ! ).") et 10(19), de Troyes et de Reims (11.07 et 1119) condamnèrent et réprouvèrent l’investiture, l’hommage et l’ingérence laïque dans les élections épiscopales (pour le concile de 107.">, voir Hefele, trad. liVlarc, t. VI, p. 501-502 ; /'. L., t. CXLIX.COl. 468 ; Hugues de Flavigny, Chronicon, /'. L., I. ci.iv, col. 77 ; concile de 1078, can. I et i, .Mansi, t. xx, col. 509 ; /'. L., I. CXLVIII, col. G00 ; concile de 1080, Mansi, t. xx, col. 533 ; P. L., t. cxi.vm, col. 810 ; Jaffé, n. 5154 ; concile de Clermont, can. 15, .Mansi, t. xx, col. 817 ; concile de Rome, Eadmer, Ilistoria novorum, P. L., t. clix, col. 408 ; concile de Troyes, can. 1, Mansi, t. xx, col. 1223 ; /'. L., t. cliv, col. 1117 ; Ekkehardi Chro nicon, Mon. Germ. hist., Scriptores, t. vi, p. 212 ; concile de Reims, P. L., t. clxxxviii, col. 873) ; la voix des papes et des évêques grégoriens répéta l’enseignement des conciles et le porta à la connaissance de la chrétienté entière ; les empereurs et les rois, les légistes et les évêques de cour protestèrent contre les décisions pontificales. Rien n’y fit. La Erance d’abord, l’Angleterre et l’Allemagne, après des résistances plus ou moins opiniâtres, des concessions plus ou moins étendues à Londres (1107), à Worms (1122 ; , acceptèrent les volontés romaines.

La réforme grégorienne supprima à peu près complètement l’usage de la nomination directe (convention de Londres, Eadmer, Ilistoria novorum, 1. IV, P. L., I. CLIX, col. 469 ; Mansi, t. xx, col. 1229 ; P.L., t. clxiii, col. 70, 106, Paschalis epist., xlix et lxxxv ; concordat de Worms, Monum. Germ. hist., Leges, t. ii, p. 75 ; P. L., t. CLXIII, col. 1359, 1372 ; Ekkehardi Chronicon, an. 1122, P. L., t. ci.iv, col. 1049 ; Anselme de Gembloux, an. 1122, P. L., t. ci.x, col. 245 ; Guillaume de Malmesbury, Gesla regum Anglorum, P.L., t. ci.xxix, col. 1382-1383 ; mais, ne réussit pas à enlever aux empereurs et aux rois tout droit sur l'élection. S’il a renoncé aux pressions scandaleuses et aux nominations simoniaques, le prince n’a pas oublié la pratique de la candidature officielle et de l’ingérence électorale. Cf. pour l’Angleterre : Oidéric Vital, Hist. eccles., t. IV, 1. XI, p. 300 ; P. L., t. clxxix.coI. 1595 ; Mathieu Paris, Ilistoria Anglorum, édit. de 1644, p. 49 ; P. L., t. ccvii, col. 201 ; t. exc, col. 123 ; Historiens de la France, t. « il, p. 158 ; t. xvii, p. 448, 561, 579, 594, 634, t.xviii, p. 19, 63 ; Mansi, t. XXII, col. 1187 ; pour l’Allemagne : Bruno, De bello saxonico, c. xv, dans Monum. Germ. hist., Scriptores, t. v, p. 334 ; Leges, t. H, p. 36, 37 ; P.L., t. clxxx, col. 1543 ; t. CCXVI, col. 995-1174 ; Ravnaldi, Annales, an. 1185, n. 3 et 4 ; Registres de Grégoire IX, n. 2482. Il veut qu’on lui demande le « congé d'élire », qu’on lui notifie l'élection ; il l’approuve ou la rejette comme il accorde ou refuse la mainlevée du temporel épiscopal.

Mais Grégoire VII et les réformistes n’avaient pas pour unique objectif de limiter le droit du roi et des seigneurs en matière d'élection ; ils voulaient aussi ramener le droit électoral à son ancienne condition ; ouvrir l’assemblée aux clercs de tout ordre, abbés et évêques, clercs ruraux et urbains, dignitaires séculiers et clercs de l'église cathédrale, remettre en honneur la coutume de l’acclamation populaire et enrayer le mouvement qui tendait à concentrer tout l’exercice du pouvoir électoral dans les chapitres cathôdraux.

Ils réussirent momentanément. Au début du XIIe siècle, des évêques, des abbés, des archidiacres, des archiprêLres, des clercs de tout rang, le clerus, de nobles laïques siègent auprès des chanoines dans l’enceinte électorale. Non loin de ces privilégiés se tient le populaire qui manifeste ses vouloirs et ses préférences, qui postule un candidat ou par ses acclamations montre que l'élu lui agrée. Le choix de l'évêque n’est plus réservé à une aristocratie ; il est l'œuvre de toute la communauté chrétienne : « Celui qui doit commander à [uns, doit être élu par tous. » Sur la présence des évêques, voir Hardouin, Conc. cuil., t. vi a, col. 1063 ; Mansi, t. xxii, col. 646 ; Mon. Germ. hist., Scriptores, I. VIII, p. 475 ; Historiens de la France, t. XII, p. 399 ; t. iixi p. 307, note r(. 103 ; i. xv. p. 75, 297, note b, 510 ; t. xvi, p. 077 ; /'. L., I. ci.iv. col. 353 ; t. ci, xiii, col.332 ; t. CLXXIX, col. 497 ; I. ci.xxxil, col. 159, 371, 633 ; t. CC, col. 730 ; Registres de Grégoire IX, n. 2605, 7255, etc. ; Gallia christ., t. iv, luslrum., p. 19-20 ; sur la présence des abbés et des archidiacres, IIe concile de Latran (1139), can. 28. Mansi, t. xxi, col. 533 ; Hardouin, t. vi ii col. 1213 ; llisl. de la France, I. XII, p. 426 -427, notée ; t. iixi p. 307, note a, 321, 408, 468,