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ÉLECTION DES ÉVÊQUES

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par les clercs et le populaire ne peut être ordonné par le métropolitain qu’avec la volonté du roi : Cum voluntate régis, juxta eleclionem cleri ac plebis, … a metropolitano… non comprovincialibus pontifex consecretur. Bruns, op. cit., t. ii p. 211.

Il importe de noter cette concession, car c’est la première fois que, dans un document officiel, l’Eglise accorde à l’État le privilège d’intervenir dans les élections épiscopales. Qu’on remarque, en outre, qu’il ne s’agit point là d’un droit nouveau, mais de la reconnaissance officielle et légale d’une ancienne pratique, reconnaissance qui ne change rien aux prérogatives électorales du peuple et du clergé, ainsi que l’affirme très nettement le 11e canon de ce concile. En droit, désormais, l’ordre suivi dans la création des évoques sera le suivant : 1° élection par le clergé et le peuple ; 2° confirmation par le roi ; 3° consécration par le métropolitain assisté des évêques co-provinciaux.

Toutefois, en pratique, l’intrusion de la royauté dans les nominations épiscopales porta de nombreuses atteintes à l’exercice de ce droit. C’est de Childebert II que le pape Grégoire le Grand pouvait dire que, dans son royaume, il n’y avait pas un choix épiscopal qui ne fût entaché de corruption : les évêchés faisaient l’objet d’un honteux trafic. Jaffé, Regesta, n. 1374.

Foulés aux pieds dans les royaumes d’Austrasie et de Bourgogne vers la fin du VIe siècle, les canons ecclésiastiques, en matière d’élection, n’étaient guère mieux observés au royaume de Neustrie. Et Grégoire de Tours nous fait remarquer que, sous le règne de Chilpéric, bien peu de clercs parvinrent à l’épiscopat : des laïques qu’on se hâtait de tonsurer étaient habituellement nommés aux évêchés vacants. Hist. Franc, 1. VI,

c. XI. VI.

Une réaction contre cet arbitraire se produisit sous les règnes de Gonlran et de Clotaire II. Elle prit corps, en 614, au Ve concile de Paris qui résolut ainsi la question des élections épiscopales : « Après la mort d’un évêque, celui-là seul doit être ordonné comme son successeur qui a été choisi par le métropolitain et les autres évêques de la province, par le clergé et le peuple de la ville sans qu’il y ait eu de simonie. » Hefele, Hist. des conciles, t. iii, p. 251.

Clotaire II, qui, par un édit du 18 octobre 615, rendit obligatoires les décisions du concile de Paris, modifia ainsi le texte conciliaire : « Celui qui a été canoniquement élu évêque, a encore besoin de l’approbation du roi, per ordinationem principis ordinetur. » Hefele, Hist. des conciles, t. iii, p. 254. Il y a là comme une sorte de concordat tacite entre les deux puissances ; d’une part, l’Église admet la prérogative royale déjà formulée au concile d’Orléans : au roi le droit de ratifier l’élection épiscopale ; de l’autre, le roi tolère que son intervention soit limitée : au peuple et aux clercs le droit d’élire un évêque. Thomassin, op. cit., 1. II, c. xiii, n. 1-7, t. iv, p. 245-247.

Epoque carolingienne.

L’harmonie entre les deux pouvoirs avait été constante durant les règnes de Clotaire II et de Dagoberf. A la mort de ces princes, rien ne fut changé ; mais la décadence de la monarchie mérovingienne ouvrit une période où le droit canon menaça de sombrer, Bareinent les règles canoniques furent plus mal observées. Les officiers du palais se disputaient les évêchés comme ils se disputaient les brillantes situations du royaume ; et les maires du palais, un Charles Martel, par exemple, donnaient à leurs officiers évêchés et abbayes, comme ils faisaient des villas royales. Pendant quelques années, Lyon et Vienne n’ont pas d’évêque, Adon, Chronicon, dans Monumenla Germanise historica, Scriptores, t. ii p. 319 ; le siège de Rouen paraît avoir été vacant plusieurs années. Gallia clirisliana, t. xi, p. 18. Rigobert, évêque de Reims, est expulsé par force de son siège,

Hincmar, Epist. ad llincmarum Landun., P. L., t. cxxvi, col. 516 ; Milon, laïque en possession déjà du siège de Trêves, reçoit l’évêché de Reims. Gesta Trevir., c. xxiv, Monumenta Germanise hislor., Scriptores, t. iivi p. 161. Charles Martel enfin donne à son neveu Hugues les églises de Paris, de Baveux et de Rouen. Gesta abbat. Fonlanell., ibid., Scriptores, t. ii p. 280. Les antiques églises n’ont plus d’évêques ; les évêchés de différentes provinces sont entre les mêmes mains et entre des mains laïques ; vers 740, le désordre le plus épouvantable règne dans l’Église franque et par elle s’étend à la Germanie presque entière : il en fut ainsi au cours du viiie siècle, du moins jusqu’à l’avènement des fils de Charles Martel, tous deux foncièrement religieux.

Carloman, au concile de Leptinnes (743), Hefele, Hist. des conciles, t. iii, p. 827, et Pépin à celui de Soissons (744) promirent de porter remède à ces abus, de prendre, avant de nommer aux évêchés, l’avis des évêques, des notables et du clergé. Hefele, loc. cit., p. 856 ; Thomassin, op. cit., 1. II, c. xni, n. 8-10, t. iv, p. 247.

Hadrien I er invita Charlemagne à ne pas s’ingérer dans les élections épiscopales et à laisser toute liberté au peuple et au clergé. Aussi, dans un de ses capitulaires, ce prince avoue-t-il accorder au clergé de l’empire la liberté’des élections, non comme une faveur, mais comme un droit reconnu par la discipline ecclésiastique, droit dont la sauvegarde seule est confiée aux empereurs. Thomassin, op. cit., 1. II, c. xx, n. 4, t. iv, p. 279. C’était le droit. Mais, en fait, Charlemagne nomma souvent aux évêchés, soit pour prévenir les dissensions, abréger une trop longue vacance, soit pour faire échouer les ambitions et les intrigues de puissantes factions. Bien entendu, dans les élections régulières, le consentement royal devait s’ajouter aux différents consentements exigés des canons pour la création d’un évêque.

Lorsque Louis le Pieux renouvela, en 818, l’article des Capitulaires favorable à la liberté des élections, il présenta cette décision comme inspirée par la loi canonique et ne revendiqua d’autre pouvoir que celui d’autoriser l’élection et d’approuver le choix de l’assemblée. Capitulaire de 818, c. ii, Boretius, p. 276.

Mais tout en aflirmant le droit et les antiques formules de liberté, la royauté carolingienne exerça une influence de plus en plus prépondérante. Charles le Chauve nomma directement aux évêchés, refusa souvent la liberté d’élire, prolongea les vacances épiscopales et retarda les élections. A Reims, il s’obstina dans son refus et laissa plus de dix ans cette métropole sans pasteur ; à Orléans, il fit une violente opposition à l’intronisation du nouvel évêque et ne lui permit d’entrer en possession que sur les instances du concile de Verneuil (844), can. 10.

Comme Louis le Pieux, il fit présider l’élection par ses missi. Le rôle du missus royal était de veiller à l’observance des canons, de réprimer les intromissions ambitieuses et de mettre en garde les électeurs contre les dangers de la liberté : « Que personne, dit un discours prononcé par le délégué du roi, que personne ne fasse un choix inspiré par la flatterie, par la crainte, par l’espoir d’une récompense ou par l’amitié. Ne choisissez pas un maître, mais un prêtre, pas un tyran, mais un évêque. » P. L., t. CXXVI, col. 258. Les papes eux-mêmes tenaient à la présence du messager royal ; en 876, Jean YIII demandait à Charles le Chauve l’envoi d’un m issus extraordinaire à Laon pour veiller au bon ordre électoral. P. L., t. cxxvi, col. 662. Mais peu à peu on oublia le but qui avait motivé l’institution du missus : présenter aux électeurs le candidat préféré du roi, clerc recommandable par ses vertus, ses services, son inlluence, leur faire élire pour évêques les favoris et les