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ÉGLISE


par quelque sentiment de cupidité ou pour quelque considération que ce soit, les immunités de l’Eglise et des personnes ecclésiastiques, établies par la volonté de Dieu et par les lois canoniques ; enfin ces ministres, conjointement avec leurs souverains, pratiqueront l’obéissance rigoureusement requise envers les constitutions des souverains pontifes et des conciles. Le concile avertit donc l’empereur, les rois, les républiques, les princes et tous ceux qui possèdent quelque dignité, que plus ils détiennent de ricbesses temporelles et plus ils sont puissants, plus aussi ils doivent vénérer tout ce qui est de droit ecclésiastique et qui est, comme tel, placé sous la protection de Dieu. Ils ne doivent point permettre que ce droit soit violé par leurs barons, seigneurs, magistrats ou ministres ; mais ils doivent sévir rigoureusement contre ceux qui empêchent la liberté, les immunités ou la juridiction de l'Église. Ils doivent eux-mêmes être un bon exemple, sous le triple rapport de la piété, de la religion et de la protection des églises, selon les exemples de leurs prédécesseurs, princes excellents et très religieux, qui, par leur autorité et leur munificence, ont accru les biens de leurs églises, en même temps qu’ils les ont défendus contre des tentatives injustes. Sess. XXV, De reform., c. xx. Après le concile de Trente, c’est encore cette doctrine que l'Église, autant qu’il dépend d’elle, s’efforce de faire observer par les chefs des sociétés temporelles, comme le montre sa pratique constante.

Au xixe siècle, en prépence des libertés modernes presque universellement établies, et de l’apostasie sociale de la plupart des gouvernements, dissimulée le plus souvent sous le voile de la neutralité officielle, l'Église maintient encore la doctrine traditionnelle, soit en répudiant ces libertés du moins comme principe universel de gouvernement, comme l’ont fait Grégoire XVI dans l’encyclique Mirari vos du 15 août 1832, Pie IX dans l’encyclique Quanta cura du 8 décembre 1864, et dans la condamnation des propositions 77e et 79e du Syllabus, et Léon XIII dans l’encyclique Libertas du 20 juin 1888, soit en rappelant officiellement la doctrine catholique, contre laquelle rien ne peut prescrire, et qui doit, selon la parole de Léon XIII dans l’encyclique Inimortale Dei, servir de fondement à la constitution chrétienne des Etats.

Dans cette encyclique, Léon XIII rappelle aux souverains et aux sociétés, qu’en vertu de leur absolue dépendance de Dieu, dans la vie sociale aussi bien que dans la vie individuelle, ils sont tenus de respecter le saint nom de Dieu, d’entourer la religion de leur bienveillance et de la défendre assidûment, de la couvrir de l’autorité tutélaire des lois, et de ne rien établir ou décréter qui soit contraire à son intégrité.

En même temps, les théologiens catholiques s’attachaient à prouver l’enseignement catholique contre l’erreur du libéralisme, en développant les arguments de saint Augustin et de saint Thomas que nous avons précédemment rapportés, arguments appuyés principalement sur le souverain droit de Dieu, maître absolu des sociétés aussi bien que des individus. A ces arguments, l’on joignait une apologie de la doctrine catholique qui peut se résumer dans les deux assertions suivantes :

a) Il n’y a, en ceci, aucune diminution des droits naturels de l’r.tat, puisque la soumission lui est demandée seulement en ce qui appartient au moins indirectement à l’autorité de l'Église, et que l’Etat est reconnu souverain dans sa propre sphère, en dehors de l’orienlation nécessaire vers la fin surnaturelle qui est toujours soumis.' à la suprême direction de l’r.glise. Ce langage est en parfait accord avec l’encyclique Tmmortale Dei, qui enseigne expressément que chacune des deux puissances est souveraine dans sa propre sphère : l’traquc est in suo génère maxima :

liabct ulraque certos quibus conlineatur lerminos, eosque sua cujusque natura causaque proxima cU’finitos ; unde aliquis velut orbis circumscribitur, in quo sua cujusque actio jure proprio versetur.

b) De cette soumission à l’autorité et à la direction spirituelle de l'Église, l'État recueille de très grands avantages pour toute la société dont il a la charge temporelle. Avantages pour l'État lui-même, dont l’autorité revêt ainsi un caractère sacré, tandis qu’en dehors de toute influence des doctrines religieuses, l’autorité sociale, apparaissant uniquement comme l’expressioji de la volonté du peuple, n’a qu’un fondement fragile et sans consistance. Avantages aussi pour l’ensemble des citoyens, parce que, sous l’inlluence des doctrines religieuses, l’obéissance, loin d’avilir l’homme, l’ennoblit en le soumettant à la volonté de Dieu lui-même, qui gouverne par les hommes. En même temps, l’autorité est contenuedans de justes limites, puisque, loin d'être elle-même la source de tout droit, elle ne doit point, selon l’ordre divin, s'écarter de la justice ni excéder ses attributions. D’ailleurs, dans une telle société, la charité mutuelle, la bonté et la libéralité sont d’application facile et constante. Avantages enfin pour la société familiale, parce que, sous l’influence des doctrines religieuses, l’unité et l’indissolubilité du lien conjugal sont maintenues d’une manière stable, les droits et les devoirs des époux sont réglés en toute justice et équité, l’honneur dû à la femme est sauvegardé, l’autorité du mari prend exemple sur l’autorité même de Dieu, le pouvoir paternel est tempéré par les égards dus à l'épouse et aux enfants, et pleine satisfaction est donnée aux divers besoins des enfants. Tous ces avantages sont puissamment mis en relief par Léon XIII dans l’encyclique Diuturnum du 29 juin 1881, et dans l’encyclique Inimortale Dei.

Bouix, Tractaius de papa, part. IV, sect. I sq., Paris, 1870, t. iii, p. 7 sq. ; Liberatore, L’Eglise et l'État dans leurs rapports mutuels, traduit de l’italien, Paris, 1877, p. 87 sq., Mazzella, De religioneet Ecclesia, disp. III, a. 10, Rome, 1896, p. 459 sq. ; Zigtiara, l’ropsedeulica in sacrum theologiam. 2° édit., Rome, 18b'5, p. 415 sq. ; Summa philosophica, 6e édit. Lyon, 1884, t. iii, p. 295 sq., 307 sq., 329 sq. ; de Groot, op. Cit., p. 395 sq. ; Gavagnis, Institutiones juris publiai ecclesiastici, 4e édit., Rome, 1906, t. i, p. 320 sq., 352 sq. ; Schiffini, Dispututiones philosophiæ moralis, Turin, 1891, t. ii, p. 652 sq. ; Ferretti, Institutiones philosopliix moralis, Rome, 1896, t. III, p. 412 sq. ; Castelein, Institutiones philosophiez moralis et socialis, Bruxelles, 1899, p. 532 sq. ; Cathrein, Philosophia moralis, 6e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1907, p. 554 sq. ; Billot, Tractaius de Ecclesia Christi, Prato, 1910, t. ii, p. 96-121.

/II. DROITS DE L'Éi, USE ET DEVOIRS CORRESPONDANTS hE t.' ÉTAT DANS UNE SOCIÉTÉ DIVISEE AU POIM' HE

vue RELIGIEUX, et concédant de fait, comme droit politique, les libertés modernes, principalement la liberté de conscience et des cultes.

1° Dans cette situation, malgré l’opposition des sociétés temporelles et celle de leurs chefs, les droits de l'Église restent strictement ce que Jésus-Christ les a établis, car leur existence ne dépend aucunement de la reconnaissance ou de l’approbation des hommes. Toutefois, dans la revendication de ces droits, l’on sera contraint, si l’on veut être effectivement écouté de ceux qui détiennent le pouvoir, de s’appuyer, non sur les titres divins dont ils refusent de tenir compte, mais sur les droits des sujets catholiques à ne pas être molestés dans leurs croyances ou dans leurs pratiques religieuses, et à s’associer, en toute liberté, pour le plein exercice de leur religion. Il n’y a, en ceci, aucune abdication des principes catholiques, mais uniquement argumentation ad hominem, pour obtenir plus efficacement ce à quoi l’on a strictement droit. Il n’y a non plus aucune participation illégitime à une concession illicite des libertés modernes, à supposer que, de fait, il v eût vraiment concession illicite dans unecircon-