Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/491

Cette page n’a pas encore été corrigée

2249

ÉLECTION

2250

prendre la raison d'être, et, sine prsejudicio, l’efficacité explicative. Cf., en particulier, B. Médina, Ia-IIæ, q. xiii, a. 6 ; Salmanticenses, op. cit., De volunlarie, disp. II, dub. i, n ; Jean de Saint-Thomas, Cursus theol., Ia-IIæ, q. XIII, disp. VI, a. 2. Ces derniers signalent dans leurs références les contributions des autres thomistes. Voir aussi Garrigou-Lagrange, Intellectualisme et liberté chez saint Thomas, dans la Revue des sciences philosophiques et thêologiques, 1908, p. 22-24 ; Sertillanges, S. Thomas d’Aquin, Paris, 1910, 1. VI, c. iii, t. ii p. 223-225, 234 sq. ; Rousselot, L’intellectualisme de saint Thomas, Paris, 1908, p. 216-217.

III. Applications tiiéolociques.

Je n’ai pas la possibilité de développer ici les questions où l'élection se trouve impliquée. Je veux cependant marquer le lien qui rattache les principales d’entre elles à la psychologie qui vient d'être exposée. Ce ne sera pas sortir <lu mot : Élection, acte humain. Pour plus de développement on renverra au fur et à mesure aux mots qui appellent obligatoirement les questions signalées.

Le déterminisme des motifs.

Cette question est en soi philosophique. Elle relevé cependant de la théologie en raison du dogme de la liberté humaine. Cf. Denzinger, Enchiridion, Ind. st/st., VI d, Vil d, xe et g. C’est un de ces sujets que Cano nomme une question théologique naturelle. De locis, 1. XII, c. v.

La thèse déterministe peut s’exprimer en ces quelques mots : Pour expliquer l’inlluence des motifs sur l'élection, ou bien vous faites appel au principe de raison suffisante, et vous aboutissez alors à un déterminisme optimiste ; ou bien vous ne tenez pas compte de ce principe, et alors c’est le libertisme absolu. Ce dernier parti est inadmissible, donc le déterminisme psychologique s’impose. Voir la mise en forme de cette objection dans l’article cité du P. Garrigou-Lagrange, p. 6-12 ; Sertillanges, op. cit., p. 275 sq.

La solution dépend de ce que nous avons dit plus haut. Les suaréziens ont à répondre à la partie de l’objection qui vise le libertisme. Leurelfort consiste à en restreindre les conséquences, à lui tracer des limites, objectives et subjectives, sans toutefois renier son principe pour ce qui regarde les objets contingents. Les thomistes ont à répondre à la partie de l’objection qui vise le déterminisme, puisqu’ils acceptent les conséquences du principe de raison suffisante^ tiennent que nécessairement, en fait, l'élection a pour objet le meilleur. Mais, disent-ils, ce meilleur motif, quels que soient d’ailleurs ses fondements objectifs, n’exerce sa vertu actuellement déterminante sur la volonté, que par une sorte d’influx supérieur dérivé de la volonté voulant efficacement la fin et, par suite, en vertu du caractère impérieux de ce vouloir. Or, ce vouloir efficace de la fin, la volonté l’exerce quand elle veut, sauf dans le cas de la vision béatilique qui n’est pas en cause : il ne dépend donc, en aucune façon, de la force des motifs, étant supérieur ;  ! tous, D’où il résulte que, dans deux conjonctures successives, tout étant d’ailleurs absolument disposé de même du côté des motifs d’agir, le choix de la volonté sera différent. Dans le premier cas, par exemple, la volonté, n’ayant pas l’intention efficace d’en linir, n’aura pas mis en œuvre le motif actuellement le plus fort ; ce motif, en dépit de sa plus-value objective, sera resté inerte. Dans le second cas, voulant à toute force réaliser la fin en vue, elle utilisera le jugement qui actuellement, dans la conscience, représente le meilleur parti, le seul qui, de par le principe de raison suffisante, soit en harmonie avec l’efficacité du vouloir de la fin ; et le moyen le meilleur, ainsi mis en évidence dans un jugement practico-pratique ultime, déterminera le choix, nécessairement, in sensu composito, c’est-à-dire en fait, .non en droit. Il est, en effet, nous l’avons dit, impos sible que la même volonté qui actuellement veut efficacement la fin, se propose et s’impose objectivement le seul moyen que lui laisse le principe de raison suffisante, et dans le même instant ne l’accepte pas en fait. Mais comme l’efficacité de l’exercice du vouloir des fins est complètement facultatif pour la volonté, on voit que cette nécessité de l'élection n’en est une, que parce que la volonté libre l’a rendue telle. Et donc il n’y a pas déterminisme absolu et de droit, mais seulement déterminisme hypothétique, de fait, et relatif. Voir Déterminisme, Liberté.

Question du probabilisme.

La psychologie de l'élection, telle que l’entendent saint Thomas et les thomistes, correspond au probabiliorisme ; la psychologie de Suarez est la psychologie du probabilisme. Ces doctrines morales ont leur Physique dans les théories de l'élection. Ce que l’on peut expliquer ainsi : Dans tout acte humain intégral, il s’agit d’atteindre une fin par des moyens. Quelle que soit la fin actuellement voulue, le mécanisme psychologique est le même. Supposons que cette fin soit la vie morale, honnête, l’honnêteté. Nous sommes sur le terrain même des questions du probabilisme, quotiescumque agitur de sola honestate objectiva actionis. Les opinions en présence constituent autant de jugements pratiques concernant les moyens d’atteindre cette fin, l’honnêteté morale. Ces moyens sont contingents, c’est-à-dire qu’aucun d’eux n'égale adéquatement la bonté de la fin ; sans cela il n’y aurait pas lieu au delectus opiniottum, au choix des opinions. Pour qu’il y ait lieu à élection, il faut que le moyen ne soit pas nécessaire pour la fin, et donc que le jugement pratique qui le propose soit probable ; d’où son qualificatif d’opinion.

Le principe général qui règle l’application du probabilisme est double : 1. Là où il est impossible d’arriver à la vérité absolue, comme cela est de règle pour les actions humaines, il faut choisir ce qui s’en rapproche, verisimile est sequendum. D’où exclusion de la doctrine rigoriste qui refuse toute valeur morale à la probabilissima. Denzinger, Enchiridion, n. 1293 (1158). 2. Il faut cependant que le moyen soit véritablement un moyen, conveniens fini, d’où exclusion de la tenuiter probabilis. Cf. Denzinger, Enchiridion, n. 1153 (1020).

Ces deux positions sont des conséquences nécessaires des principes généraux gouvernant l'élection. Voir plus haut. Les nier, c’est supprimer la matière même de l'élection qui est : l.de contingenti ; 2. de convenienti ; c’est se placer dans ce que les anciens appelaient positio exlrani a, une position qui supprime les données du problème, ici le problème du delectus npinionum in re morali, e problème même du probabilisme.

Ceci posé et supposé' acquis, les trois cas rencontrés dans la psychologie de l'élection en général se retrouvent transposés dans la question du probabilisme. Il peut arriver, en effet, que pour satisfaire au devoir d'être honnête, actuellement représenté par telle fin en vue et, comme telle, efficacement voulue, nous nous trouvions en présence d’un seul moyen vraiment moral, opinio solitarie probabilis ; de deux moyens également moraux, également efficaces donc, hic et nunr. pour remplir la fin de la moralité ; de plusieurs moyens, tous moraux, c’est-à-dire en harmonie avec la fin, si on les considère en soi, opinio solide probabilis, mais cependant inégaux, en ce sens que les uns offrent plus de chances de conduire à la fin, les autres moins. La bonté du moyen, comme tel, doit, en elfet, se juger d’après son coefficient de valeur efficace pour procurer la lin.

Premier cas. — Il est clair que l’on peut toujours user du moyen unique, puisqu’il est propre à réaliser la fin, et qu’on le doit même, toutes les fois que la fin à réaliser se rattachant à une loi ou à un précepte