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EGLISE


que de Jérusalem il se réjouit de ce que, grâce au zèle de l’ortliodoxe empereur, la bouche des hérétiques est alors Fermée, l. XI, epist. xlvi, col. 1165. Enfin le pape, en appréciant ainsi le zèle de l’empereur, prend soin de le maintenir dans ses justes limites, en le louant de ce qu’il ne s’immisce point dans les causes ecclésiastiques, l. IV, epist. xxii, col. 680.

En Occident, à partir du VIe siècle, où les nouveaux royaumes chrétiens commencent à se fonder chez les Francs, en Espagne et un peu plus tard en Angleterre, l’on rencontre la même conception chrétienne des devoirs des rois et des princes. C’est ce que montre particulièrement l’histoire des conciles de cette époque, comme l’indiquent les nombreux faits déjà cités à l’art. Dimanche, t. iv, col. 1315 sq., 1336, de sanctions temporelles établies par le pouvoir civil, souvent sur la demande de l’autorité ecclésiastique, pour assurer l’observance de la loi de l'Église sur le repos dominical et l’assistance à la messe.

Comme représentant de la tradition chrétienne à cette époque, nous citerons particulièrement saint Isidore de Séville. Ce saint docteur affirme que les rois et les princes, bien qu’ils possèdent la plénitude du pouvoir, sont tenus, en vertu de la foi chrétienne qu’ils professent, de manifester cette foi dans leurs lois aussi bien que dans leur conduite privée. Ils doivent, par leur discipline salutaire, réaliser ce que la parole doctrinale du prêtre n’obtient pas suffisamment. Que les princes de ce siècle sachent d’ailleurs qu’ils doivent rendre compteà Dieu, propter Ecclesiam quam aChristo luendam suscipiunt. Sent., I. III, c. li, P. L., t. i.xxxiii, col. 723.

En même temps, l’enseignement des papes est non moins positif qu'à l'époque précédente. Cet enseignement se manifeste particulièrement dans les lettres des papes à Charles Martel, et surtout aux rois francs, Pépin et Charlemagne, qui sont souvent loués de leur dévouement dans la défense de l’Eglise ; dévouement qu’ils considèrent eux-mêmes comme un devoir découlant de leur foi chrétienne.

D’ailleurs, l’institution de l’empire chrétien d’Occident, avec la charge de défenseur universel de l'église, confiée à l’empereur choisi par le pape, est un fait attestant évidemment, à cette époque et aux siècles suivants, chez les papes comme chez les princes et dans les sociétés chrétiennes elles-mêmes, la pleine vitalité de la conception chrétienne du pouvoir civil, auxiliaire et défenseur de l’Eglise.

Si, en fait, cet empire n’a pas toujours répondu aux espérances de l’Eglise, s’il les a même parfois gravement déeues, il n’en est pas moins une attestation manifeste de la pensée chrétienne, qui présidait alors au gouvernement des sociétés temporelles, pour l’utilité de l'Église et le véritable bien des peuples, comme le constate Léon XIII dans l’encyclique Immortelle Dei, parlant, d’une manière générale, des temps où la sagesse ëvangélique dirigeait les peuples, cum sacerdolinni alque imperium concorclia et arnica officiorum vicissitude) auspicato conjungeret. Eoque modo co))iposila civitas fructus lulit omni opinione majores, quorum vigel et vigebit innumerabihbus rerum gestarum consignata monumenlis, quee nulla adversariorum arle corrumpi aut obscurari possunt.

Les auteurs ecclésiastiques des 1x4, x° et XIe siècles De font guère que reproduire renseignement de saint Augustin et de saint Isidore, et celui des papes précédemment cités, .lonas, évoque d’Orléans (-[ vers 842, dans son opuscule De institutione regia ad Pippinum regem, décrivant ce que doit être le ministère du roi, dit qu’il doit être tout d’abord defensor Ecclesiarum et servorum Dei, et, à l’appui de sa doctrine, il cite le passage de saint Isidore que nous avons déjà indiqué, c. iv, P. L., t. evi, col. 291 sq. Un peu plus loin, il

mentionne, dans le même sens, l’autorité de saint Augustin, c. xvii, col. 305.

Sedulius Scotus (f vers 850), dans son traité De rectorîbus christianis et convenientibus regulis quibus est respublica rite gubernanda, insiste sur le dévouement que le roi doit avoir pour la cause et les privilèges de la sainte Eglise. Le roi se montre un fidèle serviteur de Dieu, seulement quand il s’ell’orce de disposer convenablement tout ce qui concerne l’honneur et la gloire de la sainte Eglise, et quand il est lui-même le bouclier du peuple de Dieu, pour le défendre, si c’est nécessaire, contre toutes les adversités, c. xix, P. L., t. ciii, col. 328 ; c. xi, col. 309 ; c. iv, col. 298 ; c. i, col. 293.

Hincmar, archevêque de Reims († 882), dans son écrit De régis persona et regio minislerio adCarolwm Calvum regem, appuie, principalement sur l’autorité de saint Augustin (Epist., ci.xxxv, 13 sq., P. L., t. xxxiii, col. 801 ; t. xem, col. 323 sq., 331), son affirmation des devoirs des rois envers Jésus-Christ et envers son Église, c. XVI sq.. P. L., t. cxxv, col. 841 sq.

Au siècle suivant, Réginon de Prum (f915), dans sa collection de décrets canoniques, cite beaucoup de textes supposant l’intervention du pouvoir civil en faveur de l’Eglise, notamment un décret du IVe concile de Tolède, demandant que ceux que l’admonition sacerdotale n’amène point à la pratique de la justice, soient corrigés de leur perversité par le pouvoir royal. De ecclesiaslicis disciplinis et religione christiana, l. II, c. ccxcv, P. L., t. cxxxii, col. 341. Un peu plus tard, Burchard de Worms († 1025) rappelle les textes précédemment cités de saint Isidore, indiquant les devoirs chrétiens des rois, I. XV, c. xxxviii sq., P. L., t. cxi., col. 905 sq.

C’est aussi la doctrine exprimée par saint Grégoire VII († 1085), dans beaucoup de lettres écrites aux rois ou princes de l’Europe chrétienne. Dans une lettre écrite, en 1071, à Guillaume roi d’Angleterre, il exhorte ce souverain à aimer l'Église comme il le doit et à la défendre en toutes choses. Regist., I. I, epist. i.xx, P. L., t. cxi. viii, col. 344 sq. Ecrivant la même année au roi de France Philippe I er, saint Grégoire loue la piété et le dévouement avec lesquels ses prédécesseurs sur le trône de France avaient jusque-là aide l'Église et contribué à son extension, et il demande au roi actuel d’imiter ces généreux exemples, virtutem illoriuu summopere te imitari et justiliam Dei lotis viribus exequendo ecclesias quantum potest restaurare et defendere, exhortamur, I. I, epist. lxxv, col. 3't8.

A la même époque, s’adressant à Henri, roi des Romains, le pape lui rappelle que, pour faire un bon exercice du pouvoir royal, il doit soumettre son autorité à celle de Jésus-Christ roi des rois, ad restaurationem defensionemque ecclesiarum suarum, l. II, epist. xxx, col. 385. L’année suivante écrivant à ce même souverain, saint Grégoire VII affirme l’obligation qui incombe à tous les princes et à tous les peuples qui reconnaissent et adorent Jésus-Christ, de recevoir et d’observer dévotement la foi chrétienne. Plus un souverain est élevé en dignité, plus il doit être dévoué a Jésus-Christ. Grégoire avertit donc paternellement le roi des Romains de l’obligation où il est de reconnaître l’autorité de Jésus-Christ sur lui, de ne pas empêcher la liberté de celle Église que Jésus-Christ a choisie pour épouse et à laquelle il s’est unie par une Céleste union, niais plutôt de fournir, avec un constant dévouement, le secours de ses forces pour l’accroissement le [dus considérable de cette même Eglise, l. III,

epist. x, col. il sq. I.e me enseignement est exprimé

dans deux lettres de Grégoire a Hérimann, évéque de Met/, I. IV, epist. il, col. 454 sq. ; l. VIII, epist. xxi. col. 594 sq.

A la fin du xr siècle et dans la première moitié du xii', la tradition chrétienne est particulièrement repré-