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donné, et possédant en propre tous les pouvoirs nécessaires pour diriger effectivement à cette lin.

b) Cette indépendance est, en même temps, clairement démontrée par la pratique constante de l’Eglise, se servant constamment de son propre pouvoir législatif d’une manière absolument autonome, dans les matières qu’elle juge être de son ressort, et revendiquant ce pouvoir, dans de nombreux documents officiels, comme lui appartenant de droit et exclusivement.

Si parfois l'Église a pratiquement renoncé à quelques-uns de ses droits, et accordé au pouvoir séculier l’exercice de quelque autorité en des matières relevant uniquement du pouvoir ecclésiastique, voir Conciles, t. iii, col. 644 sq., et Concordats, col. 728 sq., 748 sq., c’est uniquement par condescendance, et parce qu’elle l’a jugé utile pour mieux assurer la concorde en même temps que la paix et la liberté dans les sociétés chrétiennes, comme l’indique Léon XIII dans l’encyclique Immorlale Dei du 1 er novembre 1885.

c) Les puissances séculières n’ont d’ailleurs à craindre aucune intrusion dans leur propre domaine, car ('Église reconnaît expressément qu’elles y ont une souveraineté indiscutable ; c’est ce qu’affirme particulièrement Léon XIII dans l’encyclique Immorlale Dei : Utraque (potestas) est in suo génère maxima ; habel nlraque certes quibus conlineatur terminos, eosque sua cujusque natura causaque proxima definitos ; unde aliquis velul orbis circwmscribitur, in quo sua cujusqueaclio jure proprioversetur. Elun peu plus loin, le texte déjà cité, traçant à chaque pouvoir sa sphère d’action. Voir col. 2205-2206.

On doit aussi observer que les sociétés temporelles, loin d'éprouver quelque dommage par suite de cette indépendance législative de l'Église, en recueillent en réalité d’immenses avantages. Ces avantages proviennent surtout de ce que, grâce à l’heureuse inlluence de la législation de l'Église, les devoirs de chacun sont mieux observés, en même temps que ses droils placés sous la sauvegarde du droit divin affirmé par la législation de l’Eglise, sont plus efficacement maintenus. C’est ce que démontre particulièrement Léon XIII dans l’encyclique Arcanum du 10 février 1880, dans l’encyclique Diuturnum du 22 juin 1881 et dans l’encyclique Immortale Dei.

3. Conclusion relative au pouvoir judiciaire et au pouvoir coercitif que l’Eglise possède conjointement avec son pouvoir législatif.

L’Eglise possédant, en propre et d’une manière absolument indépendante, la plénitude du pouvoir législatif, doit posséder, de la même manière et en tout ce qui relève de son autorité, le pouvoir judiciaire et le pouvoir coercilif qui sont la conséquence et le complément de l’autorité législative. Ce double pouvoir sera l’objet d’articles spéciaux. Voir Jugements ecclésiastiques et Inquisition.


VI. Devoirs des fidèles envers l’Eglise divinement instituée. —

I. AMOUR ENVERS L'ÉGLISE. —

1° Tous les fidèles sont tenus d’aimer l'Église, parce qu’elle est leur mère dans l’ordre surnaturel. Si nous sommes tenus d’aimer nos parents selon la nature, parce que nous leur devons la vie naturelle, S. Thomas, Sum. l/teol., IIa-IIæ, q. ci, a. 1, 2, si nous devons aimer notre patrie terrestre à cause des bienfaits qu’elle nous procure dans l’ordre temporel, à combien plus forte raison sommes-nous obligés d’aimer l’Eglise, à laquelle nous sommes redevables de tous les biens surnaturels, si éminemment supérieurs à tous les biens terrestres et à la vie du corps. Adama ?ida iqilurpalriæsl, unde ni ; r morlulis usuram accepimus ; sed necesse est carilale Ecclesiam prsestare cui vilam animée debemus perpetuo mansuram ; quia bona animi, corporis bonis recluni est anleponere, mulloque quant erga homines sunt erga Deum officia sanctiora. Encyclique Sapienliæ christianai de Léon XIII du 10 janvier 1890.

Il est d’ailleurs bien manifeste que l’amour envers l'Église n’est aucunement opposé à l’amour envers la patrie terrestre, puisque ces deux amours ont également leur source première en Dieu, auteur de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel, et règle suprême des obligations inhérentes à l’un et à l’aulre. Les répugnances que l’on se plaît à affirmer entre ces deux amours, et entre les diverses obligations qu’ils imposent, proviennent, comme l’observe Léon XIII dans la même encyclique, de ce que l’on persiste à attribuer à l’Etat des droits qui ne lui appartiennent point, et qui sont un véritable attenlat aux droits de l’Eglise.

2° L’amour envers l'Église est encore très nécessaire à tous les fidèles, parce que, sans lui, ils ne peuvent observer tous les graves devoirs auxquels ils sont astreints vis-à-vis d’elle : obéissance intégrale aux commandements et aux prescriptions communes ou particulières, et dévouement obligatoire dans les nécessités graves ou ordinaires intéressant le bien des fidèles. Une constante générosité dans des devoirs aussi étendus et parfois si pénibles, ne peut s’alimenter et se soutenir que par un constant et généreux amour.

3° Cet amour envers l'Église impose particulièrement à tous ceux qui en sont capables et dans la mesure où ils en sont capables, l’obligation d’assister l'Église dans les nécessités où elle peut se trouver. Cette obligation, mesurée par le même principe que celle de l’aumône, doit être appréciée selon la gravité des maux qui aflligent l'Église et selon les facultés ou ressources dont chacun peut disposer, ressources intellectuelles, morales ou matérielles. Cette détermination concrète étant difficile à établir, du moins pour ce qui concerne l’obligation stricte, on s’attachera, d’une manière habituelle, à exhorter fortement les fidèles à aider l'Église dans la mesure du possible, plutôt qu'à essayer de fixer les limites du devoir strict. Toutefois l’on peut affirmer, sans exagération, que ceux qui, possédant les aptitudes et ressources suffisanles pour fournir cette assistance, ne le font d’aucune manière pendant un temps notable, surtout dans les graves nécessités actuelles de l'Église, ne peuvent être, objectivement du moins, en sécurité de conscience. Voir Charité, t. ii, col. 2259 sq.

Le même principe doit aussi s’appliquer, même en dehors de tout précepte positif, au concours dû à l'Église en tout ce qui concerne ses besoins matériels, soit pour le culte et pour la sustentation des ministres sacrés, soit pour toutes les œuvres soumises à l’autorité ecclésiastique.

II. OBEISSANCE ENVERS L’EGLISE. —

En fait d’assentiment doctrinal dû aux décisions du magistère ecclésiastique.

1. Le devoir de l’obéissance en cette matière résulte de l’institution même de Jésus-Christ, donnant à son Église la mission d’enseigner sa doctrine jusqu'à la consommation des siècles et de veiller constamment à sa défense intégrale. C’est aussi ce que témoigne, au cours des siècles, la pratique constante de l'Église, exigeant qu’on se soumette fidèlement à son autorité doctrinale, sous peine d'être séparé de sa communion, du moins quand il s’agit de rébellion formelle contre son magistère infaillible.

2. Quant à l'étendue de ce devoir d’obéissance, elle se comprend aisément d’après les documents précités. a) Relativement aux vérités enseignées comme révélées et proposées comme telles par une décision infaillible, il y a pour tous les fidèles obligation stricte d’y adhérer, sous peine d'être rejeté de l'Église comme hérétique, du moins toutes les fois que les conditions requises pour l’hérésie formelle se trouvent réalisées.

Notons toutefois qu’au commandement d’obéir au