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DIMŒRITES


eonsubstantiel ? Voulait-il s’offrir pour lui-même en sacrifice et se racheter lui-même ? » Mais non, d’après saint Luc, Jésus-Christ a pris un corps semblable au nôtre, de la race d’Abraham et de la substance de Marie, qui l’a véritablement enfanté et allaité ; c’est d’elle qu’il est né, et pas seulement en elle. « Ce corps a souffert la circoncision, la faim, la soif, le travail et enfin la croix. Le Verbe, au contraire, est impassible. Ce corps était dans le sépulcre, tandis que le Verbe, sans s’en séparer, descendit aux enfers, parce que le corps n’était pas le Verbe, mais le corps du Verbe, qui s’est attribué les souffrances de son corps, afin que nous puissions participer à sa divinité. Rien de cela n’a été fiction ou apparence, mais vérité et réalité ; sans quoi le salut des hommes et la résurrection ne seraient que ficlion et apparence, ainsi que l’enseigne Manès. » En se faisant homme, il a assuré, le salut de tout l’homme ; et l’homme a été sauvé réellement, corps et âme, dans tout ce qu’il est. « Jésus-Christ a dit après sa résurrection : « Touchez-moi et considérez qu’un esprit n’a ni « chair ni os’, comme vous voyez que j’en ai. » Luc, xxiv, 39. Il ne dit pas : « Je suis de la chair et des os, » mais : « J’en ai. » Quant à cette parole de saint Jean : « Le Verbe s’est fait chair, » Joa., I, 14, elle ressemble à celle de saint Paul : « Le Christ s’est fait malédiclion pour nous, » Gal., iii, 13, non qu’il soit devenu la malédiction même, mais parce qu’il s’en est chargé. Et bien que le corps du Christ soit d’une autre nature que le Verbe, ce n’est point substituer une quaternité à la Trinité, car la créature ne peut être égalée à Dieu, et la divinité ne reçoit pas d’addition. L’incarnation n’a rien ajouté au Verbe, c’est la chair seule qui a reçu des avantages infinis par l’union du Verbe. »

Aux autres, qui niaient l’identité du Fils de Dieu et de Jésus-Christ, Athanase demande : « Pourquoi donc, dès sa naissance, est-il appelé’Emmanuel, Dieu avec nous ? Comment saint Paul dit-il qu’il est au-dessus de toutes choses, Dieu, béni éternellement ? Rom., ix, 5. Pourquoi saint Thomas, en le voyant, s’écria-t-il : « Mon Seigneur et mon Dieu ? » Joa., XX, 28. Si le Verbe de Dieu est venu au fils de Marie comme aux prophètes, pourquoi est-il né d’une vierge, et non d’un homme et d’une femme comme les autres saints ? Il est dit des autres que la parole de Dieu leur a été adressée, et de celui-ci seul que le Verbe s’est fait chair. C’est lui que le Père a montré, au Jourdain et sur la montagne, en disant : « C’est ici mon Fils bien aimé. » Nous ne séparons pas le Fils et le Verbe, mais nous savons que le Verbe même est le Fils, par qui tout a été fait et qui nous a rachetés. »

3° Combattus, mais traités avec bienveillance par saint Epiphane. — Cette lettre d’Athanase donna-t-elle à Kpictète tous les arguments nécessaires pour réduire les dimœrites autour de Corinthe ? C’est à croire ; mais il y en avait ailleurs qu’en Grèce, et ils n’étaient pas sans troubler la foi des fidèles. L’évêque de Salamine s’appliqua à les ramener, mais ses efforts restèrent vains. Il nous raconte ses insuccès et n’a pas un mo’dur à leur endroit ; au contraire, c’est avec modération et en se défendant à plusieurs reprises de tout sentiment d’animosité ou de haine qu’il expose et réfute leurs erreurs. Comme on pourrait ne pas croire ce qu’il n’a pas cru tout d’abord lui-même, et pour bien montrer qu’il n’invente rien, surtout qu’il n’a pas recours à la calomnie, il cite tout au long la lettre de saint Athanase, dont nous venons de parler. Lui aussi les condamna, en montrant ce qu’ils ont de commun avec les erreurs de Valentin, de Marcion et de Manès, Jlœr., i.xxvii, 15, col. 661, et en faisant remarquer que rien ne les justifie, ni les prophètes, ni les évangélistes, ni les apôtres. Ibid., 18, col. 665. Mais sa condamnation est celle d’un ami qui ne peut se défendre d’un sentiment d’estime pour la dignité de leur vie,

d’un père qui voudrait les voir rentrer au foyer. « Nous désirons surtout et demandons qu’ils ne se séparent pas de l’Église dû Christ et de la très douce société des frères, mais plutôt qu’ils abandonnent leur goût exagéré de la controverse. » Jbid., 18, col. 668.

4° Conférence de saint Epiphane avec Vilalis, à Antioche. — Dansson zèle apostolique, saint Epiphane s’était adressé directement à l’un de leurs chefs, l’évêque Vital is, homme de savoir et de vertu, pour le prier de faire la paix avec Paulin, évêque d’Antioche. Vitalis s’en excusa parce qu’il croyait Paulin entaché de sabellianisine. Epiphane voulut en avoir le creur net et demanda à Paulin une profession de foi. Celui-ci reproduisit celle qui était de la main même de saint Athanase. Ibid., 21, col. 672. Or il y est dit, contrairement à l’erreur des dimœrites : o-jte yàp à’ ! /u/ov, ootô àvai<r6ï]TÔv, ovte àvd-/)Tov Twaa cîysv ô —w-^o. Fort de cette profession de foi, Epiphane, dans une conférence publique, posa à Vitalis quelques questions précises pour savoir si ce qu’il avait appris en Chypre des dimœrites était exact. — Le Christ a-t-il été un homme parfait ? —Oui. — A-t-il réellement pris la chair ? — Oui. — L’a-t-il prise dans le sein de la Vierge Marie par le Saint-Esprit ? — Oui. — Est-ce bien le Verbe, le Fils de Dieu, qui a pris cette chair ? — Oui. — A-t-il pris une âme,’Vj/t, ?

— Oui. — A-t-il pris aussi une Ame raisonnable, voO ; ?

— Non. — Dans ce cas, réplique Epiphane, il n’est pas un homme parfait, téXeioç. Mais Vitalis proteste que c’est un homme parfait, parce que, en Jésus-Christ, c’est la divinité qui joue le rôle de cette âme raisonnable : TÉXetov à’vOp(i)Trov Xiyoti.fi sîvac, si Tr, v Gîôti-, -* noi^fjoivev avri TO - j voO, xai ty)v cipxa, -Lai tïjv <Vj-/r, v i <> ? etvai téXeiov avSpwitov iv. a-apxôi ; , xai’. ! /u/r)Ç, xai Oîot/ ; to ; àvrl toû vov. Ibid., 23, col. 673. Epiphane avait raison de réclamer, dans la nature humaine de Jésus, la présence de l’àme raisonnable, sans quoi l’incarnalion était incomplète, mais il ne parvint pas à convaincre Vitalis. Il constate avec regret et douleur l’entêtement d’un homme aussi distingué et de frères aussi dignes d’éloges, qui n’ont pour eux aucune autorité, ni celle d’un prophète, d’un évangéliste ou d’un apôtre, ni celle d’aucun interprète. Ibid., 24, col. 676.

5° Textes scripturaires allégués par les dimœrites. — Ces disciples d’Apollinaire appuyaient leurs erreurs sur quelques textes isolés, qu’ils prenaient au pied d « la lettre. Tel était celui de saint Paul : « Le premier homme tiré de la terre est terrestre, le second vient du ciel, » I Cor., xv, 47 ; quelques-uns en concluaient que Jésus avait apporté son corps du ciel. De celui de saint Jean : « Le Verbe s’est fait chair, » d’autres concluaient qu’il avait pris une chair animée par une àme sensible, mais non par une âme raisonnable. De cet autre enfin : « S’ils l’avaient connue (cette sagesse), ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la gloire, » I Cor., ii, 8, quelques-uns estimaient que la divinité a soullert. On avait beau leur rappeler d’autres textes d’une évidence aveuglante, ils ne se rendaient pas. Fpiphane leur citait entre autres celui où il est dit que Jésus progressait en sagesse, en taille et en grâce, Luc, m, 52 ; en âge et en taille, c’est-à-dire quant à son corps et à son âme sensible, mais aussi en sagesse, donc quant à son âme raisonnable. Ibid., 26, col. 677. De même, leur faisait-il observer, celui-ci : « J’ai désiré d’un grand désir de manger cette pâque avec vous, » Luc, xxii, 15, ne peut être l’expression ni de la divinité seule, ni du corps seul, ni de l’âme sensible sans l’âme raisonnable, mais de la nature humaine parfaite, qui comprend nécessairement l’âme raisonnable avec l’âme sensible et le corps. Mais chaque fois que, sur le terrain de l’interprétation scripturaire, on les serrait de trop près, ils se contentaient de répondre : queî( S ; voOv Kourroû ïyotj.i’i. I Cor., ii. 16. Mais ce mot de l’apôtre, remarque justement saint Epiphane, ibid.,