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ÉLECTION DES ÉVÊQUES


II. Du ii° au vie siècle. — « Apres la disparition de la génération apostolique cette pratique changea ; il n’existait plus d’évéques qui eussent sur les autres un ascendant aussi incontesté. » Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclcrcq, in-8°, Paris, 1907, t. i, p. 544. A cette discipline, embryonnaire encore, on dut donner des précisions et des garanties nouvelles. Dès le milieu du iiie siècle, la correspondance de saint Cyprien nous fournit une attestation assez précise de ces innovations nécessaires : « Presque dans toutes les provinces, les choses se passent de la manière suivante : les évêques de la province les plus proches se réunissent dans la ville dont le siège est vacant. L’évêque est élu, plèbe prsesente, il faut que le peuple assiste à l’élection, car singulorum vitani plenissime novit. La dignité épiscopale est alors conférée univers se fraternitatis suffragio et episcoporum judicio. » Epis t., i.xviii. Cf. Hefele, Histoire des conciles, loc. cit. : Thomassin, Discipline de l’Église, 1. II, c. i, n. 4, t. iv, p. 196.

Le choix de l’évêque relève, bien qu’à des degrés divers, de tout le corps électoral ; dirigé par les évêques voisins, il demeure entre les mains des gensde lacilé, peuple et clergé. Autantqu’on peut s’en rendre compte, le choix des électeurs est respecté. Il demeure généralement libre ; il est soumis en dernier ressort aux évêques, juges et arbitres de l’élection. En faveur de cette discipline témoigne la désignation de l’évêque Sabinus et de saint Cyprien lui-même. P. L., t. iii, col. 1026, 1515 ; Leclercq, Histoire des conciles, t. I, appendice III, p. 1090. Les mauvais choix semblent assez rares. Toutefois, dans les moments de crise, la brigue et l’intérêt, l’intrigue et l’ambition ouvrirent l’épiscopat à des médiocrités morales ; mais, en règle générale, la communauté chrétienne s’intéressa au choix de cet important personnage qu’était l’évêque, personnage élu à vie, chef d’une vaste administration, pourvu, outre ses pouvoirs religieux, d’une judicature très fréquentée. Duchesne, Histoire ancienne de l’Eglise, in-8°, Paris. 1910, t. iii, p. 24. Les quelques choix épiscopaux faits en dehors des règles ordinaires ne sauraient empêcher de reconnaître le fonctionnement normal de cette institution quasi-apostolique.

La discipline se lixait peu à peu ; le concile d’Ancyre (314), can. 18, ne fit que la rappeler. Mansi, Concil., t. ii, col. 519. Le concile de Xicée, il est vrai, ne lit aucune allusion à l’intervention populaire dans le choix épiscopal. « L’évêque, dit le canon 4 e, doit être choisi par tous ceux (les évêques) de Péparchie (province) ; si une nécessité urgente, ou la longueur du chemin s’y oppose, trois (évêques) au moins doivent se réunir et procédera la cheirotonie (sacre), munis de la permission écrite des absents. La confirmation de ce qui s’est fait revient de droit dans chaque éparchie, au métropolitain. » Hefele, Histoiredesconciles, t. i, p. 539-540.

Ce silence équivaut-il à une exclusion du peuple’.’Suivant en cela plusieurs commentateurs grecs, le P. Sirmond a soutenu que le 4e canon de Nicée introduisait un droit nouveau en matière de nomination épiseopale, mais que ce droit n’avait pas été admis de sitôt en Occident. Rien n’est moins certain. Le concile, il est vrai, soit qu’il veuille consacrer la prépondérance du collège provincial en matière d’élection, soit qu’il désire préciser l’organisation métropolitaine, n’envisage pas le droit électif des fidèles. Il ne l’ignore et ne le nie pas pour autant, puisque en d’autres documents il mentionne l’intervention du peuple. Socrate, H. E., 1. I, c. ix, P. G., t. lxvii, col. 77 ; Théodoret, /L E., 1. IV, c. xxii, P. G., t. lxxxii, col. 1168. En outre, à cette époque, l’ordination se distinguant fort peu de l’élection et n’étant guère que sa ratification, le texte conciliaire envisage aussi bien l’une que l’autre : le concile de Nicée ne nie en aucune façon les droits électifs des fidèles.

Les conciles d’Anlioche (341), can. 19, de Sardique (343), can. 6, de Laodicée (381’.’), can. 12, Bruns, Canones aposlolorum et conciliorum sœc. iv-vn, Berlin, 1839, t. i, p. 85, 93, 74 ; le Codex Ecclesix Africanæ, ibid., t. i, p. 162, et plus tard les collections canoniques, en particulier le Corpus juris canonici, dist. LXIV, c. i, renouvelèrent et précisèrent le texte de Nicée. Mal compris et mal interprété, le canon 13 e de Laodicée semble méconnaître le rôle électif des fidèles. Il prescrit, en effet, « que l’on ne doit pas laisser à la foule l’élection de ceux qui sont destinés au sacerdoce, » tzi^à toû, u-q rot ;’jyy.o’.z imxpiiizvi : à ; exXofàç 7ïoiEÏor9ai tmv [LsXXôvtcov —LaOi’jTacrGai eï ; Uparstov. Hefele, Histoire des conciles, t. i, p. 1005-1006 ; Bruns, op. cit.. t. I, p. 75.

Van Espen, Comment, in canoncs, p. 161, nie formellement qu’on ait songé à enlever au peuple toute intervention électorale ; il montre même par des exemples qu’après ce concile, le peuple continua à prendre part aux élections" des évêques, et que les magistrats, les hauts dignitaires civils furent entourés d’égards et jouèrent souvent un rôle efficace. Thomassin, Discipline de l’Eglise, I. ii, c. ii, n. 1-17, t. iv, p. 199-204. Les faits ne sont pas contestables ; toutefois ils ne prouvent point ce qu’on leur veut faire dire. Ils ne sont pas une garantie de la reconnaissance du droit électif des fidèles, mais une preuve que le canon 13e a été inobservé et considéré comme lettre morte.

Il vaut mieux chercher une autre explication. « Le texte grec’j/jou ainsi que sa traduction latine turbse, dit (loin Leclercq, donnent le sens exact du canon qui prétend exclure de l’élection épiseopale la foule tumultueuse, l’émeute. Si l’on avait voulu exclure les laïques, on aurait employé des expressions comme Xaoî, Xatxot, en grec, comme populus ou plebs en latin. » Loin de modifier la discipline en vigueur, le canon de Laodicée la confirme en la sauvegardant contre les abus. C’est donc bien le corps électoral qui désigne celui qui exercera au nom de Dieu l’autorité, pour le gouvernement de la communauté chrétienne, car, n suivant la conception chrétienne des élections ecclésiastiques, le corps électoral ne confère aucun pouvoir à l’élu ; il se borne à désigner la personne à qui Dieu, représenté parles autorités compétentes, donne le caractère sacerdotal ou diaconal, et le droit de gouverner l’Église dans la mesure qui correspond à sa position. L’évêque n’est pas le représentant de la communauté chrétienne, mais le dépositaire de l’autorité’que Dieu a sur elle, qu’il a communiquée aux apôtres, et que ceux-ci ont transmise à leurs successeurs. » Dorn Leclercq, dans Hefele, Histoire des conciles, t. ii appendice VIII, p. 1351-1352 et notes 1 et 2. Dom Leclercq renvoie à deux articles de Mo 1 Duchesne : Les paj>cs au VIe sii-cle, dans la Jievue des questions historiques, 1885, t.xxxvii, p. 581 ; La succession de Félix IV, dans les Mélanges d’archéol. et d’hist., 1883, t. iii, p. 248. Après ces remarques de deux savants historiens, nous pouvons conclure que le canon de Laodicée n’apporta aucun changement à la discipline en vigueur et ne fit que mettre les élections épiscopales à l’abri des inlluences mesquines, des intrigues tumultueuses et des ambitions terrestres.

Malgré l’exactitude de ces remarques on ne peut nier qu’il n’y eût une tendance à enlever au peuple le droit de participer aux élections, tendance très vive dans l’Église grecque et qui trouva son expression au VII concile œcuménique tenu à Nicée (787). Dans son canon 3 e, ce concile réservait aux seuls évêques le droit d’élire un évêque, et menaçait de déposition celui qui, avec l’appui de l’autorité séculière, voudrait obtenir un évêché. Hardouin, Conc. collectio, t. iv, col. 487 ; Mansi, Concil., t. xiii, col. 419 ; Hefele, Hist. des con