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EISENCREIN

ELCESAITES

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l’année précédente, à la clièle d’Augsbourg, il avait défendu les décisions du concile de Trente concernant la grâce. Il réunit ces discours en un essai qui parut en allemand en 1568 et que Tilmann Bredenbach tra- duisit en latin sous le litre : De certitu Une r/ratiœ trac- talus apologelicas pro vero ac germano intellectu canonis l’ï sessionis VI s. œcumenici concilii Tri- dentini, 1Ô69. Il y exagérait quelque peu la certitude de la rémission des fautes accordées au fidèle pénitent. « Celui qui se prépare bien au sacrement, disait il, peut être aussi assuré de son pardon que de la vérité deux et deux font quatre. » Ces propositions valurent au livre d’êlre mis à l’Index par le grand inquisiteur Quiroga et de figurer sur la liste des oeuvres censurées par Sixte-Quint et par Clément VIII. Les derniers ouvrages d’Eisengrein sont surtout des livres de théo- logie pratique el d’édilication. Il faut citer parmi eux une histoire apologétique du célèbre pèlerinage bava- rois de Notre-Dame d’Alt Oetling, dont l’auteur était prévôt, et une « Poslille » pour tous les dimanches de l’année qui parut en plusieurs volumes après sa mort.

Les questions controversées n’occupèrent pas seule- ment l’intelligence d’Eisengrein. Il dut prendre part, comme représentant officiel du duc de Bavière, aux conférences de Vienne, 1563-1561, touchant la com- munion sub utra(]ue et le célibat ecclésiastique. Contre ses idées personnelles, il réclama pour la Bavière la concession du calice et des adoucissements à la loi du célibat. Au reste, les conférences n’aboutirent pas. Elles furent pour lui l’occasion de se faire con- naître de l’empereur Ferdinand, qui voulut le retenir à Vienne en lui donnant le titre et les fonctions de prédicateur de la cour. Mais Einsengrein cacha si peu dans ses sermons la pureté et l’intransigeance de ses sentiments catholiques qu’il blessa bientôt ses auditeurs dont le rêve était la conciliation et le repos. Il revint donc avec une joie non dissimulée à ses études et à son université. Il y exerça jusqu’à sa mort, i mai 1578, les fonctions de surintendant, puis de chancelier.

L. Pfleger, Martin Eisengrein, Fribourg-en-Brisgau, 1908.

A. HlIMBERT.

ELCÉSAJTES. -I. Nom. II. Histoire. III. Doctrine. IV. Pratiques.

I. Nom. — Le mot eleésaïtes vient du nom d’un per- sonnage différemment orthographié ; l’auteur des Phi- losophoumena l’appelle, en effet, ’Il/ya ?* :; saint Epi- pbane ’El**i, ’IMat, Hser., xix, 2* /’. G., t. xi.i, col. 264, ’HXSatV, Hser., un, ibid., col. 960 ; Théodo- ret, ’EXxs<7ac, Hœret. fab., il, 7, /’. G., t. LXXXIII, col. 393, d’où ’EXxsffafot ; mais Eusèbe, U. E., vi, 38, P. G., t. xx, col. 597, et Timothée de Constantinople après lui, De recept. hœret., P. G., t. i.xxxyi, col. 32, écrivent ’EXxeiyaiTaî. Saint Augustin, empruntant ses renseignements à saint Épiphane, traduit ’EXxeaai’ot par Elcesxi et ’E/.^ai par Elci. De hser., 32, P. L., t. xlii, col. 31.

Il est très vrai que, parmi les sectes judéo-chrétiennes de la fin du II e siècle et du m e , on se vantait de possé- der un livre mystérieux fort répandu, qu’un sage du nom de Elchesai, Elcésai ou Elxai, aurait apporte de la ville de Sères, en Parthie, comme le tenant d’un cer- tain Sobias qui, du reste, n’en était pas l’auteur, mais l’aurait reçu sous la forme d’une révélation de la part d’un ange aux proportions colossales. Cet ange révéla- teur, du sexe masculin, était le fils de Dieu ; sa taille rnesurait24schènes de hauteur, le schène, t/oi’vo :, valant 4 milles, 4 de largeur et 6 d’une épaule à l’autre ; ses pieds étaient longs de 3 schènes et demi, hauts de 1 schène et demi et épais d’un demi-schène. Philosoph., îx, 13, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 447 ; S. Épiphane, Hser., xix, 4 ;xxx, 17, P. G., t. xi.i, col. 265,433. Quand il parut entre deux montagnes, comme le note saint épiphane, ce qui permit sans doute de se rendre

compte de sa taille gigantesque, il était accompagné d’un être semblable à lui et tout aussi grand, mais du sexe féminin, qui n’était autre que le Saint-Esprit. C’est sur ce livre fondamental, qui contenait la doctrine de la secte et dans lequel tout adepte devait avoir une con- liance aveugle sans chercher à le comprendre, mais d’une origine si fantastique et partant si contestable, que s’appuyait Alcibiade d’Apamée, accouru de Syrie à liome pour propager son erreur et prêcher, à l’encontre de l’enseignement catholique, une rémission des péchés tout autre que celle de l’Evangile et beaucoup plus facile que la pénitence alors en usage dans l’Église. L’auteur des Philosophoumena, déjà fort mécontent des adoucissements introduits dans le régime péniten- liel par le pape Calliste en faveur des chrétiens tombés dans le péché d’impureté’, qu’il admettait désormais à la pénitence canonique et à la réconciliation ecclésias- tique, vit dans la doctrine des eleésaïtes un laxisme encore plus grand et compara Alcibiade à un loup déchaîné parmi les brebis déjà dispersées par Calliste. C’est là surtout son grand reproche. Tout en rapportant quelques points caractéristiques, empruntés au livre d’Elcésai, confirmés et complétés plus tard par saint i.piphane, il se borne à nommer Elchasai, comme il l’appelle, sans dire ce qu’il pense de son existence. Mais l’évêque de Salamine semble bien y croire, sauf à traiter d’absurde l’interprétation qu’on donnait de son nom ainsi que des noms de Iexai et de Sobias. Hser., ix, 2, P. G., t. xn, col. 264. Elxai, en effet, au dire des eleésaïtes, signifiait vertu cachée ou pouvoir secret, ce qui correspond assez bien à la 5ûva|i.i ; xaoepxo ; des Homélies clémentines, xvii, 16, /’. G., t. n, col. 400 ; Iexai signifiait Dieu caché, Sobias personne assermen- tée ou plutôt engagée par promesse, car, d’après la préface des Homélies clémentines, ibid., col. 29, l’ini- tié devait s’engager à ne rien révéler aux profanes de ce qui lui (Hait confié’ sans se regarder astreint par une telle promesse comme par un serment proprement dit ; distinction subtile, mais pratiquement peu importante, puisque les eleésaïtes n’avaient pas, en cas de danger, à se préoccuper de la valeur de leurs serments et qu’ils pouvaient impunément renier le Christ, sans que cela tirât à conséquence. Eusèbe, //. E., vi, 38,/’. G., t. xx col. 599 ; S. Épiphane, Hser., xix, I, 1’. G., t. xli, col. 261. Quel que soit, au reste, le sens précis attaché à ces vocables par la secte, et qui nous reste inconnu, faute de documents, il est à croire qu’il renfermait quelque mystère uniquement accessible aux initiés, é-tant donné qu’à l’exemple de tant d’autres groupes hérétiques, les eleésaïtes pratiquaient lésotérisme. Peut-être même pourrait-on y soupçonner une défor- mation voulue, comme il s’en pratiquait chez les occultistes ; Elcésai pour Elkassi ne serait autre alors que le a Dieu de l’occultisme ». En tout cas, semble-t-il, il faut renoncer à y voir le nom propre d’un person- nage réel, et plutôt, comme pour Ébion, ou le nom d’un personnage lictif adopté pour en imposer aux simples d’esprit, ou celui d’un enseignement ésotérique de nature à exciter la curiosité des profanes sans rien trahir des secrets de la secte tout en manifestant aux initiés ces mêmes secrets ; et l’on aurait ainsi les eleé- saïtes comme on a les ébionites.

II. Histoire. — Les eleésaïtes, d’après la révélation consignée dans leur livre et datée de la troisième année du règne de Trajan, ne faisaient donc remonter leur origine tout au plus qu’au commencement du n« siècle. Mais une telle date, pour être relativement récente à une époque où tant d’autres hérétiques n’hésitaient pas à se réclamer d’une origine apostolique, n’en reste pas moins suspecte, car il n’est question d’eux pour la première fois que dans le premier quart du m» siècle. Vers 220, ils devaient être assez puis- sants, puisque déjà ils songeaient à faire des prosélytes