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EGLISE


nullo sub respectu ad Ecclesiam pertinet judicium ferre de assertion ibus disciplinarum Jiumanarum.

Observons toutefois que selon les indications fournies à l’article DOGME, la définition ecclésiastique déclarant infailliblement que telles vérités appartiennent réellement au dépôt indirect de la foi, n’en change aucunement la nature intime, et ne peut par conséquent suffire pour que celles-ci soient rangées parmi les vérités révélées.

P) Infaillibilité de l'Église dans ses lois universelles. — On formule non moins explicitement cette proposition, que l'Église est infaillible dans les lois qu’elle établit pour tous les fidèles. Cano († 1560) est le premier à exprimer ce principe, implicitement admis par les théologiens du moyen âge et par les Pères, d’après les preuves précédemment citées. Il affirme positivement que l’autorité de l’Eglise est infaillible dans les lois qu’elle établit pour tout le peuple chrétien, du moins in re gravi et quæ ad cliristianos mores formandos apprime conducat. De locis llieol., l. V, Opéra, Venise, 1759, p. 138. Certaines lois peuvent manquer de prudence et de mesure ; de même tout ce ; qui concerne les pénalités ecclésiastiques, les censures, les excommunications, les suspenses, les irrégularités et les interdits, n’est pas digne d’approbation. Mais tout ce qui, dans les préceptes, les décisions et les sanctions des souverains pontifes et des conciles, contribue véritablement à former la vie chrétienne des fidèles, est l’objet de l’infaillibilité de l'Église, en ce sens que l'Église ne peut, en cela, rien commander qui soit contraire à la doctrine de JésusChrist ou à l’enseignement de la raison. Cependant, l’auteur n’ose définir s’il y aurait hérésie à affirmer que quelque coutume de l'Église est mauvaise, ou que quelqu’une de ses lois est injuste, p. 138. Toutefois en ce qui ne concerne point la conduite de toule l'Église, mais seulement celle d’hommes particuliers ou d'Églises particulières, l'Église peut errer par ignorance, non seulement dans le jugement qu’elle porte sur les choses passées, mais aussi dans ses prescriptions ou lois particulières, parce que, dans ces cas, elle s’appuie sur des témoignages faillibles qui ne peuvent toujours suffire pour L’abriter contre toute erreur, p. 139.

Bannez († 1604) reproduit, sur ce point, l’enseignement de Cano, avec cette seule modification qu'à son jugement celui qui affirmerait que quelque coutume de l'Église est mauvaise, ou que quelqu’une de ses lois est injuste, doit ôlre certainement considéré comme hérétique, s’il accuse positivement l'Église d’erreur en une matière nécessaire au salut, sinon il serait seulement sapiens liseresim. In 7/ am II*, q. i, a. 10, Venise, 1602, col. I il sq.

Suarez († 1617) affirme expressément l’infaillibilité de l'Église (dans l’espèce il parle seulement de l’infaillibilité du pape) in pneceptis seu rebits moralibus quas tradit vel approbat pro uuiversa Ecclesia. De fide, disp. V, sect. VIII, n. 7. Ce qu’il entend uniquement de l’honnêteté et de la rectitude morale, en ce sens que l'Église ne peut approuver comme honnêtes des choses mauvaises, ni condamner comme mauvaises des choses honnêtes. Mais, en ce qui est seulement circonstance accidentelle de la législation ecclésiastique, comme la multiplication excessive des lois, leur rigueur trop grande ou leurs pénalités trop sévères, il n’y a point d’inconvénient à admettre quelque défaut humain, qui n’est point opposé à la sainteté de l'Église. Loc. cit. Aussi, voulant prouver, dans son traité des lois, que le pouvoir d'établir des lois, obligeant l’r.glise entière, ne peut point être délégué, Suarez s’appuie sur ce que les lois ecclésiastiques, obligatoires pour toute l'Église, doivent procéder d’un pouvoir qui ne peut errer en ce qui concerne la morale, et qu’un tel pouvoir dépendant de la direction spéciale du Saint Esprit promise au pape seul, n’est point susceptible de délégation. De legibus, l. IV, c. vi, n. 22.

L’enseignement de Suarez est dès lors communément suivi par les théologiens. Sylvius, op. cit., p. 335 sq. ; A. Barbosa († 1649), Juris ecclesiastici universi, l. I, c. ii, n. 40 sq., Lyon, 1645, p. 32 ; Jean de Saint-Thomas, Tractatus de auctoritate summi pontificis, disp. III, a. 3, Cursus théologiens, Paris, 1883, t. vii, p. 308 sq. ; Libère de Jésus, op. cit., t. v, p. 610 sq. ; llenno, op. cit., t. i, p. 315 ; Tournely, op. cit., t. i, p. 428 sq. ; Billuart, Tractatus de regulis fidei, diss. III, a. 5 ; Murray, op. cit., t. iii, p. 251 sq. ; Hurter, op. cit., t. i, p. 271 ; Wilmers, op. cit., p. 472 ; de Groot, op. cit., p. 293 ; Pesch, op. cit., p. 358 sq. ; Bouquillon, Tlœologia moralis fundamenlalis, 3e édit., Bruges, 1903, p. 57.

y) Infaillibilité de l'Église relativement à la canonisation des saints. — Depuis la fin du XIIIe jusqu’au commencement du xvi 6 siècle, les théologiens avaient communément adopté, sur ce point, la formule de saint Thomas. Au xvie siècle, Melchior Cano, tout en admettant que les jugements ecclésiastiques, en cette matière, reposent sur des témoignages en eux-mêmes faillibles, s’efforce surtout de montrer qu’il y aurait témérité, imprudence et irréligion à rejeter les décisions de l'Église sur ce point. Ce serait l’accuser d’erreur en ce qui concerne la conduite des fidèles, contrairement aux promesses de Jésus-Christ. D’ailleurs, aucun cas de faux témoignage ne pouvant être relevé dans tout un ensemble de faits de ce genre, on doit admettre que c’est une preuve d’une providence toute spéciale, préservant l’Eglise d’erreur en cette matière. De locis t/ieolog., l. V, c. v, p. 139 sq.

Bannez reproduit l’enseignement de saint Thomas et de Cano, en ajoutant qu’il est très téméraire, scandaleux et proche de l’hérésie, d’affirmer que ie pape ou un concile général puisse errer, même pour la canonisation d’un seul saint. Ce qu’il prouve par l’autorité du concile de Constance et de Martin V, condamnant la proposition 44" de AYicleff : Augustinus. BenedicttM et Uernardus damnati sunt, ttisi psenituerint de hoc quod habuerunt possessiones et instituerait et inlraverunt religiones, Denzinger-Rannwart, Encliiridion, n. 624 ; par l’infaillibilité certaine de l’Eglise d ; ms toutes les lois concernant le bien moral de toute l'Église et par les graves dommages qui résulteraient pour l'Église de la négation de cette infaillibilité. In 7/ am II*, q. I, a. 3, Venise, 1602, col. 147 sq.

Grégoire de Valence, en soutenant la même doctrine, va jusqu'à affirmer que l’on doit croire, d’une foi certaine, que les témoignages attestant la sainteté d’un serviteur de Dieu canonisé par le pape, sont vrais, et que cet homme est du nombre de ceux que les révélations de l’rxriture nous montrent comme obtenant, avec le secours de la grâce divine, le bonheur de la vie éternelle. Analysis fidei catltolicse, part. VIII, Ingolstadt, 1585, p. 314 sq.

Bellarmin, en reproduisant l’opinion de Cano, affirme simplement qu’il est certain que l'Église ne se trompe point dans la canonisation des saints, de telle sorte que les saints, canonisés par elle, peuvent être vénérés sans aucun doute. Controv., De sanctorum bealitudine, l. I, c. ix, Lyon, 1601, t. i, col. 1452 sq. Suarez s’exprime de même. Il ajoute formellement que cette doctrine n’est point de foi, mais qu’elle est assez certaine et que la proposition contraire est impie et téméraire. De fide, disp. V, sect. viii, n. 8. Les preuves dont l'Église se sert pour constater la sainteté de ceux qu’elle canonise, avec l’appoint fourni par l’assistance du Saint-Esprit, donnent une certitude excluant tout doute prudent. Defensio fidei catliolicæ, l. II, c. ix, n. 10. Sylvius, en reproduisant tous les arguments prouvant en cette matière l’infaillibilité de