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ELECTION

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Les vertus morales : prudence, justice, force, tempérance, et leurs parties ou dépendances, ont donc pour objet direct de rectifier d’une manière habituelle le choix des moyens pratiques par lesquels est assurée l’efficacité, sur le terrain de la vie pratique, de la volonté générale du bien, appelitus reclus. C’est comme un acquis, qui soulage d’autant le labeur actuel de la conscience, sans cependant jamais le supprimer, car il appartient à la raison de veiller activement à son œuvre. Mais au lieu d'être obligée, comme chez les commençants, à se faire jour, à coup de réllexions, de délibérations, de motions efficaces sous l’empire de la fin, la conscience peut se reposer sur ces causes permanentes d'élections bonnes, qui assurent le train ordinaire de la vie vertueuse.

Une chose digne de remarque, c’est que cette solidification des élections vertueuses, en vertu même de sa solidité, peut devenir le point de départ d’un progrés pratique indéfini dans la vertu. Les objets de ces élections, arrêtées et fixées pour ainsi dire d’avance par les vertus, peuvent être considérés, à leur tour comme autant de fins inébranlablement voulues parle vertueux, fins concrètes déjà particularisées, du domaine enfin de la vie pratique : et, dès lors, on peut partir de ces objets, comme d’autant de fins secondaires dont la volonté est acquise, pour préciser les moyens de plus en plus pratiques d’assurer ces fins, et ainsi renforcer encore la volonté générale des fins supérieures de la moralité. La sobriété, par exemple, est un des moyens d’assurer la tempérance, laquelle, à son tour, est moyen vis-à-vis de cette fin supérieure qui s’appelle posséder sa raison, principe de toute moralité naturelle. Mais la sobriété, une fois passée à l'état d’habitude, engendre une foule de délibérations et de choix concernant les moyens de la rendre efficace dans la pratique de tous les jours. Tel, par exemple, choisira comme moyen l’abstinence d’alcool, tel autre ou le même, peu importe, de ne pas boire entre ses repas, etc. Et ces actes se solidifient à leur tour en habitudes et deviennent à leur tour le point de départ d’autres progrès. Et ainsi le domaine assujetti à l’idéal moral progresse indéfiniment, ce qui était d’abord objet d'élection, devenant une fin sur laquelle on peut s’appuyer pour un travail ultérieur.

Dans cet exercice caractéristique de la vie vertueuse, la vertu de prudence occupe une place spéciale avec ses trois aspects : habitude déjuger, habitude de choisir, habitude d’ordonner les moyens les plus aptes à assurer les fins. Dien que l’habitude d’ordonner les moyens, étant la suprême démarche de la prudence, soit sa caractéristique définitive, l’habitude de bien choisir joue un rôle décisif dans son fonctionnement, car elle met en relation définie et ferme le commandement (imperium) qui regarde les puissances exécutrices, avec les dictées de la raison. Saint Thomas a admirablement analysé ce mécanisme de la prudence, el montré comment après avoir fourni aux habitudes morales, qui perfectionnent les puissances conduites : volonté, passions de l’irascible et du concupiscible, leurs élections vertueuses, c’est-à-dire justes, fortes, tempérantes, la prudence s’inspire de ses propres résultais dans ce domaine qu’el le commande, et, prenant comme fin de choix et d'élections nouvelles les élections et les choix vertueux qu’elle a contribué si efficacement à asseoir dans la vie pratique, fait sans cesse avancer notre vie vers un fini moral de plus en plus complet. S.Thomas, Sum. theol., I a II 36, q. lxv, a. 1 ; II* II », q. xlvii, a. 6, 7, etc. Cf. Commentaria Cajetani, ibid. Pour plus de détails, voir Vertus morales.

Pour l'élection de la foi, voir Crédibilité, t. iii, col. 2205, 2208, 2219-2220.

4° L'élection en Dieu. — Les théologiens marquent dans l’unité absolue du vouloir divin à l’endroit des créatures comme des moments successifs qu’ils nomment.

avec la sainte Écriture, des noms de prescience, conseil, édection, prédestination, vocation, et qu’ils conçoivent par analogie avec les actes partiels intégrant l’acte humain, en excluant, bien entendu, les imperfections de ces actes. Nous ne nous proposons ici que de manifester brièvement le raccordement analogique de l'élection divine avec la base psychologique que nous fournissent les éléments ci-dessus analysés. Pour le reste voir le mol Prédestination, qui désigne l’acte central et décisif de la volonté divine à l'égard des créatures, acte qui, correspondant à Yimperium, ne saurait être expliqué sans faire appel à l'élection. Voir aussi l’article précédent.

Tous les théologiens transposent la notion de l'élection en Dieu. L’objet de l'élection divine, ce sont les moyens d’assurer dans l’ordre de la création sa gloire, qui est lui-même. Les créatures, le monde tel qu’il a été créé, spécialement les créatures intelligentes, objets d’une providence spéciale, anges et hommes, et spécialement encore, la glorification éternelle de ces créatures, telle est la matière de l'élection divine.

Tous les théologiens catholiques admettent que l'élection divine est absolument libre. Suarez ne parle pas autrement que les thomistes sur ce sujet ; et la liberté absolue des élections divines est même l’un des arguments qu’il fait valoir pour prouver, par analogie, Metaph., loc. cit., n. 11, le caractère d’indillérence absolue que nous lui avons vu reconnaître à l'élection humaine, lorsque deux motifs égaux, ou plusieurs motifs inégaux sont en concours. Voir plus haut, col. 22'iû, 2246. Les thomistes, conformément à leur doctrine, professent que l'élection divine, en ce qui concerne les créatures, est motivée objectivement par le meilleur du fait que le bon plaisir divin doit être considéré comme une valeur objective, qui s’appliquant à telle ou telle créature, à tel monde, à tel élu, les fait ressortir comme le parti le meilleur qui puisse être choisi par Dieu et par suite, comme un motif d’une certaine façon déterminant, à l’endroit de l'élection divine. Cette détermination est évidemment, d’après les principes exposés, de l’ordre des nécessités hypothétiques ; elle suppose que la volonté divine s’est affirmée pour tel moyen, et par suite, en définitive, qu’en étant déterminée par lui, elle est déterminée finalement par son bon plaisir. Cela ne blesse pas la liberté absolument transcendante du Dieu, qui, à la lettre, operatur omnia secundum consilium voluntatis sux.

Il suit de l’une et l’autre de ces explications que le monde actuel est le meilleur des mondes possibles, non pas absolument, puisque Dieu eût pu en choisir d’infiniment plus beaux et plus parfaits, mais en ce sens que Dieu ayant voulu celui qui existe, en raison même de celle volonté, le monde actuel se trouve être le monde le meilleur. Et cela doit s’entendre, si l’on suit la conception thomiste, d’une supériorité même objective. Et par là, se trouve contredite la conception déterministe et optimiste de la création, telle qu’entre autres l’a formulée Leibnitz. Voir CRÉATION, t. III, col.2091.

5° L'élection dans les anges. — L’essentiel sur cette question a été dit par M. Vacant, t. I, col. 1235 sq. Nous n’ajouterons que quelques mots pour faire saisir comment la doctrine de saint Thomas qui est rapportée à cette place n’est, dans son point le plus important, qu’une application de ce que pensent les thomistes sur l'élection. L’ange, nature intellectuelle parfaite, ne peut commettre aucune erreur, soit spéculative, soit pratique, tant qu’il se maintient dans la ligne intellectuelle. D’autre part, au point de vue volontaire, il veut naturellement tout ce qui constitue son bien propre vrai, et ne peut pécher contre la loi naturelle, y compris les devoirs envers Dieu. Reste l’ordre surnaturel, non prévu par les capacités actives de sa nature, et vis-