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ÉLECTION DES ÉVÊQUES

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partisans de la couronne, fut sa mission et sa raison d'être. Ilincmar fait ce reproche à Louis III : « J'ai entendu dire, lui écrit-il, que chaque fois que vous accordez l'élection demandée, les évêques, le clergé, le peuple doivent choisir celui que vous voulez, que vous imposez. » P. L., t. cxxvi, col. 111. A Mayence, nous disent les Annales de Fulda, le successeur de Rahan Maur fut imposé aux électeurs par la volonté du roi et de ses conseillers, niagis ex voluntale régis et consiliariorum ejus, quant ex consensu et eleclïone cleri et 'poptili. Monum. Geint. Instar., Scriptores, t. I, p. 370. Mêmes excès de pouvoir en Italie. Sur les instances du pape, Rathier de Vérone fut agréé; mais, l'évêque se refusant à prêter serment et à faire abandon de la majeure partie des revenus perçus durant la vacance, le roi le fit jeter en prison. « Les affaires de l'Église et de l'empire, dit ïhomassin, étaient alors si brouillées dans l'Italie que ces désordres y étaient ordinaires. » Op. cit., 1. II, c. xxiv, t. IV, p. 296-297.

En présence de pareils abus, il ne faut guère s'imagi- ner des élections libres. Sans doute la communauté s'intéresse toujours au choix de son chef spirituel ; mais la royauté dirige la volonté du corps électoral, si ] même il ne lui arrive de se substituer aux électeurs et de nommer directement aux évêchés. Imbart de la Tour, j Les élections épiscopales, p. 74-92. Et si les décisions | des XII» (681), can. 6, XVI e (693), can. 2, conciles de | Tolède, attribuant au roi, en termes fort nets, la nomi- | nation aux évècbés, Bruns, Concilia, t. i, p. 326-327, 368, n'ont pas été étendues à d'autres pays, il demeure vrai, qu'en fait, au IX e siècle, le roi considère l'élection comme sa chose, l'institution d'un évêque comme une prérogative de la couronne : « En vertu de notre pouvoir, par cet acte, dit Louis, roi de Germanie, nous concédons à titre bienveillant à cette église le droit de i se choisir un évêque dans son clergé ou dans celui du | diocèse. » Zeumer, Forntulse, p. 395, dans Monum. Gerni. Itist.

Bien entendu, l'Église ne pouvait admettre cette ingérence des princes séculiers. Si dès le VI e siècle, au V e concile d'Orléans, elle avait fait de la confirmation royale l'objet d'une reconnaissance oflicielle, elle n'avait jamais reconnu au roi le droit de nommer le visiteur, ni celui d'autoriser l'élection. Par la voix de ses conciles et de ses évêques, elle n'avait cessé de pro- tester contre l'abus des nominations royales. Ses récla- mations ne furent pas décisives. Sans doute, les proces- verbaux et les formules d'élection continuent à men- tionner la vraie discipline électorale : « Nous vous envoyons un tel, disent-ils au métropolitain, que selon votre permission avec l'autorisation du roi, nous avons élu, » mais les faits sont bien dilférents. P. L., t. cxxvi, col. 270. Ils ne créent pas un droit, mais ils absorbent le droit par leur fréquence même : l'Église fut impuissante à maintenir l'autorité . royale dans les limites qu'elle lui avait tracées au concile d'Or- léans.

Ainsi donc, bien que l'élection de l'évêque soit tou- jours présumée s'accomplir par l'accord du clergé et du peuple ci dans une assemblée publique, il faut noter que, vers la tin du ix e siècle, l'intluence décisive revient aux rois ou à leurs délégués, aux évêques de cour, à l'aristocratie religieuse. Le choix épiscopal est dicté par l'intrigue et l'ambition, l'intérêt des individus ou celui des partis/Théoriquement le droit n'a pas été modilié; mais la pratique lui donne un perpétuel démenti.

Les conciles et les lettres pontificales, les décréta ou procès-verbaux, les documents de cette date pour la plupart disent que l'évêque a été ou doit être élu par le clergé et par le peuple, electiohe cleri et populi; en fait, il n'en est pas ainsi. Le rôle du peuple n'est plus qu'un rôle de parade. La communauté chrétienne est représentée par des clercs et des grands {honorati, no-

bilrs.nobiliores ex populo, nobiles laici, primores ci- vilalis, majores nalu), qui délibèrent et décident du choix à faire. P. L., t. LIV, col. 632; t. exix, col. 920; Pertz, Mon. Gerni. Itist., t. i, p. 582; t. n, p. '23i;ibid., Zeumer, Fornmlse, p. 395; P. L., t. exix, col. 920. Ce n'est plus le populaire qui délibère et choisit; il accepte et approuve l'élu de cette assemblée restreinte. C'est là tout son rôle; et ce rôle n'est pas souverain.

Le collège épiscopal lui-même s'abstient. A chaque vacance, un personnage spécial, choisi parmi les col- lègues de l'évêque défunt, est désigné par le métropoli- tain, et, à son défaut, par le premier suflragant, per- sonnage qui présidera l'assemblée et surveillera l'élection, le visiteur. Au moment où s'opéra cette transformation il en était ainsi. Mais, au rx« siècle, le visiteur est rarement choisi sans l'avis du palais; délè- gue par le chef de la province, il est aussi le représentant du roi ; il tient dans les comices électoraux la place de l'épiscopat provincial et de la royauté.

Le collège épiscopal, il est vrai, n'en maintint pas moins son droit sur l'élection par l'examen et le sacre : nul ne peut être évêque sans son assentiment et son concours. En droit, son intervention, pour s'exercer d'autre façon qu'aux siècles précédents, n'en demeure pas moins efficace et décisive. Imbart de la Tour, Les élections épiscopales, p. 62-70. Mais en fait, mis à part les évêques de caractère indépendant, tel Ilincmar de Reims, les prélats d'alors sont trop souvent disposés à prévenir les volontés royales. Ilincmar essaya de res- taurer l'antique prestige du collège épiscopal en affir- mant son droit à refuser les candidats indignes ou in- capables, à choisir un nouvel évêque en cas de conflit dans le corps électoral. /'. L., t. cxxvi, col. 111-112 : élection de Beauvais, en 881. Cf. col. 260,311.

Malgré ces théories et ces affirmations, malgré' le rôle prépondérant qu'il exerce après l'élection, l'épis- copat n'est pas à vrai dire le véritable électeur. Son pouvoir électoral direct est périmé. Il est devenu le privilège exclusif du clerus. Jadis, ce mot désignait le clergé, l'ensemble des clercs qui tous participaient à l'élection. Au IX e siècle, la composition de cette assem- blée est bien modifiée. Le clergé rural est rarement convoqué; le clergé urbain lui-même est évincé par celui de l'église cathédrale. Connu sous des titres diffé- rents, clerus matris ecclesix, canonici, le clergé de la cathédrale ne tarde pas à jouer un rôle prépondérant, à être le seul facteur électoral. P. L., t. exix, col. 572. Les chefs des monastères du diocèse, vicarii monaste- riorum, ibid., participent à l'élection, au moins avec voix consultative. L'élément laïque comprend quelques nobles. L'assemblée électorale n'est plus constituée par l'ensemble de la communauté chrétienne; et même dans cette assemblée restreinte, diminuée, amoindrie, le pouvoir électoral tend à se concentrer entre les mains du clergé de l'église cathédrale. A la fin du IX e siècle, c'est chose faite. Le roi aura toutes facilités pour faire connaître ses désirs, imposer ses volontés à la nouvelle assemblée.

3° Époque féodale. — Au milieu du ix c siècle, le développement du régime féodal fit perdre aux der- niers Carolingiens, en particulier aux successeurs de Charles le Chauve, tout pouvoir électoral dans un grand nombre d'évèchés.

De ce nouvel état de choses, ce ne fut pas la liberté qui profita, mais l'omnipotence des seigneurs et des métropolitains. Par la division en évêchés royaux et en évêchés seigneuriaux, le haut seigneur se substitue au roi dans l'exercice du pouvoir électoral, sa partici- pation à l'élection prend la forme féodale, son droit de suffrage revêt un caractère territorial. L'electio entre dans le domaine du seigneur au même titre que les autres droits régaliens usurpés au roi ou reçus de lui; elle est un bien domanial et patrimonial qu'on peut