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b. Mode d’exercice du magistère ecclésiastique, en dehors du magistère du pape dont on parlera ultérieurement. — a) Quant aux définitions solennelles des conciles. — Jusqu’au xve siècle, les théologiens ou auteurs ecclésiastiques n’avaient guère fait que constater l’infaillibilité des conciles dans leurs définitions solennelles sans en faire l’objet d’aucune étude doctrinale. Au XVe siècle, à l’occasion de la controverse relative à la prétendue supériorité du concile sur le pape, voir Conciles, t. iii, col. 064, on avait montré que bien qu’un concile puisse avoir autorité pour déposer un pape, surtout quand il est incertain, il ne peut jamais jouir d’une autorité infaillible en matière de doctrine, quand il se tient sans le pape, ou quand il n’est pas approuvé par lui.

Au xvie siècle, la même doctrine se rencontre, avec plus de développements théologiques ethistoriques, chez le cardinal Cajetan, Opuscula, t. i, tr. II, p. il, c. xxi, Lyon, 1588, p. 44 ; Cano, De locis theologicis, l. IV, c. iv, Opéra, Venise, 1759, p. 123 ; Grégoire de Valence, Analysis jidei cat/iolicx, part. VIII, Ingolstadt, 1585, p. iOO sq., et Bellarmin, Controv., De conciliis, I. II, c. XI, Lyon, "1601, t. i, col. 891sq. Bellarmin examinant particulièrement si les décrets doctrinaux des conciles généraux sont infaillibles, avant d'être confirmés par le pape, distingue quatre cas. Les trois premiers qui ne comportent point l’infaillibilité doctrinale sont les suivants : quand les Pères du concile définissent contrairement à l’avis des légats pontificaux présidant le concile, quand ils définissent au gré des légats, mais contrairpment aux instructions pontificales données aux légats, enfin quand les membres du concile définissent avec l’approbation des légats, mais sans instructions certaines du pape. Dans ces trois cas, la noninfaillibilité du concile est évidente, puisque le concile ne peut être infaillible qu’autant qu’il est universel et représente toute l'Église ; et que cette dernière condition est réalisée seulement par l’approbation que donne le pape, approbation qui, dans la circonstance, n’existe point. C’est aussi ce que prouvent plusieurs faits historiques mentionnés par le savant controversiste. Quant au quatrième cas, où les membres du concile définissent conjointement avec les légats et selon les instructions certaines du pape, l’infaillibilité du concile est indiscutable, puisque c’est, en réalité, le jugement de toute l’Eglise et un jugement définitif d’après la volonté certaine du pape, col. 895 sq.

Cet enseignement de Bellarmin est communément suivi par les théologiens postérieurs. Suarez, De fide, disp. V, sect. vu ; Sylvius, Controv., l. V, q. ii, Opéra' Anvers, 1698, t. v, p. 365 sq. ; Gonet, De virtutibus theologicis, disp. V, a. 1, n. 1 sq., Clypeus théologies tliomislicæ, Anvers, 1744, t. iv, p. 268 sq. ; Henno, op. cit., p. 316 ; Libère de.lésus, op. cit., t. v, col. 766sq. ; Tournely, op. cit., t. i, p. 376 sq. ; Billuart, Traclatus de regulis fidei, diss. V, a.4 : Gotti, T/ieologiascholaslico. dogmatica, tr. I, q. iii, dub. v, n. 1 sq., Venise, 1750, t. i, p. 52 sq. ; Bégnier, op. cit., Cursus complétas ll/eologise de Migne, t. iv, p. 551 sq. ; Murray, op. cit., t. iii, p.l83sq. ; Berthier, De locis tkeologicis, Turin, 1888, p. 322 sq. ; llurter, op. cit., p. 265 sq. ; de Groot, op. cit., p. 423 sq. ; Wilmers, op. cit., p. 392 sq. ; Pesch, op. cit., p. 29't sq. ; Billot, op. cit., p. 718 sq.

P) Quanta l’enseignement infaillible provenant du magistère ecclésiastique ordinaire et universel. — L’existence de cet enseignement infaillible avait toujours été admise dans l'Église. C’est ce que démontre particulièrement la manière dont beaucoup d’erreurs furent condamnées, au cours des siècles, sans définition formelle, par le simple fait qu’elles étaient jugées contraires à l’enseignement ordinaire de l'Église universelle. Ce fut l’argument particulièrement employé au ue siècle par Irénée et ïertullien contre les erreurs

gnostiques, et au ive siècle par le pape saint Sirice, Epist., vii, P. h., t. XIII, col. 1168, etpar saint Ambroise, Epist., LU, n. 14, P. L., t. xvi, col. 1128, contre l’erreur de Jovinien. C’est aussi de cette manière que fut approuvé le symbole dit de saint Athanase, universellement considéré comme jouissant dans l'Église d’une autorité irréfragable. L’existence du magistère ordinaire et universel est encore démontrée, d’après tous les témoignages précités, par la croyance constante et universelle à l’infaillibilité de l'Église, enseignant tacitement ou implicitement, par sa discipline et par sa pratique générale, les doctrines qui ont, avec celles-ci, une connexion évidente et nécessaire. Toutefois, la nature de ce même enseignement ne fut, de la part des théologiens, l’objet d’aucune étude spéciale jusqu’au bref de Pie IX du 21 décembre 1863 à l’archevêque de Munich, et même jusqu’au concile du Vatican. Pie IX, dans ce bref, déclarait expressément que, même en ce qui concerne les matières de foi, la soumission strictement due ne doit pas être restreinte à ce qui est défini par les décrets exprès des conciles œcuméniques ou des souverains pontifes, mais qu’elle doit encore être étendue à ce que le magistère ordinaire de toute l'Église dispersée dans l’univers entier, propose comme divinement révélé, et que le consentement universel et constant des théologiens catholiques tient, en conséquence, comme appartenant à la foi. DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 1683. Enseignement formellement exprimé par le concile du Vatican dans ce passage : Porro fide divina et cat/iolica ea omnia credenda sunt qu.se. in verbo Dei scripto vrl tradito continentur et ab Ecclesia sive solenini judicio sive ordinario et universali magisterio tanguant divinitus revelata credenda proponuntur. Sess. 111, c. ni, Enchiridion, n. 1792.

Cette déclaration du concile eut pour conséquence d’attirer particulièrement sur ce point l’attention des théologiens, qui fournirent des explications plus coinpietés sur la manière dont l’enseignement du magistère ordinaire et universel est donné, et sur les conditions requises pour son infaillibilité. A. Vacant, Le magistère ordinaire de l'Église et ses organes, Paris, 1887 ; Etudes sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. ii, p. 89 sq. ; Franzelin, De divina traditione et Scriptura, th. vin-xi, 4e édit., Rome, 1896, p.60sq. ; llurter, op. cit., p. 263 ; de Groot, op. cit., p. 308 ; Wilmers, op. cit., p. 402 sq. ; Pesch, op. cit., p. 310sq. ; Billot, op. cit., p. 431 sq. ; .1. Bellamy, La théologie catholique au xi.x° siècle, Paris, 1904, p. 233 sq.

Il nous suffira de résumer ici leurs conclusions principales. — a. Le magistère ordinaire et universel de l'Église s’exerce tout d’abord par l’enseignement exprès habituellement communiqué, en dehors de définitions formelles, par le pape et par le corps des évéques dispersés dans tout l’univers ; enseignement auquel participent les auteurs spécialement approuvés par l'Église, comme les Pères, les docteurs de l'Église et les théologiens dont elle approuve ou autorise l’enseignement d’une manière formelle ou simplement tacite. — [i. Le magistère ordinaire et universel peut encore s’exercer par l’enseignement implicite manifestement contenu, comme nous l’avons précédemment montre, dans la discipline et dans la pratique générale de l’Eglise, du moins en tout ce qui est vraiment commandé, approuvé ou autorisé par l’Eglise universelle ; car dans cet enseignement, dès lors qu’il existe véritablement, l’Eglise n’est pas moins infaillible que dans les définitions solennelles de ses conciles. — y. Le magistère ordinaire et universel s’exerce enfin d’une manière simplement tacite, par l’approbation tacite que l'Église donne à l’enseignement des Pères, des docteurs et des théologiens, quand elle le laisse se répandre dans l’Eglise universelle, pour y diriger effectivement les croyances et la vie