Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/485

Cette page n’a pas encore été corrigée

2237

ELCESAITES

2238

Il est à remarquer que, parmi les péchés graves, l’apostasie, la fornication et l’homicide, jusqu’alors traités par l'Église avec une grande sévérité, et dans le traitement desquels le pape Calliste venait de faire une première brèche par l’adoucissement des rigueurs canoniques à l'égard de la fornication, les elcésaïtes, dans leurs formules, passaient sous silence l’apostasie et l’homicide pour ne parler presque exclusivement que des fautes charnelles, auxquelles ils offraient un moyen de pardon beaucoup plus facile que dans l'Église, mais absolument contraire à la doctrine catholique. Que faisaient-ils donc de l’homicide ? Sans doute, c'était là une faute très rare, et qui, elle aussi, pouvait être lavée par leur baptême purificateur. Quant à l’apostasie, il n’en pouvait être question parmi eux, puisqu’ils ne se regardaient pas comme astreints à garder leurs serments et qu’ils autorisèrent, en temps de persécution, la simulation et même le reniement, au grand scandale d’Origène, loc. cil., et de saint Epiphane. Hier., xix, 1, P. G., t. xii. col. 261. Mais du coup le baptême chrétien, qui ne peut se conférer qu’une fois, puisqu’il n’y a qu’une seule régénération comme il n’y a qu’une seule naissance, et la pénitence canonique qu’on n’accordait encore qu’une fois, mais dont le régime ne devait pas tarder à s’adoucir de plus en plus, tout en restant toujours un acte méritoire d’humiliation, de mortification et de repentir, liaient supprimés et il n’y avait plus de christianisme.

3° Sur l'Écriture. — A l’exemple des autres sectes juives, les elcésaïtes ne se servaient que de certains livres de la Bible ; comme les esséniens, ils repoussaient tout ce qui, dans l’Ancien Testament, avait trait aux sacrifices ; comme les ébionites, ils abominaient saint Paul et n’acceptaient aucune de ses Kpitres ; quant au reste de l'Écriture, ils ne devaient guère l’utiliser que pour donner un semblant d’orthodoxie à leurs erreurs. A vrai dire, l’Ecriture n’avait plus sa raison d'être entre leurs mains, puisqu’ils possédaient dans le livre d’Elcésai la perle précieuse et unique, « qui renfermait tous les mystères du salut qu’il ne fallait pas révéler au premier venu, parce que tous les hommes ne sont pas fidèles et toutes les femmes ne sont pas droites. » Ces mystères, ni les philosophes de l’Egypte, ni l’ylhagore lui-même parmi les Grecs ne les avaient connus ; car si Elcésai avait paru, quel besoin auraient eu Pylhagore, Thaïes, Solon, Platon ou les autres Grecs de se mettre à l'école des prêtres égyptiens '.' Mais les elcésaïtes les connaissaient, et leur livre sacré les dispensait de recourir à aucun autre. Accepter donc le livre d’Elcésai, y ajouter foi sans chercher à le comprendre, voilà qui assurait la pureté de la conscience et le salut.

IV. Pratiques.

1° Circoncision. — Étant de race juive, les elcésaïtes conservèrent la plupart des pratiques du judaïsme, entre autres celles de la circoncision, du sabbat et des observances légales. S. Épiphane, Hær., xix, 5, P. G., t. xi. i, col. 263. Ils imposaient à leurs adeptes le devoir de se faire circoncire, se montrant sur ce point plus rigoureux que les auteurs des Clémentines. Sans doute, d’après la préface placée entête des Homélies, la doctrine ne devait être conliée qu'à des croyants circoncis, bonne preuve qu’on accordait tout au moins à la circoncision une sorte de privilège ; mais, d’après les Récognitions, la circoncision n'était pas une obligation stricte, car était réputé juif celui qui, Deo credens, legem impleverit ac voluntatem ejus feceril, ETIAMSl NON sir CIRCUMCISUS. Recognit., v, 34, P. G., t. î, col. 1346. Ce passage, il est vrai, a pu être interpolé par une main chrétienne.

Rôle de l’eau.

Comme les esséniens, les elcésaïtes proscrivaient l’usage de la chair des animaux, S. Épiphane, Béer., lui, P. G., t. xii, col. 960, et le rite des sacrilices anciens. En conséquence, ils suppléaient

aux sacrifices expiatoires de l’ancienne loi par autant de baptêmes que le réclamaient les circonstances. C’est là ce que suggère ce passage des Récognitions : Ne forte putarent, cessantibus hostiis, remissionem peccalorum sibi fieri non })osse, baptisma eis per aquam statuit. Recognit., I, 39, P. G., t. i, col. 1230. En effet, ils avaient pour l’eau une vénération particulière ; ils la regardaient comme le moyen par excellence de la propagation de la vie, S. Épiphane, Hær., un, P. G., t. xli, col. 960, et ils lui attribuaieut un rôle purificateur préférable au feu des anciens sacrifices. Hser., xix, 3, col. 265. Cf. Recognit., i, 48, P. G., t. i, col. P236. On conçoit des lors que non seulement ils aient vu dans le baptême, tel qu’ils le pratiquaient, un moyen d’obtenir le pardon des péchés et de renaître à la justice par le pouvoir du Saint-Esprit qui, depuis la création du monde, opère par l’eau, Recognit., VI, 8, 9, P. G., t. i, col. 1351, 1352 ; Homil., xi, 26, P. G., t. ii, col. 293, mais encore qu’ils l’aient renouvelé tout comme on renouvelait dans l’ancienne loi les sacrifices expiatoires. Déplus, à ce bain baptismal ils attribuaient une vertu thérapeutique souveraine, propre à guérir les possédés, les phtisiques, et tous ceux qui étaient mordus par un serpent ou par un chien enragé ; les intéressés n’avaient qu'à se jeter tout habillés dans l’eau, en invoquant les sept témoins déjà cités, et à dire : « Secourez-moi et chasse/, loin de moi mon mal. » S. Épiphane, Hasr., xxx, 17, P. G., t. xi.i, col. 433.

Mariage.

En trois phrases, saint Épiphane. Hxr., xix, i, P. G., t. xi.i, col. 261, rappelle la doctrine d’Elcésai sur la virginité, la continence et le mariage : virginitatem odit, continentiam damnât, ad ineundas nuptias compellit ; et ceci s’accorde bien avec les Clémentines qui recommandent le mariage par-dessus tout. Epist., 7 ; Homil., iii, 68, P. G., t. ri, col. 41, 153. Pour décrier ainsi la virginité et condamner la continence au point d’obliger les enfants à se marier dés qu’ils élaient nubiles, la haine contre saint Paul peut l’expliquer, puisqu’il louait la virginité et n’imposait pas le mariage, mais il faut y voir aussi une influence gnostique, bien que les elcésaïtes aient évité les abominables excès des carpocraliens et d’autres sectaires.

Prière.

Sur ce point, les elcésaïtes se conduisaient comme les judéo-chrétiens exagérés. Bien que Jérusalem n’existât plus, remplacée qu’elle avait été par.Hlia Capitolina, son emplacement passait toujours comme l’endroit le plus sacré du monde. Aussi regardaient-ils comme un devoir, quand on voulait prier, de se tourner, où que l’on fût, au nord, à l’est ou au sud, non vers l’Orient, mais vers la cité' sainte. S. Epiphane, Hser., xix, 3, /'. G., t. XLI, col. 264.

Astrologie.

D’après les Philosophoumena, ix, 16, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 452 sq., les elcésaïtes croyaient à l’inlluence des astres sur les jours de la semaine, d’où leur distinction entre jours fastes et jours 1 néfastes. Les jours néfastes, malignement influencés par certains astres, on ne devait rien entreprendre, on devait même s’abstenir du baptême ; chaque semaine, le jour du sabbat et le troisième jour suivant étaient considérés comme néfastes. Les Homélies clémentines, xix, 22, P. G., t. ii, col. 144, semblent faire écho à cette superstition, quand elles attribuent l’origine des malheurs de l’homme à la non-observation des temps propres. C’est une preuve de plus de l’esprit éclectique des eleésaïles, qui empruntèrent à des sources multiples les éléments de leur doctrine et de leur pratique. Mais ce n’est pas la dernière, car il faut encore tenir compte de l’influence de l'ésotérisme qui se fit sentir chez eux et se manifeste tout particulièrement par l’emploi d’une formule dont la signification précise n’est pas encore trouvée.

6° Formule ésotérique. — La voici, telle que l’a trans-