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ELCESAÏTES

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en dehors des milieux judéo-chrétiens de l’Asie. A l’exemple des grands chefs hérétiques, Alcibiaded’Apamée, l’un d’entre eux, vint à liome pour y prêcher leur doctrine ; mais il trouva dans l’auteur des Philosoplioumena un adversaire aussi clairvoyant qu’actif, qui empêcha toute contamination, se contentant de rappeler les principaux points de leur enseignement et de leurs pratiques par des extraits du livre d’Elcésai, sans prendre la peine de les réfuter, tant le simple exposé de pareilles extravagances lui semblait suffire pour les confondre. Vers 217, un autre de leurs chefs, peut-être Alcibiade lui-même, ne fut pas plus heureux à Césarée de Palestine. Ce fut alors Origène qui mit en garde les fidèles contre une doctrine qu’il qualifiait d’athée et d’impie, dans un fragment d’homélie sur le psaume i. xxxii, cité par Eusèbe, H. E., vi, 38, P. G., t. xx, col. 597. Puis, pendant plus d’un siècle, on n’entend plus parler des elcésaïtes. Eusèbe, loc. cit., croit que leur secte avait disparu sans lendemain dès le milieu du m c siècle ; c’est une erreur. Car, de race juive, les elcésaïtes continuèrent à se propager dans les milieux judaïsants parmi les sectes judéo-chrétiennes de l’Orient, comme en témoigne le roman des Clémentines qui, sans reproduire intégralement leur doctrine et même sans les nommer, n’en fit pas moins écho à leurs enseignements et leur servit ainsi de véhicule et de moyen de propagande. Dans le dernier quart du iv c siècle, saint Épiphâne constate leur existence et leur large diffusion parmi les esséniens, les ébionites et les nazaréens, non seulement en Syrie, mais surtout au delà de la mer Morte et des régions transjordaniques, au pays de Moab, près du torrent de l’Arnon, à Nabaté et dans l’Iturée. Avant de leur consacrer un chapitre spécial sous le nom ce Sxa^x’ot, il en parle deux fois avec quelques détails à propos des ossènes, //œr., xix, P. G., t. xli, col. 261 sq., et des ébionites. User., xxx, ibid., col. 415 sq. C’est lui qui nous apprend que le prétendu El.xai aurait eu un frère du nom d’Iexai, et que deux femmes de leur famille, Marthus et Marthana, qui vivaient encore du temps de l’empereur Constance, furent l’objet d’une singulière dévotion parmi ces sectaires, puisqu’ils recueillaient précieusement leurs crachats et leurs déjections pour s’en faire des remèdes, //se, xix, 2, col. 26k

Après saint Epiphâne il n’est plus question des elcésaïtes que dans saint Augustin, parmi les latins, De haïr., 32, P. L., t. xi.n, col. 31, dans Théodore ! , llæret. fab., ii 7, P. G., t. i.xxxiii, col. 393, Timotbée de Constantinople, De recept. hærel., P. G., t. i.xxxvi, col. 32, et saint Jean Damascène, Hser., 53, J’. G., t. xciv, col. 709, parmi les grecs, mais sans le moindre détail nouveau ; car l’évêque d’IIippone et saint. Jean Damascène se bornent à une très brève mention, empruntée d’ailleurs à saint Epiphâne, et ni Timotbée, qui transcrit Eusèbe, ni Théodoret ne nous apprennent rien de plus.

Est-ce à dire que la secte ait disparu dans le courant du v « siècle ? Nullement ; tout porte à croire plutôt qu’elle continua à végéter sans aucune influence, réduite qu’elle futà l’impuissance ou noyée parmi tant d’autres erreurs qui, à la suite de Ncsloriuset d’Eutychès et en raison du danger plus grave qu’elles firent courir à l’orthodoxie, fixèrent l’attention de l’Église et furent énergiquement combattues par les Pères et les conciles. On a même cru en retrouver quelques restes encore au xe siècle ; car Chvvolson, Die Ssabier und der Ssabaisrnus, Saint-Pétersbourg, 1856, t. i, p. 112 ; t. ii p. 543, cite un auteur arabe, En-Eddin, qui écrivait vers 987, et d’après lequel une secte de sabéensdu désert, adonnée à l’usage religieux et fréquent des bains, comptai ! un El-Chasaiah comme son fondateur, El-Chasaiah ne serait autre que la transcription arabe d’Elchasai ou Elcésai. Quoi qu’il en soit, la secte des

elcésaïtes, étroitement apparentée avec les sectes judéochrétiennes, les partisansde l’occultisme, lesgnostiques et les astrologues, n’eut qu’une apparence de christianisme et fut sans action sur les destinées de l’Église.

III. Doctrine.

La doctrine des elcésaïtes se ressent nécessairement des milieux dans lesquels ils ont vécu et se sont propagés : elle est avant tout juive, et très particulièrement essénienne et ébionite ; mais elle posséda aussi des emprunts faits à la gnose, à l’astrologie, à la magie, à l’occultisme.

Sur la Trinité.

Il y est question de Dieu, du Fils et du Saint-Esprit ; cette terminologie est bien d’apparence chrétienne, mais elle n’a rien de chrétien. Le Dieu des elcésaïtes est créateur, il n’est pas père ; et le fils qu’on lui attribue n’est pas son fils, mais sa créature. Les elcésaïtes conféraient leur baptême au nom du Dieu grand et souverain et de son fils, le grand roi ; mais la relation de ce Dieu grand à ce grand roi n’était nullement celle d’une génération proprement dite et n’impliquait pas dès lors une identité d’essence, de nature et de puissance ; c’était uniquement la relation de créateur à créature. Car ce prétendu fils du Dieu grand et souverain, loin d’être engendré du Père, n’était qu’une simple créature, la plus noble et la plus grande de toutes, un ange, le seigneur des anges, le roi de la piété, le grand roi, et pas autre chose. Homil. clem., iivi 21, P. G., t. ii col. 237 ; PhiloBoph., ix, 15, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 450 ; S. Épiphâne, User., xix, 3, 4, P. G., t. xli, col. 261, 265. En outre, il n’était pas identifié avec Jésus de Nazareth ; et les elcésaïtes admettaient plusieurs incarnations et apparitions de ce prétendu fils, à commencer par Adam, ce qui n’était pas autre chose que le traves| tissement ou mieux lanégation de l’incarnation au sens | catholique. Quant à faire du Saint-Esprit un ange

! semblable à ce fils de Dieu, mais du sexe féminin, 

c’était une conception empruntée à la théorie des syzygies si en vogue parmi les gnostiques, et qui j rappelle ce passage de l’Évangile aux Hébreux, cité par Origène, In Joa., torn. ii 6, P. G., t. xiv, col. 132 : npxi ï’Lxoî p.z r jiï]Tï]p |Jloû, ~h (xytov -vsOtj.a.

Sur le salut.

Ni l’auteur des Philosophoumena, ni saint Epiphâne ne nous disent ce que pensaient les elcésaïtes du dogme de la rédemption et du salut, de la passion et de la mort du Sauveur ; c’est sans doute que le livre d’Elcésaï n’en devait rien dire. Mais ils nous renseignent pleinement sur l’efficacité qu’ils attribuaient à la foi dans leur doctrine et à la pratique de leurs baptêmes. L’infidèle, en effet, l’homme sans loi, avo|i.o ; , n’avait, pour devenir eleésaïte, qu’à adhérer d’esprit à l’enseignement du livre d’Elcésai, à faire connaître ses péchés devant deux ou trois témoins, à s’ollrir plein de foi au Dieu grand et souverain et à réciter cette formule : « J’atteste le ciel, l’eau, les esprits saints, les anges de la prière, l’huile, le sel et la terre ; je les prends à témoin que désormais je m’abstiendrai de pécher, de forniquer, de voler, d’injurier, de désirer ou de haïr le prochain, de rompre les pactes et de me complaire dans aucun mal. » Et aussitôt il devait être plonge dans l’eau tout habillé, au nom du Dieu grand et souverain et de son fils, le grand roi. Cela suffisait. Ce baptême pourtant ne conférait pas l’impeccabililé et ne mettait pas complètement à l’abri de toute défaillance morale. Aussi, en cas de chute grave, l’elcésaïte n’avait qu’à recourir de nouveau, et autant de fois que cela était nécessaire, au bain de 80TI initiation, qui devenait ainsi un bain de réconciliation. En effet, tout coupable de pédérastie, de sodomie, de bestialité ou d’inceste, était-il dit dans le livre d’Elcésai, n’a pour se faire pardonner qu’à suivre la doctrine du livre et à se faire baptiser au nom du Dieu grand et souverain et de son fils, le grand roi, en invoquant les sept témoins précités.