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EGLISE


protestantisme dont le baptême antécédent reste incertain, et qui sont actuellement dans la même impossibilité de recevoir le baptême.

b) Les documents ecclésiastiques déclarent expressément que l’appartenance actuelle à l'Église catholique n’est point nécessaire pour le salut, dans le cas où la vérité de cette même Eglise est invinciblement ignorée. C’est ce qu’expriment notamment l’allocution consistoriale Singulari quidam de Pie IX du 9 décembre 1854, et l’encyclique du même pape aux évéques d’Italie du 10 août 1863. Il est donc évident que, dans ce cas aussi, l’appartenance in votoi l'Église catholique suftit pour le salut. Nous n’avons point à définir ici ce qu’est la bonne foi théologique, puisque nous avons précédemment analysé tous ses éléments théologiques. Voir Bonne foi, t. ii, col. 10Il sq.

Quant au jugement à porter sur l’existence concrète de cette bonne foi dans les cas individuels, il nous suffira de rappeler les principes précédemment établis. Le problème de la responsabilité ou de la culpabilité morale étant nécessairement une question individuelle, on ne devra point appliquer à toutes les intelligences, à tous les temps, à tous les pays, à tous les milieux, une mesure uniforme, mais essayer de porter un jugement particulier sur chaque cas individuel, en tenant compte de l'état habituel de la conscience de chacun et des causes internes ou externes qui peuvent la troubler ou même la fausser, en tenant compte aussi des facilités ou difficultés particulières que chaque individu peut rencontrer dans l’acquisition de la connaissance religieuse qu’il est tenu de posséder. Aussi devrat-on se garder de toute généralisation téméraire concernant un pays, une région ou toute une catégorie de personnes, comme l’indique Pie IX dans son allocution consistoriale du 9 décembre 1854 : Nunc vero quis lantum sibi arroget, ut hujusmodi ignorantise designare limites queat juxta populorum, regionum, ingeniorum aliarumque rerum larti multarum rationem et varielatem ? Denzinger-Pannuart, Enchiridion, n. 1647. C'était déjà le jugement de Suarez et des théologiens de Salamanque. Parlant à une époque et dans un pays où la foi catholique régnait sans conteste, ils estimaient que, même dans un tel milieu, des hérétiques ou des infidèles pouvaient, de fait, rester en dehors de toute influence chrétienne et n'éprouver aucun doute sur la vérité de leur religion. Suarez, De fide, disp. XVII, sect. ii, n. (i, 9, 10, 13 ; Salmanticenses, Cursus llieolugicus dogmaticus, tr. XVII, disp. IX, n. 9.

3. Pour que, dans ces deux cas exceptionnels, l’appartenance m rolo puisse, chez les adultes, suffire pour le salut, certaines conditions sont strictement requises. (les conditions sont rigoureusement déduites des principes qui seront exposés à l’article Foi, ou de ceux qui ont déjà été exposés à l’article Contrition, t. iii, col. 1(576 sq.

a) On démontrera qu’un acte de foi strictement surnaturelle est indispensablement requis pour le salut, et que cet acte de foi doit avoir pour objet, à son degré minimum, l’existence de Dieu rémunérateur surnaturel. Cet acte de foi est toujours accessible, avec le secours de la grâce divine, à tout adulte, si dépourvu qu’il soit du secours extérieur de la prédication chrétienne. Car, selon l’autorité de saint Thomas, Qusest. disp., De veritale, q. xiv, a. 11, ad l" iii, c’est un enseignement très fondé sur la volonté de Dieu de sauver tous les hommes, que tout adulte qui, avec le secours de la grâce divine, observe la loi naturelle telle qu’il la connaît, obtiendra le don de la foi par quelque moyen providentiel, c’est-à-dire par une inspiration ou révélation intime, ou par quelque prédicateur extraordinaire, angélique ou humain.

b) On démontrera aussi que, sous le Nouveau Testament et depuis que la révélation chrétienne a été

manifestée au monde, un acte de foi surnaturelle en cette révélation est, en vertu de l’institution positive de Dieu, requis pour le salut, de telle manière cependant que l’on soit excusé de cette obligation, si en fait tout moyen de connaître cette révélation fait défaut. Ce qui peut se rencontrer non seulement dans les pays et dans les milieux où cette révélation n’est point enseignée, ou n’est plus enseignée que très incomplètement, mais même là où elle est communément et parfaitement enseignée, pourvu qu’en fait cette vérité nuit point été suffisamment proposée à tel individu, ou que celui-ci, sans qu’il y eût de sa part aucune culpabilité-, n’ait point prêté une advertance suffisante à cette même vérité. Dans ce cas, le salut peut être suffisamment assuré par la foi en Dieu rémunérateur surnaturel, pourvu que cette foi soit accompagnée de la volonté au moins implicite d’adhérer fermement à tout ce que l’on saurait être positivement révélé par Dieu ou exigé par lui pour le saluf.

c) Un acte de contrition surnaturelle est également nécessaire au salut, comme on l’a précédemment démontré, voir Contrition, t. iii, col. 1676 sq., pour tous ceux qui ont commis quelque faute grave. Si l’impossibilité physique de recevoir le sacrement de pénitence ou l’ignorance invincible de la divinité et de la nécessité de ce sacrement, excuse de l’obligation positive de le recevoir, rien ne peut excuser de la nécessité absolue de produire un acte de contrition surnaturelle, pour obtenir la justification nécessaire au salut. Cette contrition, dès lors qu’elle est sincère et universelle, doit manifestement être accompli d’un ferme propos intégral d’accomplir tout ce que l’on saurait être évidemment exigé par Dieu pour l’obtention du salut éternel.

Dans ce ferme propos, sincère et universel, est toujours implicitement compris le désir d’appartenir à la véritable Eglise, si elle était suffisamment connue comme divinement établie et comme nécessaire au salut. Désir implicite certainement suffisant sur ce point, comme il est certainement suffisant en ce qui concerne les sacrements de baptême et de pénitence, quand l’ignorance invincible ou une invincible inadvertance empêche d’accomplir actuellement ce qui est exigé pour le salut.

d) Quant aux facilités plus ou moins grandes de réalisation de ces conditions en dehors de l’appartenance actuelle à la véritable Eglise, on comprend aisément qu’elles dépendent principalement de la question fondamentale de la possibilité d’obtenir, en dehors de l’adhésion réelle à l'Église catholique, la foi strictement nécessaire au salut. Cette possibilité qui repose sur le principe très assuré de la volonté positive de Dieu de sauver tous les hommes, en fournissant à tous sans exception les moyens indispensables, sera prouvée à l’article Foi.

Réponse aux objections principales.

1° objection. — Selon les principes catholiques, la foi né saire au salut ne peut exister en dehors de l’Eglise, parce que la foi, dans l’ordre actuel de la providence, doit être nécessairement appuyée sur l’autorité de l'Église à laquelle Dieu a exclusivement confié la mission d’enseigner jusqu'à la consommation des siècles toute sa révélation. — Réponse. — a) Malgré les assertions contraires de quelques auteurs catholiques, notamment de deux écrivains américains de la seconde moitié' du xix c siècle, lirownson, dans l'édition complète de ses œuvres, t. v, p. 433 sq., et Mùller, C. S. S. IL, dans une brochure publiée en 1888, Extra Ecclesiam nulla salus, p. 177 sq., il est très certain que la foi, bien que, dans le plan actuel de la providence, elle doive être normalement réglée par la proposition officielle faite par l'Église avec une autorité souveraine, peut cependant, pour toute âme qui ignore en