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ÉLECTION DES ÉVÊQUES


à-vis duquel son jugement se trouve indifférent. Deux partis se présentent donc devant l’ange : aimer sa propre excellence, abstraction faite de sa relation accidentelle au Dieu surnaturel ; l’aimer en tenant compte de cette relation, qu’il connaît d’ailleurs par sa foi. Au point de Mie du jugement spéculatif, et même du jugement pratique, il sait parfaitement ce qu’il doit faire, et sa volonté ne peut se soustraire à cette dictée, car se soumettre à Dieu de quelque façon qu’il se présente comme fin, est du ressort de la loi naturelle. Comment donc a-t-il pu pécher’.’Il ne reste que le jugement practico-pratique, lequel n’est pas, nous l’avons vu, purement intellectuel, mais s’actualise sous l’empire de la volonté efficace de la (in. Voici, en conséquence, comment les choses ont pu se passer. L’ange voulant efficacement sa béatitude, a utilisé le jugement pratique qui lui représentait sa propre excellence, soit comme un but dernier, soit plutôt comme moyen absolument suffisant pour conquérir sa béatitude intégrale. La vigueur avec laquelle son appétit efficace de sa béatitude s’est porté sur ce jugement pratique, d’ailleurs juste au point de vue naturel, en a fait un jugement practicopratique déterminant. L’élection, dès lors, ne pouvait, in sensu composite, s’entend, que se porter sur ce parti. Du coup, la relation à la fin surnaturelle, présentée dans le jugement pratique concomitant, était rejetée, et le péché d’orgueil consommé. On voit que la cause de l’inattention de l’ange ne doit pas se chercher du coté de son esprit absolument éclairé sur son cas (et c’est ce qui explique qu’il ait péché) ; mais du côté’de l’efficacité de sa volonté cherchant une issue pour conquérir la béatitude : la volonté s’est précipitée sur le parti favorisant l’excellence naturelle de l’ange, l’a actualisé comme motif déterminant, et dés lors s’est tixée en lui définitivement, à la manière angélique, par un choix excluant toute possibilité de retour : itaquod defectus inducens peccatum sit solum ex parle electiottis. Sum. theoï., I a, q. i.xiii, a. 2, ad >’". Cette explication s’harmonise, on le voit, avec les théories thomistes de l’élection.

6° L’élection dans le Christ et dans les bienheureux. — Saint Thomas assimile l’élection dans le Christ et dans les bienheureux. Sum. theol., III’1, q. xviii, a. i. ad 3um. Partout où il y a nature intellectuelle, en effet, il y a connaissance de la raison universelle du bien et des réalités qui, la participant, s’y rapportent comme des moyens. Il y aura donc élection dans le Christ, Sum. theol., III 11, q. xviii, a. 4 ; et dans les anges et hommes béatifiés. S. Thomas, In IV Sent., . II, dis t. VII, q. i, a. 1. Quant aux conditions dans lesquelles se meut l’élection, saint Thomas les déclare identiques dans le Christ et les bienheureux. Sum. theol., loc. c/<., ad3" m. Le conseil et l’hésitation qui lui est inhérente sont supprimés, puisque nous n’avons pas affaire à des natures capables d’ignorance, spéculative non plus que pratique, ou même præfico-pratique, la volonté du Christ et des bienheureux étant, à des titres divers, confirmée dans Je bien. Sed lamen possimt relie hoc vel illud, quorum neutrum a [me deordinat, et sic salvatur proprietas rationàlii potestatis, … quamvis non possint in /arc opposita, bonum et malum. In IV Sent., loc. cit., ad I"" 1.

7° L’élection dans 1rs démons, 1rs damnes, les infidèles et lus pécheurs. — Les mêmes principes s’appliquent aux démons et aux damnés, dont l’intention première est irrévocablement fixée dans le mal.

Celte détermination fondamentale de leur volonté rejaillit instantanément chez les anges sur leur jugement pratique contingent. Sum. theol., I q. i.mv, a. 2.

De même, sauf l’instantanéité, chez les damnés, De la résulte qu’un acte délibéré, vraiment bon, leur est impossible, leurs choix ne pouvant se porter que sur des objets émis sous l’empire de l’intention efficace du

mal. S.Thomas, Sum. theol., III SuppL.q. xcvni.a.l. Voir DÉMON, col. 393 sq., 403.

Il en est tout autrement des infidèles que.lansénius il Bafus ont prétendu assimiler aux damnés. L’inclination fondamentale de la volonté humaine ou bien raisonnable n’est pas éteinte en eux, non plus que les principes de la syndérèse. Ils peuvent donc émettre des jugements practico-pratiques sous l’empire d’une intention droite, et les élections motivées par ces jugements échapperont à l’empire de l’impiélé. D’où la condamnation par Pie V de la proposition de Michel du lîay : Omnia opéra, infidelium sunt peccata. Denzinger, Enchiridion, n. 1025(905). Voir t. ii col. 83.

A plus forte raison, les simples pécheurs gardent-ils le pouvoir de faire de bonnes élections. Cf. ibid. n 1027 1028. Voir t. ii col. 81-80.

A. Gardeil.

: {. ELECTION DES ÉVÊQUES. Sans entrer ici

dans les discussions relatives à l’origine de l’épiscopat, voir ÉvÊQUES, on se borne à constater que durant quinze siècles l’élection fut le mode normal de toute nomination épiscopale. L’élection est la désignation canonique d’une personne ecclésiastique à une dignité’vacante ; d’ordinaire, le sujet est choisi pour une communauté dont il fait partie. — I. A l’époque apostolique. II. Du II » au vr siècle. III. Du VIe au xr siècle. IV. La réforme grégorienne. V. Les formalités de l’élection épiscopale au XIIIe siècle. VI. Les élections épiscopales du xvau xixe siècle : les concordats. VIL Les élections des évoques et les disciplines non concordataires.

1. A l’ÉPOQUE APOSTOLIQUE.

Choisis par le Christ, les apôtres à leur tour désignaient eux-mêmes ceux qui devaient leur succéder ou avoir la haute main sur la communauté locale. A Jérusalem, « Jacques, le frère du Seigneur, reçut l’administration de l’Église après les apôtres. » Eusèbe, /L E., 1. II, c. xxiii, n.’i, collect. Hemmer et Lejay, in— 12, Paris, 1905, p. 200 ; 1. IV, c. xxii, n. 4, p. 456. A Rome, après le martyre de Pierre et Paul, Lin fut choisi pour premier évêque de cette ville. Eusèbe, op. cit., I. III, c. ii ibid., p. 224I. III, c. iv, n. 8, p. 233. A Smyrne, Polycarpe fut établi évêque par les apôtres : Oitô tûv àTroirro/ov xata(TTx’jet ;  ; à Kphèse, « Timothée obtint le premier le gouvernement de l’Église… ; » il est probable qu’il en fut de même à Athènes pour Denvs l’Aréopagite, pour Tile dans l’île de Crète. Eusèbe, op. cit., I. IV, c. xiv, n. 3, ibid., p. 410 ; 1. III, c. iv, n. 5, 10, p. 233, 235.

Un document d’une importance non moins grande, la lettre de saint Clément de Rome à l’Église de Corinlhe, nous fournit une indication très précieuse pour l’histoire des élections épiscopales. Prévoyant les contestations auxquelles donnerait lieu le choix des évoques, les apôtres, dit ce texte, promulguèrent deux règles : choix du sujet par le collège épiscopal, approbation il.’ce choix par la communauté chrétienne. 1 Cor., xi.iv, (’ilit. l’unk, Tubingue, 1887, f. i, p. 116. Ainsi, vers 97, le choix de l’évêque appartient aux disciples des apôtres ; des hommes, comme Tile et Timothée, nomment les évêques, mais la communauté entière doit se prononcer sur ce choix (consentienle universa ecclesia).

La Didaché elle-même, n. 15, corrobore l’affirmation clémentine sur la participation des fidèles au choix épiscopal : « Ainsi donc, dit-elle, élisez-vous des évéques… dignes du Seigneur. » Les Pères apostoliques, (’dit. Hemmer et Lejay, t. i, p. 25. En quoi consistait au juste ce rôle du peuple, de quel poids était le consentement de la foule chrétienne, on ne saurait le dire exaclement ; toutefois, il semble que dés la période apostolique le peuple approuve le candidat choisi par l’apôtre ou ses disciples. Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l’Église, I. ii, c. i, n.2, Bar-leDuc, 1865, I. iv, p. 195.